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16 juin 2016

Sur le vif

Le professeur Hervé Causse sort un ouvrage de plus de 800 pages : Droit bancaire et financier.

D'ordinaire, on distingue le "Droit bancaire", d'un côté et le "Droit financier" de l'autre, chacun donnant lieu à des ouvrages distincts, le droit bancaire s'étant depuis longtemps détachant du droit commercial et n'ayant jamais vraiment quitté le droit civil, le droit financier faisant l'objet plus récemment d'ouvrages.

Dans les ouvrages de "Droit bancaire", l'on trouve les contrats, les opérations (le crédit), les mécanismes (comme la monnaie), les institutions (comme la Banque de France) et parfois les règles répressives spécifiques.

Dans les ouvrages de "Droit financier", l'on rencontre avant tout le marché financier, les opérations financières (comme toutes les opérations sur titres et les prises de contrôles des sociétés cotées), l'économie y est beaucoup plus présente, le droit que l'on ose plus guère qualifié de "comparé" tant le droit américain y est comme lui, soit de fait en raison de l'extraterritorialité soit comme modèle, les règles répressives se glissant partout, jusqu'au cœur de ce qui semble être aujourd'hui une branche du droit.

L'ouvrage très important d'Hervé Causse va plus loin et correspond à la réalité : il fusionne le Droit bancaire et le Droit financier.

Il le fait parce qu'il part de la vie du secteur, c'est-à-dire des professionnels. Or, les professionnels travaillent dans les banques. Puis, il décrit ceux qui les admettent et contrôlent leurs activités, c'est-à-dire les autorités de supervision et de régulation. Il continue en décrivant pour le lecteur les instruments, prouesses financiers que les banquiers ont inventées.

Ainsi aspiré par la réalité financière, que reste-t-il de l'attachement civiliste du Droit bancaire ? Pour ne prendre qu'un exemple, lorsque l'auteur s'interroge sur la notion même de "service bancaire" par rapport à celle de "service financier", il constate l'incertitude des notions. Le Droit bancaire est ainsi en train d'oublier le Code civil, les techniques de dépôt en étant un exemple.

Grâce au livre d'Hervé Causse, le lecteur comprend que les règles étant écrites désormais par ceux qui conçoivent la Régulation financière, elles doivent trouver leur ossature dans celle-ci.

 

15 juin 2016

Parutions : I. Articles Isolés

Lire la version française, qui a servi de base à l'article publié "Le Droit de la Compliance".

 

‘Compliance’ issues have been increasingly discussed in recent years. Articles, handbooks, soft law, decisions or definition have been written. But nothing really converges in order to define it, even to find a term. In French, the term conformité ("‘conformity")  is used in parallel, or even instead of the usual concept of compliance. There are as many definitions of what compliance is as there are authors writing on the matter. And yet it is used in manifold ways, from Competition law to International Finance law, from the hardest law (enforced with the help of the most stringent sanctions) to business ethics, according to which behaving should be enough to be compliant. At a time when compliance invades law, it should be first noted that we are too shortsighted to grasp the mechanism (I), whereas it is necessary to build a comprehensive Compliance law (II).

14 juin 2016

Sur le vif

C'est la SEC qui l'annonce elle-même sur son site.

  • Le Régulateur indique lui-même la récompense considérable versée à celui qui lui apporte l'information. Pourquoi ? D'habitude, lorsqu'on rémunère, et à cette hauteur-là (17 millions$), on le fait plus discrètement) ... Or, le Régulateur l'indique immédiatement et à tout le monde. Dans un communiqué qui ressemble à un appel à candidature pour d'autres dénonciations, avec un lien disponible pour que chacun puisse accéder au programme de lancement d'alerte, financé aisément, puisque les récompenses sont prélevées sur les amendes infligées aux opérateurs sanctionnées grâce aux informations transmises!footnote-35.

 

  • C'est parce que le lanceur n'est pas un indice, un pis-aller, c'est un dispositif central de la régulation, qui permet au gardien du système qu'est le Régulateur, d'avoir les informations trouvées par celui qui est à l'intérieur du système et qui les lui lance (car c'est davantage les informations que "l'alerte") que celui-ci lance.

 

  • Le Régulateur justifie son comportement : c'est le moyen le plus efficace pour que le Régulateur puisse déclencher ou faire aboutir une enquête  : Le Directeur de la division de l' "Enforcement" a fait cette déclaration : “Company insiders are uniquely positioned to protect investors and blow the whistle on a company’s wrongdoing by providing key information to the SEC so we can investigate the full extent of the violations,”.

 

  • Cela montre l'ambivalence du titulaire de l'information à l'intérieur de l'entité, c'est-à-dire "l'insider" : pour avoir l'information, il faut être "dedans". En cela, il ne faut ceux qui naturellement savent car ils sont en position de savoir (les insiders) ne bougent pas pour eux car ils seront poursuivis pour "abus de marché" (market abuses) mais s'ils utilisent l'information pour faire bouger le régulateur, auquel ils ont "lancé" l'information, alors ils gagneront autant voire plus d'argent que dans un comportement qui les aurait mené à la prison.

 

  • Le business de la vertu peut se développere.

 

6 juin 2016

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Causse, H., Droit bancaire et financier, Préface de Daniel Tricot, coll. "Droit privé & sciences criminelles",Maré & Martin, 2015, 839 p.

Lire la quatrième de couverture.

Lire l'introduction de Daniel Tricot;

Lire la table des matières.

 

5 mai 2016

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Frison-Roche, M.-A. (dir.), Internet, espace d'interrégulation, Série "Régulations", coll. "Thèmes & Commentaires", Dalloz, mai 2016.

Commander l'ouvrage.

Lire le résumé de l'ouvrage.

Lire la présentation biobibliographique des auteurs.

“Réguler Internet”. Certains affirment que toute régulation est contraire à la nature du numérique. D’autres soutiennent que cela est indispensable, et pour son déploiement économique et pour les libertés publiques. Internet renouvelle les conceptions et les pratiques. Notamment celles du Droit de la Régulation. En effet, Internet permet d’offrir et d’obtenir des prestations qui relèvent souvent de secteurs régulés : prestations financières, audiovisuelle, de santé, de jeu. Plus encore, elles convergent dans de nouveaux objets : les objets connectés. Souvent décrit comme un « désert juridique », le numérique apparaît alors comme une sorte de fatras de système de régulations diverses qui se superposent, se déforment et se contredisent. En réaction,  une « interrégulation », de fait ou de droit, en droit plus ou moins souple, est en train de s’établir. Qui en sera le Régulateur : Les États ? Le juge ? L’internaute ?

L’ouvrage détermine tout d’abord les « Besoins d’interrégulation » pour ensuite décrire et concevoir les solutions d’interrégulation de l’espace numérique.  

Lire la présentation des deux articles de Marie-Anne Frison-Roche :

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La comptabilité est une sorte de photographie de la "valeur" de la société, de son patrimoine, mettant en balance son actif et son passif mais intégrant aussi son activité passée mais éventuellement son activité future. La comptabilité, instrument d'information, devient un outil non seulement pour le dirigeant, l'actionnaire, les co-contractants, mais aussi pour l'investisseur présent ou futur, c'est-à-dire le marché.

La comptabilité classique, d’origine Allemande, valorisait l’actif de l’entreprise à son coût historique (par exemple le prix d’achat des biens), mais les nouvelles normes comptables, sous l’influence britannique et à travers les propositions de l’International Accounting Standards Board (IASB), ont voulu rapprocher la notion de valeur et celle de marché. En effet, un bien a une valeur correspondant au prix qu’en donnera un potentiel acheteur et non pas au prix que son actuel propriétaire a versé pour l'acquérir ou en avoir la maîtrise. Cette notion de fair value ou de market value a conduit à évaluer les actifs à leur valeur liquidative. On s’est de ce fait rapproché de prix plus exacts, en phase avec la notion même de prix concurrentiel mais également extrêmement  variable avec les marchés, les marchés financiers étant eux-mêmes déconnectés de l’économie réelle par la spéculation. De ce fait, des affaiblissements de marchés ont affaibli les bilans et un effet de domino jouant entre les bilans et les marchés, notamment à propos des banques, a grandement contribué à la crise financière de 2008. Cependant, alors que l’activité financière ne peut pas se penser hors une comptabilité jouant un rôle central dans l’information et dans la confiance des investisseurs, le socle de la comptabilité actuelle, indissociable de la régulation du marché bancaire et financier, n’a pas été pour l’instant remplacé.

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les normes prudentielles sont des exigences de sécurité ("prudence") imposées à des entreprises pour que celles-ci soient solides, cette solidité étant requise car une défaillance serait catastrophique pour le secteur auquel elles appartiennent.

Le secteur bancaire est le parangon du secteur dans lequel s'appliquent des normes prudentielles, les banques et établissements de crédit étant ainsi préservés du risque systémique de défaillance, l'effectivité de ces normes étant assurée par la viligance des autorités de supervision, le plus souvent la Banque centrale.

Mais les normes prudentielles et les normes de régulation se rapprochent de plus en plus, notamment depuis la crise financière mondiale de 2008.

Le « Comité de Bâle », un comité rassemblant à Bâle, sous l’égide de la Banque des Règlements Internationaux, banquiers centraux et régulateurs, a dès la fin des années 80 formulé des « recommandations » (Accord de Bâle I, transposé en droit national sur la base du volontariat étatique) afin d’assurer la stabilité du système bancaire international en fixant une quantité minimale de fonds propres des banques. Initialement fixé à 8% de fonds propres par rapport aux crédits accordés, ce « ratio Cooke », dont la limite principale était de ne prendre en compte pour ce calcul que le montant total de crédits distribués et non le risque client attaché à ceux-ci. Il fut consolidé et entouré de deux garanties supplémentaires lors de la signature de l’accord de Bâle II en 2004. Celui-ci s’appuie sur trois piliers : le premier, reposant sur le « ratio McDonough » (prenant en compte non plus seulement le montant des crédits alloués mais les probabilités de défaut de la contrepartie et de la ligne de crédit), se voulait offrir une meilleure évaluation des risques de crédits en autorisant l’usage des notations d’agences agrées (par ex. Standard & Poor’s) ou de modèles de risques internes aux banques ; le deuxième permet au régulateur de contrôler l’application de ces standards et de revoir à la hausse l’exigence de fonds propres si besoin ; le troisième exige la transparence des informations communiquées par les banques au public sur les actifs et leur risque.

Parce que la crise a démontré que la régulation ne pouvait se penser, uniquement de façon régulatoire mais devait inclure une part de prudentiel, à travers la notion de « macro prudentiel », ont été élaborées les normes dites de "Bâle III". Celles-ci sont de  type "prudentielles régulatoires", c'est-à-dire des normes prudentielles devenues sensibles au contexte du marché et visant, comme le font les normes régulatoires, à maintenir dans des équilibres efficaces des marchés qui ne peuvent les établir par eux-mêmes. En particulier, les accords de Bâle III prennent en compte le risque, naguère non considéré, de la pratique étendue des dérivés (titres présentant d’importants risques hors bilan), impliquant des mesures d’ordre prudentiel, qui avait participé à la mauvaise information sur les risques pouvant circuler sur les marchés, nécessitant alors des mesures d’ordre régulatoire, la transparence du marché étant alors le moyen clé poursuivi par la régulation.

Plus encore, les normes Bâle III reviennent sur la définition de « fonds propres Tier-1» (noyau dur des banques permettant de faire face aux pertes liées à une crise) afin que ceux-ci ne puissent plus être constitués que des actions ordinaires et bénéfices mis en réserves par la banque, prévenant ainsi le risque de contamination du système .

Le risque systémique étant un objectif d‘ordre régulatoire, l'on mesure ainsi que le régulatoire et le prudentiel, naguère nettement distingués, s'articulent, se rapprochent, voire fusionnent. Or, le prudentiel renvoie à la supervision davantage qu'à la régulation et les autorités de supervision sont distincts des autorités de régulation ...

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Une crise désigne un dysfonctionnement inattendu et destructeur d’une organisation. Sur un marché ordinaire de biens et services, les crises sont internes aux entreprises, par exemple par le jeu de conflits sociaux, et peuvent même aboutir à la disparition de l’entreprise. Mais, cela n’aboutit pas à une crise du marché car la crise interne de l’entreprise ne se communique pas au marché. C’est pourquoi les théories du marché n’ont pas besoin d’appréhender le fonctionnement interne des entreprises qui sont ainsi volontairement désignées, en raison même de cette indifférence, comme des « boîtes noires ». En effet, une faillite d’entreprise sur un marché ordinaire montre le dynamisme du marché puisque ce sont les entreprises faibles et inadaptées qui sont éliminées au bénéfice des entreprises innovantes, poussant des tiers plus dynamiques à entrer sur le marché pour prendre la place, selon le schéma de la destruction créatrice de Schumpeter et que le droit de la concurrence avalise. Ainsi, la crise, non seulement n’est pas un problème pour le marché ordinaire mais a supposer même qu’on s’en soucie, elle constitue un signe de bon fonctionnement.

Il en est tout différemment en cas de fonctionnement systémique dans des secteurs particuliers. Le cas le plus connu est celui des marchés bancaires et financiers. En effet, si les investisseurs commencent à perdre confiance  dans les intermédiaires, principalement dans les banques par un effet auto-réalisateur, le marché commence à s’effondrer, ce qui conduit les investisseurs, confortés dans leur peur, à retirer leurs avoirs et à réaliser l’effondrement total du marché par un effet domino qui détruit l’ensemble du système. Par la globalisation des marchés financiers et bancaires, aujourd’hui réalisée par la dématérialisation des titres et la technologie, la crise systémique est mondiale. Les régulateurs bancaires et financiers ont donc comme premier office de lutter contre la crise en premier lieu pour la prévenir, par l’information, la transparence et la protection de l’investisseur, en deuxième lieu pour la gérer, par le soutien des opérateurs défaillants et la sanction des opérateurs coupables, et en troisième lieu pour sortir de la crise, par la restauration de la confiance des opérateurs dans les marchés.

Mais il ne faut pas limiter cette prévalence de la crise dans le système de régulation aux seuls marchés bancaires et financiers. En effet, deux phénomènes majeurs empêchent que des biens et services soient laissés au seul et simple schéma du marché ordinaire, c'est-à-dire en fait au seul simple droit de la concurrence.

En effet, le marché concurrentiel suppose le caractère infini de la production des biens et services dès l’instant qu’il y a de la demande d’une part, et le caractère instantané de la production et des transactions d’autre part. Or, tout d’abord, de nombreux biens et services constituent des ressources rares. Il s’agit notamment des ressources énergétiques, qui sont les premiers enjeux de l’économie mondiale. Elles sont alors l’objet nécessaire de régulation, puisqu’on ne peut pas par exemple produire du gaz ou du pétrole. L’enjeu de l’eau est encore plus important, alors même que la régulation de l’eau en est encore à ses balbutiements. De la même façon, le caractère instantané de la production et des échanges ne vaut pas dans toute l’activité agricole qui suppose l’écoulement du temps pour produire les biens, végétaux et animaux, et qui subit les aléas climatiques que l’homme ne maîtrise pas et qui, si on laisse jouer la loi du marché, entraîne un prix certes exact  mais d’une très grande variabilité (loi de King). La régulation agricole intervient alors pour lisser dans le temps les prix et rendre possible cette activité économique qui n’existe que sur des rythmes annuels ou pluriannuels, ce à quoi le schéma du marché ordinaire ne correspond pas. Si une crise agricole advient, comme la crise du prix du porc ou la crise du prix du lait, la solution est alors de se soustraire des mécanismes concurrentiels pour trouver une solution, soit par le biais des contrats pluriannuels entre producteur et revendeur soit par le biais des aides d’État alors justifiées par la crise, voire par le biais des tarifications.

On voit ainsi que la crise n’est plus une notion périphérique et bienvenue dans le modèle mais bien le souci central et permanent du modèle. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui passés du modèle concurrentiel au modèle de la régulation. Cela est notamment vrai en Europe, puisque depuis 2010 se construit notamment l'Europe bancaire, l'Union bancaire ayant pour base la régulation.

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La transparence est associée à l’information. Mais l’information doit simplement être disponible à qui en a besoin, alors que la transparence, évoquant la maison de verre, impose que toute donnée pertinente soit portée à la connaissance de qui en a besoin. Ainsi les marchés financiers doivent être transparents, comme leurs régulateurs, et non pas seulement l’information disponible.

Cette exigence se renforce chaque jour car aujourd’hui on voudrait que non seulement l’intéressé, par exemple l’investisseur ou l’utilisateur du bien, ait en main l’information mais encore, la comprenne. Cette intelligibilité serait un nouveau droit qui donnerait tout son sens à l’information, protègerait effectivement le consommateur, engagerait la responsabilité de son émetteur, et préviendrait efficacement le risque systémique et réduirait les inquiétudes du quotidien.

4 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La confiance a longtemps été le socle même des systèmes monétaires, bancaires, financiers et assurantiels. L’industrie bancaire et financière repose sur la confiance que les consommateurs, ici les investisseurs, accordent aux titres qu’ils acquièrent. En effet, les biens émis sur le marché n’ont pas de corporalité et leur valeur ne dépend que de la confiance que l’acheteur insère dans la valeur que les autres investisseurs eux-mêmes accordent au titre. C’est pourquoi on affirme que le marché financier est intersubjectif. Ce caractère très subjectif des marchés bancaires et financiers n’est pas partagé avec les marchés des biens et services parce que sur ceux-ci, les biens ont une existence corporelle qui est palpable par le consommateur. Et il n’est pas besoin de faire confiance au vendeur de pommes pour savoir que la pomme existe, et il faut peu de temps pour la mordre et en connaitre le gout. Le titre financier ne peut avoir ces vertus.

Cette subjectivisation des marchés bancaires et financiers a engendré la nécessité de régulateur charismatique, et ce sont sur ces seuls marchés que l’on trouve des banquiers centraux – gourous - dont Alan Greenspan a longtemps été le parangon, puisqu'on admet aujourd'hui le rôle de "régulateur" des banquiers centraux. Ainsi, le comportement des personnes, l’image qu’ils donnent à voir, leur réputation, les anticipations de leurs comportements, etc., sont essentielles et la théorie économique des jeux s’est largement développée à propos des marchés bancaires et financiers. De la même façon, sur ces secteurs-là, la régulation et la supervision s'articulent, la personnalité des personnes qui dirigent les établissements systémiques étant contrôlés.

Mais la question de la confiance peut être posée en termes plus généraux, ce qui suppose la question du lien entre la régulation, la supervision et la référence même à un "secteur". La difficulté principale - et elle est assez générale - tient au fait que la confiance est volatile et que la crainte la fait perdre, la peur étant auto-réalisatrice. Comme l’a montré la crise financière de 2008, l’enjeu majeur est alors la restauration par la régulation de la confiance sur les marchés, en premier lieu bancaires et financiers (sans laquelle les consommateurs cesseraient de consommer les produits proposés par les marchés). Plus encore, la panique, engendrée par la disparition de la confiance, peut aller jusqu’à la perte de celle-ci envers l’État, comme dans le cas de la crise grecque en 2010, et faire que les consommateurs retirent leurs dépôts des banques, faisant s’écrouler le système.

La restauration de la confiance est extrêmement difficile car les textes juridiques et le Droit d'une façon plus générale sont malhabiles à faire naître des sentiments : on ne décrète pas la confiance. Les différents États cherchent les solutions de régulation, soit en accroissant les exigences prudentielles (modèle européen) soit en surveillant étroitement l’usage des fonds par les banques (règle Volcker pour les États-Unis), soit en organisant par avance la distribution des actifs par une banque qui tomberait en faillite ce qui éliminerait l’effet systémique du domino (idée britannique du testament des banques, organisée par le régulateur ou la banque centrale). D'une façon plus générale, c'est le régulateur qui injecte de la confiance. C’est pourquoi ils doivent être autonomes des gouvernements parce que ceux-ci sont souvent techniquement en conflit d'intérêts et plus généralement trop capturés par leur opinion publique.

 

4 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Dans son principe, le droit de la concurrence ne protège ni les concurrents ni les consommateurs. La Commission européenne rappelle toujours cette règle fondamentale, le consommateur étant la mesure du bon fonctionnement du marché et son souci ultime mais non nécessairement immédiat. Le droit de la régulation quant à lui, droit d’équilibre qui met en balance le principe de concurrence avec un autre principe peut poser la protection du consommateur comme principe autonome en équilibre du souci concurrentiel. En effet, la régulation peut ex ante fixer les prix à un prix inférieur au prix de marché, notamment en matière de télécommunications ou d’énergie, pour développer une demande, et continuer à établir dans ces deux secteurs des tarifs sociaux, ce que le système concurrentiel ne pourrait admettre. En outre, toujours grâce à ce pouvoir ex ante que manient les régulateurs, tandis que les autorités de concurrence sont des organismes ex post, sont organisées d'une façon préalable les informations du consommateur notamment quant à la qualité du produit qu’il consomme. Cela est particulièrement net en matière de régulation bancaire et financière.

En effet, les textes obligent les banques à informer leurs clients des produits financiers qu’ils envisagent d’acquérir et des risques que ceux-ci présentent. En cela, la protection du consommateur apparaît comme un but servi par la régulation, en balance avec la libre concurrence dans laquelle le consommateur a vocation à s’informer par lui-même sur le marché en contact avec les offreurs. En matière bancaire et financière, l’information du consommateur est actuellement un enjeu particulièrement important parce qu’en informant le consommateur-investisseur sur les risques, la régulation lui redonne confiance, par la transparence, dans le système. Par cette mise en balance entre concurrence et risque, la régulation injecte de la confiance dans le secteur bancaire et financier, qui repose sur celle-ci.

9 décembre 2015

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le secteur des assurances a toujours été régulé en ce qu’il présente un très fort risque systémique, la solidité des opérateurs économiques étant requise pour le fonctionnement du secteur et la faillite de l’un d’entre eux pouvant faire fléchir voire s’effondrer l’ensemble. En outre, l’assurance est le secteur dans lequel l’aléa moral (moral hazard) est le plus élevé, puisque l’assuré aura tendance à minimiser les risques auxquels il est exposé pour payer la prime la moins élevée possible, alors même que la compagnie s’expose à couvrir un accident dont elle ne peut par avance mesurer l’ampleur. Ainsi, la science de l’assurance est avant tout celle des probabilités.

L’enjeu actuel de la régulation des assurances, à la fois institutionnel, c'est-à-dire la construction et les pouvoirs du régulateur du secteur, et fonctionnel, c'est-à-dire les relations que celui-ci doit avoir avec les autres pouvoirs, se situe principalement dans les relations entre le régulateur des assurances et le régulateur des banques ("interrégulation"). En effet, si l’on s’en tient aux critères formels, les deux secteurs sont distincts et les régulateurs doivent être pareillement. Ainsi naguère existait d’une part l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), sous la direction du ministère des finances, ainsi que le Comité des entreprises d’Assurance (CEA), et d’autre part les autorités de régulation bancaire, Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et commission bancaire, département sans personnalité morale à l’intérieur de la banque de France, institution autonome du gouvernement. Mais si l’on regarde les activités, on est alors sensibles au fait que les produits d’assurance, par exemple les contrats d’assurance vie, sont le plus souvent des produits financiers. On constate aussi, à travers la notion de « banque-assurance », que des mêmes entreprises pratiquent les deux activités économiques. Il en résulte que le risque de contamination et de propagation est commun entre l’assurance et la banque. C’est pourquoi, l’ordonnance du 21 janvier 2010 a créé l’Autorité de Contrôle Prudentiel  (ACP) qui vise aussi bien les compagnies d’assurances que les banques, puisque leur solidité doit être soumise à des exigences communes et à un organisme commun. La loi de juillet 2013 a confié à cette Autorité la mission d'au besoin organiser la restructuration de ces entreprises, devenant donc l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l'ACPR.

Mais les règles substantielles ne sont pas pour autant unifiées, d’une part parce que les assureurs ne sont pas favorables à une telle assimilation, d’autre part parce que les textes, essentiellement la directive communautaire sur l’insolvabilité des compagnies d’assurances, demeurent propres à celles-ci, et en distance par rapport aux règles de Bâle s’appliquant aux banques, ce qui contredit le rapprochement institutionnel. La construction européenne reflète la spécificité du secteur assurantiel, le Règlement du 23 novembre 2010 ayant établi l'EIOPA qui est un quasi-régulateur européen pour les organismes de prévoyance, parmi lesquels figurent les sociétés d'assurance.

2 décembre 2015

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le droit communautaire interdit aux États d'apporter aux entreprises des aides, quelques formes qu'elles prennent, car cela fausse l'égalité des chances entre les opérateurs en concurrence sur les marchés, et constitue un obstacle fondamental à la construction d’un marché intérieur européen unifié. Cette prohibition n’existe pas aux États-Unis, puisque le marché existe déjà sur l’ensemble de ce territoire.

Mais si il y a une crise que le marché ne parvient pas par ses seuls forces à surmonter et que l'Union européenne poursuit elle-même des objectifs a-concurrentiels, il faut qu’une régulation exogène intervienne, laquelle peut prendre la forme d’une aide d’État légitime. Il y a alors une sorte de synonymie entre aide d’État et régulation. C’est pourquoi les institutions européennes ont posé que des aides d’État deviennent licites lorsqu’elles interviennent soit dans des secteurs stratégiques, comme dans la production énergétique dans lequel l’État doit conserver son pouvoir sur les actifs, soit d’une façon plus actuelle lorsque l’État intervient en prêtant aux opérateurs financiers proches de la faillite pour lutter contre le risque systémique, l'aide pouvant venir de la Banque centrale européenne elle-même aidant les États dans leur émission de dettes souveraines. En 2010, le commissaire européen à la concurrence a ainsi souligné que les aides publiques sont des outils indispensables aux États pour faire face aux crises, avant que des règlements ne viennent prendre le relais pour jeter les bases de l'Union bancaire européenne.

16 septembre 2015

Événements

L’assistance à ce colloque peut être validée au titre de la formation continue des avocats.

Un ouvrage suivra la tenue de ce colloque, publié dans la Série Régulations aux Éditions Dalloz, Série dirigée par Marie-Anne Frison-Roche.

Au départ la régulation postule la prise en considération des objets techniques (téléphone, avion, train, blé, monnaie, électricité, etc.). Cette perspective concrète s'oppose à la vision abstraite du droit de la concurrence qui neutralise les objets par leur évaluation monétaire et l'élaboration d'un "juste prix" par la rencontre massifiée de l'offre et de la demande sur un marché. Ainsi, à chaque objet technique s'est élaborée une régulation spécifique comme un jardin de curé : la régulation bancaire, la régulation financière, la régulation ferroviaire, la régulation des télécommunications, la régulation électrique, la régulation des jeux, la régulation des courses hippiques, etc. Des corpus de règles et d'institutions se sont construites, propres à chaque objet, plus efficace que le mastodonte que l'État en charge de tous les objets et poursuivant tant d'objectifs qu'il était critiqué pour son inefficacité.

Mais les différents objets techniques ne sont pas isolés les uns des autres. Ainsi les produits financiers ont depuis longtemps pris les autres objets comme "sous-jacents". Plus encore Internet a introduit une nouveauté qui pourrait être radicale.

En effet, Internet permet une circulation qui paraît sans entrave de prestations qui relèvent le plus souvent de secteurs régulés (prestations financières, prestation de santé, prestations audiovisuelles, etc.). Plus encore, de nouveaux objets apparaissent, les "objets connectés" dont la création repose sur l'aptitude d'Internet de mettre en relation efficace des secteurs jusqu'ici distincts, par exemple les télécommunications et les prestations de santé (la "santé connectée).

Dès, Internet, qui est souvent présenté comme un désert de régulation, apparaît comme un fatras de régulations diverses, qui se contrarient ou se déforment en passant dans le monde virtuel et en croisant, voire en s'entrechoquant avec d'autres régulation. Ainsi Internet apparaitrait à première vue comme un "espace d'interrégulation".

Le colloque du 16 septembre 2015 consacre sa matinée à dresser un diagnostic pour mesurer les "besoins" d'interrégulation qu'Internet engendre, afin que l'après-midi permette d'élaborer quelques "solutions" d'interrégulation. A cette occasion, l'on pourra mesurer s'il s'agira d'adapter les régulations classiques du fait de nouvelles technologies et de nouveaux usages, ou plus radicalement de repenser les régulations sectorielles et le droit commun de la régulation du fait d'Internet

20 mai 2015

Analyses Sectorielles

La Régulation est parfois l'expression d'un projet politique : il y a une situation donnée et le Politique veut son changement par l'expression qu'il fait de son pouvoir normatif. C'est alors la Régulation dans son expression Ex Ante qui apparaît.

Mais le plus souvent, le Politique vient "en réaction".

Par exemple une économie naguère close, le monopole légal correspond à une économie géographiquement fermée, est attaquée de fait par des concurrents étrangers, et le Droit pour équilibrer cette attaque concurrentielle de fait insère un système de régulation. Celle-ci, en "réaction", se déploie alors entre un Ex ante  et un Ex post, car le Politique le plus souvent en serait volontiers rester à un système monopolistique et à des monopoles publics.

L'autre cas est celui de la "réaction à des affaire". Ce type de "législation réactive"

8 avril 2015

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Boucheta, H., MIF II : les nouvelles exigences en matière de protection des investisseurs, Bull. Joly Bourse, avril 2015, p.162-177.

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article via le drive  de Sciences po, dossier "MAFR - Régulation"

25 mars 2015

Sur le vif

Lire le programme du colloque, qui se déroulera de 14h à 19h30.

Il a pour thème la notion même de "conflit d'intérêts", en confrontant les techniques financières d'évaluation du risque et les réponses juridiques élaborées à ce propos concernant les agences de notation, notamment en 2009.

Participent au colloque Thomas Aam, Thierry Bonneau, Björn Fasterking, Markus Krall, Frédéric Lobez et Jean-Claude Werrebrouck.

Le colloque se déroulera en langue anglaise.

Inscriptions : dherbaut@univ-lille2.fr

renseignements : marjorie.eeckhoudt@univ-lille1.fr

 

7 mars 2015

Analyses Bibliographiques : Ouvrages

On affirme souvent que l'énergie, parce qu'elle est une question de souveraineté et parce qu'elle est ancrée dans le territoire, nous ramène souvent vers l'Etat. Mais c'est résolument vers l'Europe que Michel Derdevet tire tout le système.

Sans doute par conviction, par volonté d'une Europe puissante et parce qu'il y a de puissance économique qu'appuyée sur l'énergie. Or, un système énergétique ne tient que par les réseaux car en matière énergétique, on n'a jamais douté de la convergence entre le contenant et le contenu, au sens où la source d'énergie n'a pas de pertinence que transportée, qu'apportée aux utilisateurs.

Cette construction des réseaux est par nature politique et c'est en terme de "maillage" que le rapport que Michel Derdevet vient de remettre au Président de la République, François Hollande, présente un projet européen. En quelque sorte, celui-ci n'est pas "révolutionnaire", puisqu'il s'agit de concrétiser enfin la volonté de ceux qui conçurent l'Europe en 1945 à travers le charbon, l'acier et l'énergie, de faire une Europe commune à partir de ce qui construit l'industrie, non seulement pour la reconstruction de l'Europe mais pour son dynamisme économique et sa sécurité politique commune. En cela, le maillage européen du transport de l'électricité est indispensable. Pourtant, il est encore à faire car le droit de l'Union européenne a plutôt libéralisé les marchés de l'énergie que construit l'Europe de l'énergie,laissant demeurer les spécificités nationales. Il en résulte ce que Michel Derdevet appelle à juste titre une "inertie".

Il propose donc la mise en place d'un "projet industriel européen". Dans ce cadre, Michel Derdevet demande une meilleure définition du "modèle de normes et de régulation", visant notamment la structure des tarifs qui incluent ou non la R&D selon les Etats-membres, réclamant le rapprochement des missions confiées aux gestionnaires de réseaux et une garantie tarifaire pour les usagers, ce qui faciliterait les investissements. Il souligne que les diversités nationales de régulation freinent le développement des smart grids (et donc du marché européen). Faute d'une convergence des régulations, l'interopérabilité n'est pas optimale, alors qu'elle permettrait à l'Europe d'être un acteur mondial majeur en matière d'énergie.

Michel Derdevet prône donc la régulation qui aille à la fois vers une articulation plus fortement européenne mais dans le même temps qui soit plus "décentralisée", pour que les usagers s'approprient mieux via l'action des régulateurs les nouveaux usages de l'énergie.

Il est vrai qu'on est très loin du compte ...

C'est pourquoi l'auteur demande ce que l'on favorise les "convergences régulatoires". Cela consiste non seulement à les harmoniser mais aussi à les réorienter, à les détacher du prisme concurrentiel pour les orienter vers le financement à long terme.

Il est vrai que l'Europe de l'énergie, sans laquelle un espace industriel unique ne peut guère se faire, ne peut effectivement se faire si la Régulation ne prend pas résolument le pas sur le principe de concurrence, la concurrence demeurant dans l'instant de l'échange, alors que la Régulation s'inscrit dans le long-terme et ce qu'il convient d'assumer de désigner comme la "politique industrielle", laquelle n'est jamais qu'une forme d'expression du Politique.

Ainsi, ce que demande Michel Derdevet, ce qu'est jamais que l'arrivée enfin d'une Europe politique, afin que celle-ci trouve sa place dans la compétition mondiale.

 

21 février 2015

Sur le vif

Il fût un temps où l'essentiel était dans la règle. Aujourd'hui l'essentiel est dans l'effectivité de la règle. Ce que les anglais et les américains appellent : l'enforcement.

Quand les opérateurs sont très puissants et les régulateurs ont peu d'information, quand la règle est complexe, quand  les situations sont changeantes et toujours diverses, l'essentiel de l'art régulatoire se concentre sur l'enforcement.

Cela consacre un peu plus le  continuum entre l'Ex ante et l'Ex post, voire la circularité qui existe entre eux. Non seulement, l'Ex post de la sanction est nécessaire au Régulateur pour que les règles qu'il a posées Ex ante aient une effectivité, mais à l'inverse, si l'on veut que les manquements à la règle que les opérateurs puissants ont commis sont sanctions, c'est par l'Ex ante qu'il faut les punir.

Ainsi, lorsqu'un opérateur financier veut lever des fonds sur le marché financier américain, il doit demander l'autorisation du régulateur pour le faire ou à tout le moins de le déclarer préalablement. Il s'agit donc d'un mécanisme Ex Ante. Mais se l'opérateur est digne de confiance, alors il peut faire l'objet d'une sorte de privilège qui lui permet de lever des fonds sans se soumettre à cette procédure lourde et longue. Il faut mais il suffit qu'il s'agisse d'opérateurs de confiance.

Pourtant, l'agence Reuters rapporte la prochaine élaboration par la SEC des lignes directrices pour faire application de son pouvoir de retirer cette dispense à des opérateurs en raison de manquements observés au regard de la loi, civile ou pénale.

Cela peut certes s'expliquer par le fait que ces opérateurs ont montré qu'ils méritaient pas la confiance qui avait justifié l'accès au statut de "well-known seasoned issuer" (WKSI) offrant ce "privilège" de dispense de régulation.

Cela constitue surtout une répression nouvelle, le retrait de cet allégement de procédure, précieux pour l'opérateur qui lève régulièrement des fonds sur le marché, le ramenant au lot commun des emprunteurs, l'handicapant par rapport aux opérateurs qui respectent la loi et demeurent titulaire du "privilège de bureaucratie" étant une nouvelle façon de frapper.

Dans une régulation dans laquelle la répression devient la flèche centrale du carquois, en voilà une bien asserrée.

On peut se poser la question suivante : sous prétexte que l'on se situe dans l'Ex Ante, le Régulateur pourra-t-il se soustraire aux droits de la défense ?

18 février 2015

Analyses Sectorielles

Le 17 février 2015, comme pour le précédent "Contrat de Régulation", l'entreprise Aéroport de Paris (ADP) a mis sur son site à disposition de tous "pour consultation" le projet de "Contrat de Régulation Economique" pour la période 2016-2020.

Publié dans la foulée de la réunion du Conseil d'administration d'ADP, le texte est présenté comme un outil en "faveur de la place de Paris", et plus particulièrement en faveur du transport aérien.

Cela montre que le document s'adresse avant tout aux investisseurs et aux marchés financiers, le document étant placé sur le site de l'entreprise dans la rubrique destinée aux "investisseurs".

Cela illustre l'évolution depuis les traditionnels "contrats de plan". Mais dès lors, qui sont les parties à ces types de contrat ?

En effet, l'expression même de "Contrat de régulation" est nouvelle. Elle paraît la modernisation du "Contrat de plan". Mais celui-ci, dont la nature contractuelle fût finalement reconnue par le Conseil d'Etat, n'avait pour partie que l'Etat et l'entreprise en charge d'un service public.

Parce qu'il est de "régulation économique", le projet de contrat ouvert à consultation publique exprime plutôt de la part de l'entreprise, ici celle qui assure la gestion des aéroports parisiens, sa vision pour le futur du développement de l'infrastructure essentielle qu'est l'aéroport comme coeur du développement mondial du transport aérien.

L'entreprise au coeur du contrat (plutôt que l'Etat), dans la fixation des objectifs des 4 années qui viennent correspond à la lettre et à l'esprit de la Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a mis le dispositif de ce Contrat de Régulation Economique en place.

En cela, le gestionnaire d'infrastructure est placé par la loi comme un "régulateur de second degré", comme peut l'être une entreprise de marché financier. L'entreprise qui gère et développe les aéroports parisiens entre sans conteste dans la catégorie des "entreprises cruciales", puisqu'elle dispose ainsi de l'avenir du secteur, et contribue à conserver à la France une place dans le monde.

Plus encore, A.D.P. se comporte effectivement comme un régulateur, puisque c'est elle qui procède à la "consultation publique", le document de consultation élaboré par elle.étant placé sur son site et développant ses ambitions pour le secteur et pour la France. Mais A.D.P. s'exprime aussi comme un acteur économiques et financières, soulignant le contexte de concurrence réclamant au passage plus de stabilité et de lisibilité dans la régulation dans laquelle elle se meut ...

Mais le mécanisme de consultation prévu par les texte ne peut être que plus complexe. En effet, ADP ne peut être juge et partie. C'est pourquoi si le projet suscite des observations, celles-ci doivent être formulées non pas auprès d'ADP mais auprès des ministères chargés de l'Aviation et de l'Economie, dans un délai d'un mois, lesquels en communiquent la teneur à ADP.  Puis, la Commission consultative aéroportuaire sera consultée.  C'est au terme de ce processus que le Contrat de Régulation Economique sera signé.

A voir la fin du processus, l'on demeure dans la logique des contrats de plan, puisque ce Contrat de Régulation Economique reste signé entre l'Etat et le gestionnaire de l'infrastructure essentielle. Mais le processus de consultation montre qu'en premier lieu les investisseurs à l'égard d'une entreprise par ailleurs privatisée et présentant son projet avant tout en terme de développement concurrentiel et international et qu'en second lieu les compagnies aériennes qui utilisent quotidiennement les services de ces aéroports, que le célèbre arrêt ADP a soustrait au droit de la concurrence, sont pourtant également directement concernés.

Les compagnies aériennes protestent contre l'augmentation de l'argent qui va leur être demandé. Cela va leur être imposé, puisqu'il s'agit de "redevance" et de "politique de tarification". Nous sommes bien dans l'unilatéral. Mais c'est bien un "prix" qu'elles ont l'impression de payer, entendant par ailleurs un discours faisant référence à la concurrence dans ce qui est présenté comme un "contrat".

Mais dès lors, ne faudrait-il pas admettre que ces "contrats de régulation économique" se font non pas entre deux parties que sont l'Etat et ce régulateur de second degré qu'est le gestionnaire de l'infrastructure, mais doivent se faire à trois, l'Etat, le gestionaire de l'infrastructure et les "parties prenantes", que sont ici principalement les compagnies aériennes ?

Cette difficulté pratique tient beaucoup au fait que la qualification de "contrat" a du mal à se justifier dans un mécanisme où prévalent des mécanismes unilatéraux.

14 février 2015

Analyses Sectorielles

La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.

Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.

Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.

Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.

Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites,  mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.

Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.

13 février 2015

Sur le vif

23 janvier 2015

Sur le vif

Que fait la Régulation aux opérateurs ? Comment la ressentent-ils ? Est-ce qu'ils l'intériorisent ? Est-ce qu'elle représente pour eux simplement un coût ou bien en ce qu'elle influe sur leur stratégie sur les marchés ?

La question est d'autant plus importante que l'on adhère à la théorie des incitations, considérant que les techniques adéquates de régulation sont celles qui produisent les comportements désirés chez les opérateurs régulés.

L'enjeu n'est pas de savoir si la Régulation est prise en compte dans les dépenses. Cela est acquis. Par exemple, depuis deux ans les banques déplacent des forces internes de certaines services, comme le crédit, au service de conformité à la régulation. La régulation peut représenter une part très élevée des coûts : cela vient notamment du fait que la compliance a internalisé les coûts de la régulation dans l'entreprise.

Mais est-ce que cela fait changer les choix stratégiques de l'opérateur sur le marché, et non pas seulement multiplié les process internes ?

A écouter LLoyds Blankfein, président de Goldman Sachs à Davos, propos immédiatment commentés dans la presse britannique comme étant des considérations apaisées à l'égard de la Régulation!footnote-22, on en doute.

Monsieur Lloys Blankfein, qui siège par ailleurs au conseil d'administration de la Law School d'Harvard, interrogé sur la question de savoir si la banque ne souffre pas de la pression des régulations et des superviseurs,  répond qu'il faut en tenir compte, notamment dans la conception même des systèmes techniques pour satisfaire la compliance mais que lui, la Régulation n'est pas vraiment une contrariété : c'est un "bruit de fond". Il la compare à la musique : quelque chose que l'on écoute beaucoup, mais pendant que l'on fait son travail. Quelque chose qui demeure extérieur.

Cela signifie que pour lui la régulation occupe ses services mais n'affecte pas son travail de président de banque d'affaires.

On peut s'en réjouir, puisque cela montre que la régulation n'entrave pas la libre entreprise et les choix de l'opérateur. On peut s'en inquiéter si on donne à la régulation une fonction "éducatrice", voulant infléchir la façon dont le président lui-même décide. Dans ce cas, la Régulation doit cesser d'être une sorte de coûteuse musique d'ascenseur.

Il n'est pas sûr que Régulateurs et Superviseurs le conçoivent ainsi.

16 janvier 2015

Sur le vif

En lisant la presse, par exemple Les Echos du 16 janvier 2015, on apprend que Standard & Poors vont signer un accord de 1 milliard $ avec l'administration américaine pour éviter un procès.

On ne peut qu'être étonné, voire contrarié.

En premier lieu, l'accord n'est pas encore conclu. Il le serait dans un ou deux mois. Comment se fait-il qu'on le connaisse déjà ? En deuxième lieu, les contrats, car la transaction est un contrat, répertorié par le Code civil, qui n'a pas vocation à être public. Comment se fait-il qu'on en sache déjà tout ? La personne qui a donné l'information "a tenu à garder l'anonymat". On s'en doute ...

En troisième lieu, il est vrai que la régulation des agences de notation est un vaste sujet. Des textes spéciaux ont été pris mais la doctrine juridique a estimé que le droit manquait encore d'outils et que c'était sans doute la responsabilité civile, instrument juridique générale, qui était le plus approprié.

Mais l'engagement de la responsabilité suppose un procès, des preuves, le respect des droits de la défense, de respect des textes. Ici, 1 milliard $ est versé par l'entreprise pour éviter que s'ouvre à son encontre un procès pour que soit allégué contre elle le fait qu'elle aurait sous-évalué le risque des subprimes. Mais d'une part chacun se dit que l'agence de notation l'a bel et bien fait puisqu'elle paie afin que le dossier ne s'ouvre pas. D'autre part, et dans une perspective de régulation, l'information qui serait sortie du procès, un procès étant une forme de crise, ne sortira pas.

Ainsi, l'industrie des "deals de justice", en dehors du fait que certains qualifient le phénomène de "racket", ne constitue pas une "dépénalisation" de la régulation pour le "civiliser" grâce au contrat de transaction. Au contraire, ce mouvement qui se généralise est un accroissement de la répression qui fait aujourd'hui l'économie des droits de la défense pour l'opérateur et des informations pour le secteur.

On ne peut qu'en être contrarié.

14 janvier 2015

Sur le vif

Prenons un cas : la taxe sur les transactions financières.

Certains disent que c'est une bonne idée, d'autres soutiennent que ce serait stupide de le faire. Certains disent qu'on perd son temps de l'évoquer, l'on n'arrivera pas à l'adopter.

Mais dans le journal Les Échos du 13 janvier 2015, le président de l'European Securities and Markets Authority - ESMA aborde la question dans une perspective à la fois plus étroite et plus fondamentale, en affirmant que l'autorité de régulation européenne n'est légitime à adopter que des règles acceptées pour tous les États-membres.

Comme de nombreux pays continuent de ne pas admettre cette taxe, il en conclut que l'ESMA ne prendra pas de position à ce sujet car sur ce type de sujet "il faut faire des règles à 28 où ne pas en faire du tout".

L'on doit donc comprendre que des règles de régulation technique peuvent et doivent être adoptées par le Régulateur, d'autant plus vite et bien que les organes politiques n'ont pas le dernier mots, tandis que pour des règles comme la texte pour les transactions financières, il faut passer par cette légitimité, même si l'on doit préférer renoncer à la demie-mesure actuelle que constitue l'application volontaire dans quelques pays.

Dans une première perspective et dans le cas présent, il faut donc en conclure que la Taxe sur les transactions financières est un acte politique et non un simple acte technocratique de régulation. Dans une seconde perspective et d'une façon plus générale, parce que l'Europe est une zone financière intégrée, elle ne supporte pas que certaines zones adoptent une règle et d'autres non.

Si cette dernière règle générale est vraie, alors la massive zone euro dans l'Europe financière à la fois plus large et dont le Royaume-Uni est l'un des piliers est un problème.