Les fiches récentes

12 janvier 2015

Sur le vif

France Stratégie est l'organisme public français qui conseille le Gouvernement sur les politiques économiques et sociales.

En janvier 2015, un de ses chercheurs, Medhi Nemri, a publié une note d'analyse : "Demain, l'Internet des objets".

La note considère Internet comme une "infrastructure essentielle" dont les capacités de développement vont permettre l'interaction entre les objets : "l'Internet des objets". Ce monde des "objets connectés" constituerait un "basculement".

En effet, les objets se connectent dans le système industriel (smart manufacturing), les services publics notamment municipaux commencent à s'organiser de la même façon. La note souligne l'intérêt de favoriser une plateforme ouverte pour l'ensemble des services publics. L'espace privé s'organise de la même façon, par exemple la santé, mais les individus n'y voient le plus souvent que des gadgets. Pourtant, par la technique des plateformes, l'interconnection permet une amélioration générale des services. Les entreprises plus traditionnelles risquent de dépendre des entreprises d'Internet développant ces plateformes.

L'enjeu de pouvoir de cette économie sont la normalisation et le standard de nommage des objets, économie dont la création de valeur a pour source la "donnée".

L'auteur de la note propose un "droit à l'expérimentation", moyen de favoriser l'innovation. Cela faudrait en matière de mobilité, de gestion de santé, d'assurance. La note ne précise pas les conséquences d'un tel "droit à l'expérimentation" : signifie-t-il un recul des régulations sectorielles ?

En tout cas, la note souligne la nécessité de réaffirmer les droits des personnes et de protéger la vie privée.

10 janvier 2015

Analyses Sectorielles

Dès l'instant que la régulation suppose l'indépendance de l'opérateur qui gère l'infrastructure essentielle, les conditions ex ante de cette indépendance doivent être réunies.

L'Europe n'exige pas une autonomie juridique du gestionnaire de l'infrastructure essentielle, sans doute exiger une telle autonomie, ce serait à la fois trop demander au Politique, qui peut vouloir des organisations plus intégrées dès l'instant que s'y mêlent des politiques publiques et qu'y sont employés des fonds publics. Mais cela serait aussi trop peu demander au Politique car peu importe l'autonomie juridique, l'essentiel est l'autonomie réelle, laquelle est sous la garde du Régulateur.

En France, l'Autorité de Régulation est l'Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires.

La loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014 a procédé à l'intégration de la société qui gère le réseau de transport ferroviaire, dont la nouvelle dénomination est SNCF Réseau, dans un Groupe public, dans lequel figure aussi la SNCF, opérateur public de transport de fret et de personne, en compétition avec de nouveaux entrants, dans un secteur nouvellement ouvert à la concurrence.

L'Autorité de la concurrence dans son avis du 4 octobre 2013 avait exprimé ses réticences à l'égard du projet de loi, devant l'emprise qu'une telle organisation sociétaire offre à l'opérateur public, au détriment de de ses concurrents et de l'ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence.

Le ton critique s'accroît avec l'Avis du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour l'application de la loi portant réforme ferroviaire.

L'Autorité de la concurrence constitue son avis comme une véritable dissertation sur ce que doit être la régulation du secteur ferroviaire à travers la "gouvernance" du gestionnaire de réseau. En effet, la première partie de l'avis porte sur "la gestion indépendante des infrastructures ferroviaires" tandis que la deuxième porte sur l'intégration de SNCF Réseau dans le groupe public. La troisième partie de l'Avis en tire les conclusions pour mesurer si l'on peut considérer que le régulateur, c'est-à-dire l'ARAF, aura les moyens de garantir cette indépendance par la gouvernance.

Cet avis, dans sa construction même, montre la dialectique entre la régulation et la gouvernance (I), ce qui est un constat et insiste sur le rôle du régulateur dans l'effectivité de la gouvernance (II), ce qui est davantage une question.

9 janvier 2015

Sur le vif

Le Royaume-Uni est sans doute le pays de "l'auto-régulation", ses universitaires y consacrent beaucoup d'études, ses régulateurs en louent les mérites, sa législation la met en place. Il en est ainsi dans le domaine de la presse. Les médias électroniques sont régulés par l'OFCOM, mais la presse écrite reste autorégulée. La tradition britannique demeure donc.

Pourtant, à constater le nombre de réformes qui se succèdent, on en vient à douter. Apprenant que la Chambre des Lords confie à sa Commission des Télécommunications une enquête sur ce système d'autorégulation, enquête qui va débuter en janvier 2015, on en vient à avoir des soupçons d'inefficacité.

La presse britannique, dont on connait la variété du niveau, du Daily Mirror à The Economist et à propos de laquelle les scandales sont nombreux à propos des violations de vie privée et des méthodes pour acquérir les informations, est "autorégulée".

C'est pourquoi un rapport a été publié en 2012, le rapport Leveson, lui-même continuant à recommander l'autorégulation. Sur cette recommandation, a été élaborée le Press Recognition Panel (PRP), entré dans le système juridique par une "Charte royale" le 30 octobre 2013, articulé avec un organe de supervision, le Independent Monitor for the Press (IMPRESS), créé quelques mois plus tard. On ne sait si cela avait bien fonctionné, mais le 8 septembre 2014 le premier organisme est absorbé par le second.

D'ailleurs, dès avril 2014, autorégulation oblige, le fleuron de la presse britannique, le Financial Times, avait estimé qu'il pouvait s'autoréguler tout seul, en désignant un tiers de confiance ad hoc.

Le 8 septembre 2014, se met également en place un nouveau organisateur pour répondre aux plainte des victimes de la presse ,l'Independent Press Standards Organisation (IPSO) , en raison du discrédit actuel du système. Le président de cette autorité affirme lors de l'installation que cette autorité ne sera pas un "faux-semblant".

En janvier 2015, le régulateur plus général, l'IMPRESS, a vocation à se mettre à fonctionner. Au même moment où l'enquête de la Chambre des Lords débute à propos du droit effectif des consommateurs à être protégés par l'IPSO, qui dispose pourtant d'un pouvoir de sanction et un pouvoir de réglement des différents entre les organes de presse, tandis que l'IMPRESS dispose d'un pouvoir de règlement des différents entre opérateurs et entre opérateurs et consommateurs. Il peut donc y avoir concurrence entre régulateurs professionnelss.

Cette étonnante concomitante d'un système d'institutions autorégulées qui donne lieu à une enquête parlementaire à l'instant même où il commence à fonctionner tient sans doute au fait que l'autorégulation ne peut fonctionner que si les parties prenantes y adhèrent. Au moins facialement. C'est le minimum.

Or, le Financial Times a son propre système, y compris de traitement des plaintes. 

Pour la protection des consommateurs, des titres comme The Guardian, The Independent, The Economist ou New Statesman on affirmé qu'ils n'y participeraient pas. Cela signifie qu'ils ne participeront pas au financement de l'IPSO et ne se soumettront pas à son pouvoir de règlement des différents et à son pouvoir de sanction.

L'on voit que l'autorégulation ne fonctionne que si les opérateurs soient tous à peu près de même niveau, ce qui n'est pas le cas des différents titres de la presse britannique.

Le Parlement britannique va-t-il laisser un système autorégulé aussi compliqué ?

Par ailleurs, pourrait-on faire des analogies dans d'autres secteurs, par exemple le secteur bancaire ?

___

8 janvier 2015

Sur le vif

La loi prévoit que la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) publie chaque année un rapport sur le respect des codes de bonne conduite et l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'énergie. La CRE vient de publier en décembre 2014 son rapport 2013-2014 Respect des codes de bonne conduite et indépendance des gestionnaires de réseaux d'électricité et de gaz naturel.

Cette disposition particulière montre la proximité entre la régulation et la gouvernance, proximité que l'on croit parfois limité à la sphère de la banque et de la finance;

Cela se conçoit d'autant plus que les gestionnaires des réseaux de transport sont souvent des filiales des opérateurs historiques de production et de vente d'énergie, intégration économique et juridique que le droit ne prohibe pas alors même qu'il oblige à l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport. Cette indépendance devant être de fait et non de droit, ce qui est une exigence plus élevé que la simple autonomie juridique des entreprises, il en résulte des exigences de "gouvernance", l'opérateur devant donc ne pas exercer des droits et des pouvoirs que son statut de société-mère confère pourtant d'une façon ordinaire, afin que le principe premier d'indépendance du gestionnaire de réseau soit préservé.

Les rapports entre l'actionnaire de contrôle et sa filiale sont donc gouvernés par des "codes de conduite", dans le souci obligatoire de l'indépendance de gestion et de décision de la filiale. Dans un rapport de 90 pages, le régulateur expose donc les contraintes que cet objectif engendre en répercussion sur la société-mère, au-delà du droit des sociétés.

Or, le régulateur est très sévère. Il estime que la façon dont les filiales se présentent aux consommateurs marquent une telle similitude avec leur société-mère que ces tiers ne peuvent pas les identifier comme étant indépendantes de celles-ci. En effet, selon le régulateur, les consommateurs de ce fait ne les identifie pas comme transporteurs ou distributeurs de l'énergie proposée aussi par des concurrents de leur maison-mère.

Ainsi, le régulateur estime qu'il est nécessaire que ces gestionnaires changent leur marque et leur logo et leur dénomination, par exemple qu'ERDF cesse d'avoir une dénomination si proche d'EDF.

La question implicite est la portée juridique de tels reproches, si les sociétés concernées font la sourde oreille. Le rapport évoque la perspective de saisir son organe indépendant apte à prononcer des sanctions. Mais le cas sera difficile car au principe d'indépendance répond le principe de liberté sociétaire et la pénétration du droit de la régulation dans le droit des groupes de sociétés n'est pas pour l'instant clairement fixée.

7 janvier 2015

Sur le vif

Selon la presse indonésienne, le régulateur financier de l'Indonésie va adopter très prochainement de nouvelles règles de régulation financière.

Le régulateur, le Otoritas Jasa Keuangan - Indonesia Financial Services Authority (OJK), établi sous cette forme à la fin de 2014, a vocation à prendre de nouvelles dispositions permettant aux établissements financiers d'apporter des fonds à des entreprises d'une façon plus large que précédemment, notamment à seule fin de permettre à des entreprises d'investir ou de disposer de fonds de roulement.

Les établissements financiers sont en train d'en déduire que ce changement de régulation financière va produire en lui-même un accroissement du développement économique de l'Indonésie.

22 décembre 2014

Sur le vif

En régulation plus que partout ailleurs, l'essentiel tient dans le temps.

Les opérateurs ne peuvent supporter l'incertitude. L'incertitude du contentieux est sans doute la pire arme que le régulateur peut tourner contre eux. A tel point que le journal The Economist, dans son numéro du 30 août 2014 a estimé que les régulateurs des Etats-Unis ont transformé la répression en racket organisé, les opérateurs devant payer pour que s'arrêtent les procédures, le fait qu'ils aient raison ou tort n'étant plus la question.

On l'a vu en matière bancaire et financière. On le voit ici en matière de télécommunication.

En juillet 2014, la Federal Trade Communication ouvre une procédure contre T-Mobile, filiale de Deutsche Telekom, pour avoir facturé à ses clients des services fournis par des prestataires extérieurs et non sollicités. L'entreprise avait immédiatement affirmé ne pas avoir méconnu la réglementation.

Puis, un premier calcul du préjudice des consommateurs a été calculé. Chaque abonné ayant vocation à se prévaloir d'un surcroît éventuellement injustifié d'environ 10 dollars par mois pendant de nombreuses années, le montant des dommages et intérêts possible était très élevé, par exemple à l'occasion d'une class action.

L'entreprise a préféré arrêter là et a conclu un accord pour 90 millions de dollars, revenant pour partie aux consommateurs, mais aussi à différents Etats, versant également une amende transactionnelle au Trésor fédéral américain. .

Voilà donc un cas financièrement résolu. Comme en octobre 2014, il l'a été semblablement puisque AT&T a conclu un accord analogue pour 105 millions de dollars.

Doit-on s'en réjouir ou non ?

L'on s'en réjouira si l'on estime que l'essentiel est de fermer le dossier et de permettre à l'entreprise de retourner à son activité.

L'on pourra se déplorer si l'on pense que

  • la répression doit demeurer l'affaire des tribunaux ;
  • Que les personnes poursuivies, même si elles sont des entreprises, doivent avoir le temps des droits de la défense.
  • Que le système juridique de la régulation doivent émettre des règles et des interprétations des textes, le droit s'appauvrissant par des accords qui ferment les contentieux, l'essentiel étant ... de ne jamais atteindre le juge.

19 décembre 2014

Sur le vif

C'est pour l'instant la grande bataille et personne n'en connaît l'issue.

La Cour européenne des droits de l'homme, par l'arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, a pose qu'un État ne peut cumuler sur une même personne une sanction pénale et une sanction administrative pour un même fait en matière boursière.

Dans le mouvement du "dialogue des juges", le Conseil d'État a posé le 27 juillet 2014 au Conseil constitutionnel la question de la conformité de ce cumul à la Constitution en matière de sanction financière dans le maniement des fonds publics. Par une décision du 24 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a considéré que ce cumul était conforme à la Constitution, principalement parce que la sanction administrative serait d'une "autre nature" que la sanction pénale, parce que chacune poursuivrait un but différent.

Par un arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de cassation a, à son tour, renvoyé deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur le même sujet.

La présentation du problème par la Cour de cassation est la suivante. Par sa formulation, elle montre l'hostilité de la Cour de cassation à la doctrine jusqu'ici développée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.

En premier lieu, l'interprétation du droit français permet une poursuite pénale contre une personne pour des faits à propos desquels celle-ci a été mise hors de cause par le régulateur financier par la commission des sanctions de celui-ci. Cela peut contredire le principe constitutionnel d'autorité de chose jugée, puisque les sanctions administratives encourues sont assimilables à des peines.

En second lieu, cette possibilité pourrait contredire également les principes constitutionnels d'égalité, de nécessité de la loi pénale et de respect du mécanisme non bis in idem.

Certes, habilement, la Cour de cassation pose la question non pas du cumul des sanctions mais du cumul des poursuites, permettant lorsque l'une s'est éteinte, de "rallumer" l'autre.

Cela permettra-t-il au Conseil de mieux accueillir la conception européenne sans se déjuger ? Par exemple d'estimer que le cumul des peines est admissible dès l'instant que la proportionnalité est respectée, mais que l'extinction d'une action éteint la possibilité d'exercer l'autre ?

Ou bien faut-il ouvrir la plaie ? Se décider enfin à l'ouvrir,plutôt de multiples côtés porter des coups de griffe ?

La Commission des Finances du Sénat travaille à repenser, d'une façon plus cohérente, les pouvoirs de sanction dont les régulateurs financiers ont besoin. En effet, les sanctions sont des outils, qui doivent être pensées en première part en fonction des finalités qui doivent être servies, en deuxième part au regard des autres outils dont le régulateur financier dispose, en troisième part au regard des finalités et des pouvoirs dont les autres autorités sont chargées et disposent (autorités de supervision, autorités européennes, étrangères et internationales, juges, autorités professionnelles).

C'est dans cette vision d'ensemble que cette tempête qui excède le verre d'eau doit être replacée.
 

18 décembre 2014

Sur le vif

La monnaie virtuelle est un exemple parfait des difficultés posées par l'interrégulation : en effet, les bitcoins sont des monnaies crées sur Internet, le plus souvent pour jouer. Ainsi se croisent la régulation bancaire, la supervision bancaire, la régulation du jeu et la régulation d'Internet.

Aux États-Unis, la situation se complique dans la mesure où la régulation bancaire est exercée à l'échelon des États, alors qu'Internet fait l'objet d'interventions de la part des régulateurs fédéraux, notamment de la Federal Communication Commission.

Pour résoudre cette difficulté, la solution est de créer un réseau des régulateurs et superviseurs bancaires étatiques, qui adoptent des règles communes. C'est pourquoi la Conference of State Bank Supervisors , qui est le réseau des superviseurs bancaires étatiques a établi un projet de régulation de la monnaie virtuelle, publié le 16 décembre 2014 et soumis à consultation pour un mois.