Thesaurus : 01. Conseil constitutionnel français
22 juin 2016
Sur le vif
La loi réformant le système de répression des abus de marché a été publiée au Journal Officiel du 22 juin 2016.
Cette loi a pour objectif de transposer en droit français les dispositions contenues dans la directive dite "MAD" (Market Abuse Directive) et le règlement dit "MAR" (Market Abuse Regulation), adoptés par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne le 16 avril 2014.
Elle procède également à la mise en conformité de la répression des abus de marché avec l'interprétation, par le Conseil constitutionnel, du principe "non bis in idem". En mars 2015, dans sa décision EADS, celui-ci avait en effet censuré plusieurs dispositions du code monétaire et financier qui prévoyaient, en cas d'abus de marché, la possibilité de cumuler, d'une part, des poursuites judiciaires par le procureur de la République financier (pour "délit d'initié") et, d'autre part, des poursuites administratives par l'Autorité des Marchés Financiers (pour "manquement d'initié").
L'article 2 de la loi dispose ainsi que "le procureur de la République financier ne peut mettre en mouvement l'action publique pour l'application des peines prévues à la présente section lorsque l'Autorité des marchés financiers a procédé à la notification des griefs pour les mêmes faits et à l'égard de la même personne". Symétriquement, "l'Autorité des marchés financiers ne peut procéder à la notification des griefs à une personne à l'encontre de laquelle l'action publique a été mise en mouvement pour les mêmes faits par le procureur de la République financier pour l'application des peines prévues à la présente section".
En outre, cet article prévoit que le procureur de la République financier et l'AMF ont l'obligation de s'informer mutuellement, dans un délai de deux mois, de leur intention de mettre en mouvement l'action publique ou de procéder à la notification des griefs.
En cas de conflit positif (i.e., si le procureur et l'AMF ont tous les deux l'intention d'engager des poursuites), il incombe alors au Procureur général près la cour d'appel de Paris d'autoriser ou non le procureur de la République à mettre en mouvement l'action publique. Cette décision, susceptible de recours, doit être prise dans un délai de deux mois après présentation de leurs observations par le procureur de la République et l'AMF.
Cette procédure de composition administrative (Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'AMF, parle de "dispositif de concertation"!footnote-38) est étendue à l'ensemble des abus de marché.figurant à l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.
18 mars 2015
Thesaurus : 01. Conseil constitutionnel français
14 février 2015
Analyses Sectorielles
La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.
Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.
Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.
Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.
Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites, mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.
Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.
7 janvier 2015
Thesaurus : Doctrine
Référence complète : Schmidt, D. et Le Fur, A.-V., Pour un tribunal des marchés financiers, Bull. Joly Bourse, Janvier 2015, p. 24-42.
Les étudiants de Sciences po peuvent accéder à l'article par le drive dans le dossier "MAFR - Régulation".
19 décembre 2014
Sur le vif
C'est pour l'instant la grande bataille et personne n'en connaît l'issue.
La Cour européenne des droits de l'homme, par l'arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, a pose qu'un État ne peut cumuler sur une même personne une sanction pénale et une sanction administrative pour un même fait en matière boursière.
Dans le mouvement du "dialogue des juges", le Conseil d'État a posé le 27 juillet 2014 au Conseil constitutionnel la question de la conformité de ce cumul à la Constitution en matière de sanction financière dans le maniement des fonds publics. Par une décision du 24 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a considéré que ce cumul était conforme à la Constitution, principalement parce que la sanction administrative serait d'une "autre nature" que la sanction pénale, parce que chacune poursuivrait un but différent.
Par un arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de cassation a, à son tour, renvoyé deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur le même sujet.
La présentation du problème par la Cour de cassation est la suivante. Par sa formulation, elle montre l'hostilité de la Cour de cassation à la doctrine jusqu'ici développée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.
En premier lieu, l'interprétation du droit français permet une poursuite pénale contre une personne pour des faits à propos desquels celle-ci a été mise hors de cause par le régulateur financier par la commission des sanctions de celui-ci. Cela peut contredire le principe constitutionnel d'autorité de chose jugée, puisque les sanctions administratives encourues sont assimilables à des peines.
En second lieu, cette possibilité pourrait contredire également les principes constitutionnels d'égalité, de nécessité de la loi pénale et de respect du mécanisme non bis in idem.
Certes, habilement, la Cour de cassation pose la question non pas du cumul des sanctions mais du cumul des poursuites, permettant lorsque l'une s'est éteinte, de "rallumer" l'autre.
Cela permettra-t-il au Conseil de mieux accueillir la conception européenne sans se déjuger ? Par exemple d'estimer que le cumul des peines est admissible dès l'instant que la proportionnalité est respectée, mais que l'extinction d'une action éteint la possibilité d'exercer l'autre ?
Ou bien faut-il ouvrir la plaie ? Se décider enfin à l'ouvrir,plutôt de multiples côtés porter des coups de griffe ?
La Commission des Finances du Sénat travaille à repenser, d'une façon plus cohérente, les pouvoirs de sanction dont les régulateurs financiers ont besoin. En effet, les sanctions sont des outils, qui doivent être pensées en première part en fonction des finalités qui doivent être servies, en deuxième part au regard des autres outils dont le régulateur financier dispose, en troisième part au regard des finalités et des pouvoirs dont les autres autorités sont chargées et disposent (autorités de supervision, autorités européennes, étrangères et internationales, juges, autorités professionnelles).
C'est dans cette vision d'ensemble que cette tempête qui excède le verre d'eau doit être replacée.
5 décembre 2014
Sur le vif
En Europe, les textes attachent souvent aux comportements des opérateurs des sanctions pénales et des sanctions administratives.
Mais l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme Grande Stevens du 4 mars 2014 semble exclure le cumul de ces sanctions. Pourtant, en France, le Conseil constitutionnel, par sa décision du 24 octobre 2014, QPC, M. Stéphane R., réaffirme la constitutionnalité d'un tel cumul.
Le Gouvernement français semble quant à lui réfléchir à la création d'une sorte de tribunal qui serait autonome du Régulateur et des juridictions de droit commun, mais qui pourrait peut-être prononcer les deux types de sanction.
Toutes ces solutions sont-elles juridiquement ouvertes ?
Parmi celles-ci, lesquelles doit-on privilégier ?
Pour répondre à ces interrogations, le Centre de Recherche en Droit des Affaires de la Chambre de Commerce de Paris (le CREDA) réunit le 11 décembre 2014, de 8h30 à 10h30, Arnaud Reygrobellet, Anne-Valérie Le Fur, Dominique Schmidt et Anne Maréchal.
24 octobre 2014
Thesaurus : 01. Conseil constitutionnel français
Lire le billet de blog à propos de cette décision
27 juin 2014
Thesaurus : Doctrine
Référence complète : DRUMMOND, France, Répression des abus de marché v. non bis in idem. Perspectives d'évolution, in Mélanges en l'honneur du professeur Nicole Decoopman, coll. "CEPRISCA, PUF, 2014, p.185-196.
Les étudiants de Sciences po peuvent lire cet article via le Google Apps, dossier "MAFR - Régulation".