Les fiches récentes

18 février 2015

Analyses Sectorielles

Le 17 février 2015, comme pour le précédent "Contrat de Régulation", l'entreprise Aéroport de Paris (ADP) a mis sur son site à disposition de tous "pour consultation" le projet de "Contrat de Régulation Economique" pour la période 2016-2020.

Publié dans la foulée de la réunion du Conseil d'administration d'ADP, le texte est présenté comme un outil en "faveur de la place de Paris", et plus particulièrement en faveur du transport aérien.

Cela montre que le document s'adresse avant tout aux investisseurs et aux marchés financiers, le document étant placé sur le site de l'entreprise dans la rubrique destinée aux "investisseurs".

Cela illustre l'évolution depuis les traditionnels "contrats de plan". Mais dès lors, qui sont les parties à ces types de contrat ?

En effet, l'expression même de "Contrat de régulation" est nouvelle. Elle paraît la modernisation du "Contrat de plan". Mais celui-ci, dont la nature contractuelle fût finalement reconnue par le Conseil d'Etat, n'avait pour partie que l'Etat et l'entreprise en charge d'un service public.

Parce qu'il est de "régulation économique", le projet de contrat ouvert à consultation publique exprime plutôt de la part de l'entreprise, ici celle qui assure la gestion des aéroports parisiens, sa vision pour le futur du développement de l'infrastructure essentielle qu'est l'aéroport comme coeur du développement mondial du transport aérien.

L'entreprise au coeur du contrat (plutôt que l'Etat), dans la fixation des objectifs des 4 années qui viennent correspond à la lettre et à l'esprit de la Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a mis le dispositif de ce Contrat de Régulation Economique en place.

En cela, le gestionnaire d'infrastructure est placé par la loi comme un "régulateur de second degré", comme peut l'être une entreprise de marché financier. L'entreprise qui gère et développe les aéroports parisiens entre sans conteste dans la catégorie des "entreprises cruciales", puisqu'elle dispose ainsi de l'avenir du secteur, et contribue à conserver à la France une place dans le monde.

Plus encore, A.D.P. se comporte effectivement comme un régulateur, puisque c'est elle qui procède à la "consultation publique", le document de consultation élaboré par elle.étant placé sur son site et développant ses ambitions pour le secteur et pour la France. Mais A.D.P. s'exprime aussi comme un acteur économiques et financières, soulignant le contexte de concurrence réclamant au passage plus de stabilité et de lisibilité dans la régulation dans laquelle elle se meut ...

Mais le mécanisme de consultation prévu par les texte ne peut être que plus complexe. En effet, ADP ne peut être juge et partie. C'est pourquoi si le projet suscite des observations, celles-ci doivent être formulées non pas auprès d'ADP mais auprès des ministères chargés de l'Aviation et de l'Economie, dans un délai d'un mois, lesquels en communiquent la teneur à ADP.  Puis, la Commission consultative aéroportuaire sera consultée.  C'est au terme de ce processus que le Contrat de Régulation Economique sera signé.

A voir la fin du processus, l'on demeure dans la logique des contrats de plan, puisque ce Contrat de Régulation Economique reste signé entre l'Etat et le gestionnaire de l'infrastructure essentielle. Mais le processus de consultation montre qu'en premier lieu les investisseurs à l'égard d'une entreprise par ailleurs privatisée et présentant son projet avant tout en terme de développement concurrentiel et international et qu'en second lieu les compagnies aériennes qui utilisent quotidiennement les services de ces aéroports, que le célèbre arrêt ADP a soustrait au droit de la concurrence, sont pourtant également directement concernés.

Les compagnies aériennes protestent contre l'augmentation de l'argent qui va leur être demandé. Cela va leur être imposé, puisqu'il s'agit de "redevance" et de "politique de tarification". Nous sommes bien dans l'unilatéral. Mais c'est bien un "prix" qu'elles ont l'impression de payer, entendant par ailleurs un discours faisant référence à la concurrence dans ce qui est présenté comme un "contrat".

Mais dès lors, ne faudrait-il pas admettre que ces "contrats de régulation économique" se font non pas entre deux parties que sont l'Etat et ce régulateur de second degré qu'est le gestionnaire de l'infrastructure, mais doivent se faire à trois, l'Etat, le gestionaire de l'infrastructure et les "parties prenantes", que sont ici principalement les compagnies aériennes ?

Cette difficulté pratique tient beaucoup au fait que la qualification de "contrat" a du mal à se justifier dans un mécanisme où prévalent des mécanismes unilatéraux.

17 février 2015

Translated Summaries : 05. Energie

En droit de la régulation, les municipalités ont une grande importance, en cas de consommateurs mais aussi en tant qu'émetteurs de normes. Elles peuvent le faire par le biais de contrats mais aussi par des normes unilatérales, comme des arrêtés.

Cette puissance des municipalités vient de connaître un coup d'arrêt par la décision rendue le 17 février 2015 par la Cour suprême de l'État de l'Ohio, State of Ohio ex rel. Jack Morrison Jr., Law Director for City of Munroe Falls, Ohio v. Beck Energy Corp.

En effet, un texte municipal avait pris des dispositions pour imposer des règles en matière d'emplacement, de forage et d'exploitation de puits de pétrole et de gaz. Ces dispositions étaient contraires au droit de l'État de l'Ohio.

Dans son arrêt du 17 février 2015, la Cour suprême de l'État considère que cela suffit à rendre le premier texte non-conforme à la Constitution car il n'est pas possible pour un pouvoir local d'exercer un pouvoir normatif en contredisant une norme étatique.

L'enjeu est certes juridiques et tient dans la mise en oeuvre de la hiérarchie des normes. Mais il est aussi politique : en matière énergétique, en raison de la puissance des opérateurs, qui est le plus à même de n'être pas capturé par le secteur ? Le pouvoir politique de l'État ou le pouvoir politique des municipalités ?

Comme le suggère un des juges, il faut prendre en considérer lequel des deux pouvoirs dépend le plus des opérateurs dans le financement des campagnes.

Élément de fait déterminant, propre aux États-Unis, élément auquel Kelsen n'avait pu penser ...

16 février 2015

Analyses Bibliographiques : Ouvrages

Publié par Oxford University Press (OUF), l'ouvrage collectif en langue anglaise Public Accountability , dirigé par Mark Bovens, Robert Goodin et Rhomas Schillemann, est composé de 43 contributions.

Peu portent strictement sur des questions de régulations. On peut tout de même citer l'article de Colin Scott sur les Régulateurs indépendants (Independent Regulators) ou ceux de Christie Hayne, Steven E. Salterio et de Paul L. Posner et de Asif Shahan sur le contrôle des comptes (Accounting and Auditing ; Audit Institutions).

La plupart des contributions porte plutôt sur le renouvellement nécessaire du management de l'Etat, la gouvernance publique intégrant cette nouvelle façon de "rendre des comptes", ce qui peut aller de soi, en raison du titre même de l'ouvrage : Public Accountability. Mais comme nous savons que la frontière entre le public et le privé est plus que jamais poreuse, on ne peut qu'apprécier que l'ouvrage étende ses réflexions vers la gouvernance des organisations privées, voire le secteur privé non-lucratif.

En effet, le fait de rendre des comptes est ce qui est commun à la Régulation et à la Gouvernance. C'est la première phrase de l'ouvrage : "Accountability is the buzzword of modern governance".

Sans doute parce que l'accountability, terme difficile à traduire en français, est devenue une notion  centrale, comme le montre la contribution introductive, ce sont les articles qui la confrontent à des éléments les plus générale, comme "le temps" (Accountability and Time), "la crise", (Accountability for Crise) ou "la confiance" (Accountability and Trust) qui sont les plus instructif pour l'avenir.

Ainsi, malgré son caractère collectif, l'ouvrage est très cohérent et prend souvent un ton critique à propos de cet envahissement de l'espace public par cette volonté d'accoutability, dont les auteurs soulignent les "déficits", les ratés et surtouts le coût prohibitif. On en viendrait à regretter le mécanisme simple de la règle hiérarchique à laquelle une contribution nostalgique est consacrée, où l'on décrit comment fonctionnait l'Etat avant qu'on ne lui applique la théorie par ailleurs décrite dans l'ouvrage de l'agence et qu'on lise désormais le rapport démocratique à travers ses lunettes-là.

C'est donc un ouvrage concret, complet, critique et prospectif, du plus grand intérêt.

 

 

15 février 2015

Sur le vif

La presse du Sénégal a fait état d'une conférence par laquelle le Premier Président de la Cour d'appel de Dakar a affirmé que le juge judiciaire, en l'espèce, la Cour d'appel de Dakar, après avoir été un peu "effrayé" par le droit de la régulation, en raison de la technicité de celui-ci, puis avoir craint être dépossédé du contentieux, du fait que les Autorités de régulation mises en place sont dotées d'un pouvoir de règlement des différents, est aujourd'hui en mesure de jouer son rôle.

Il affirme en premier lieu que le juge a appris la matière (en l'espèce il s'agit du contrôle des marchés publics).

Il affirme en second lieu que lorsque les parties sont en conflit, elles continuent à aller voir le juge judiciaire, indépendamment de l'existence du Régulateur et de l'exercice qu'il fait de sa fonction de règlement des différents.

14 février 2015

Analyses Sectorielles

La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.

Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.

Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.

Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.

Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites,  mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.

Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.

13 février 2015

Sur le vif

12 février 2015

Événements

Cette conférence a été élaborée par le professeur Julien Chaisse.

Elle se tiendra en langue anglaise.

Elle est organisée par le centre de recherche sur la régulation financière et le développement économique de la faculté de droit de l'Université chinoise de Hong-Kong (Centre for Financial Regulation and Economic Development, Faculty of Law – The Chinese University of Hong Kong).

 

Lire le programme.

Cette conférence a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes juridiques de régulation internationale de l'eau, notamment dans la perspective du changement climatique, d'articuler le rôle des Etats et des contrats d'investissement privé, d'appréhender juridiquement la nature de l'eau comme "ressource", voire comme "droit de l'homme" au regard notamment de la fixation de son prix, de mesurer les conséquences juridiques de la globalisation en la matière.

 

12 février 2015

Analyses Sectorielles

Il ne sert à rien à compter un à un les pouvoirs d'un Régulateur et de les additionner pour essayer de mesurer sa puissance. Il faut mesurer quelle considération les autres ont de l'exercice qu'il fait de ses pouvoirs.

Ainsi en est-il de son pouvoir d'avis. Parfois, de fait, son avis vaut autant que s'il adoptait lui-même le texte, tant ceux qui lisent ses observations en sont impressionnés. Parfois, le Régulateur peut bien formuler un avis sensé, motivé, pertinent, ceux auxquels il s'adresse n'en ont cure.

Le résultat est souvent que le Régulateur prend alors acte de cette faiblesse à propos de laquelle dans le cadre strict de ce pouvoir d'avis il ne peut rien, mais dans la continuité de ses pouvoirs entre l'Ex Ante et l'Ex post, parce que le secteur est un espace clos, il s'en souvient, notamment lorsqu'il exerce ses pouvoirs de règlement des différents ou plus encore ses pouvoirs de sanctions. Et là ...

Prenons l'exemple des activités ferroviaires. L'Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (ARAF) est un Régulateur récent, face à des acteurs puissants, dans lesquels l'Etat a des intérêts. Le fait que ces intérêts soient légitimes n'enlèvent pas le poids qu'un tel opérateur public intégré représente face au Régulateur. Le 27 novembre 2014, l'ARAF a exprimé des avis défavorables concernant les principaux projets de décrets. Le 6 janvier 2015, l'Autorité de la concurrence a également formulé un avis critique, englobant dans son mécontentement et la loi de "Réforme ferroviaire" et ces projets de décrets.

Le 11 février 2015, les 7 décrets d'application du 10 février 2015 ont été publiés. Les avis défavorables concernant trois d'entre eux par le Régulateur (l'ARAF) ont été balayés. On peut l'admettre tout à fait, à la fois concernant l'Autorité de la concurrence, puisque nous somme en matière de Régulation et non pas dans le simple jeu de la concurrence, et concernant l'ARAF, car son avis n'est que consultatif, et le pouvoir exécutif reste dans la ligne de la volonté du Parlement. C'est comme si le Régulateur n'avait rien dit.

Ainsi, au regard de la hiérarchie des normes, dans la lettre comme dans l'esprit, les décrets sont dans la droite ligne de la loi qu'ils mettent en application.

Mais il n'est pas exclu que le Régulateur des activités ferroviaire se souvienne d'avoir été si peu considéré lorsque c'est en tant que sorte de juge, dans des fonctions civiles (règlement des différents) et répressives (sanctions) que les mêmes se présenteront devant lui.