7 mars 2015
Analyses Bibliographiques : Ouvrages
On affirme souvent que l'énergie, parce qu'elle est une question de souveraineté et parce qu'elle est ancrée dans le territoire, nous ramène souvent vers l'Etat. Mais c'est résolument vers l'Europe que Michel Derdevet tire tout le système.
Sans doute par conviction, par volonté d'une Europe puissante et parce qu'il y a de puissance économique qu'appuyée sur l'énergie. Or, un système énergétique ne tient que par les réseaux car en matière énergétique, on n'a jamais douté de la convergence entre le contenant et le contenu, au sens où la source d'énergie n'a pas de pertinence que transportée, qu'apportée aux utilisateurs.
Cette construction des réseaux est par nature politique et c'est en terme de "maillage" que le rapport que Michel Derdevet vient de remettre au Président de la République, François Hollande, présente un projet européen. En quelque sorte, celui-ci n'est pas "révolutionnaire", puisqu'il s'agit de concrétiser enfin la volonté de ceux qui conçurent l'Europe en 1945 à travers le charbon, l'acier et l'énergie, de faire une Europe commune à partir de ce qui construit l'industrie, non seulement pour la reconstruction de l'Europe mais pour son dynamisme économique et sa sécurité politique commune. En cela, le maillage européen du transport de l'électricité est indispensable. Pourtant, il est encore à faire car le droit de l'Union européenne a plutôt libéralisé les marchés de l'énergie que construit l'Europe de l'énergie,laissant demeurer les spécificités nationales. Il en résulte ce que Michel Derdevet appelle à juste titre une "inertie".
Il propose donc la mise en place d'un "projet industriel européen". Dans ce cadre, Michel Derdevet demande une meilleure définition du "modèle de normes et de régulation", visant notamment la structure des tarifs qui incluent ou non la R&D selon les Etats-membres, réclamant le rapprochement des missions confiées aux gestionnaires de réseaux et une garantie tarifaire pour les usagers, ce qui faciliterait les investissements. Il souligne que les diversités nationales de régulation freinent le développement des smart grids (et donc du marché européen). Faute d'une convergence des régulations, l'interopérabilité n'est pas optimale, alors qu'elle permettrait à l'Europe d'être un acteur mondial majeur en matière d'énergie.
Michel Derdevet prône donc la régulation qui aille à la fois vers une articulation plus fortement européenne mais dans le même temps qui soit plus "décentralisée", pour que les usagers s'approprient mieux via l'action des régulateurs les nouveaux usages de l'énergie.
Il est vrai qu'on est très loin du compte ...
C'est pourquoi l'auteur demande ce que l'on favorise les "convergences régulatoires". Cela consiste non seulement à les harmoniser mais aussi à les réorienter, à les détacher du prisme concurrentiel pour les orienter vers le financement à long terme.
Il est vrai que l'Europe de l'énergie, sans laquelle un espace industriel unique ne peut guère se faire, ne peut effectivement se faire si la Régulation ne prend pas résolument le pas sur le principe de concurrence, la concurrence demeurant dans l'instant de l'échange, alors que la Régulation s'inscrit dans le long-terme et ce qu'il convient d'assumer de désigner comme la "politique industrielle", laquelle n'est jamais qu'une forme d'expression du Politique.
Ainsi, ce que demande Michel Derdevet, ce qu'est jamais que l'arrivée enfin d'une Europe politique, afin que celle-ci trouve sa place dans la compétition mondiale.
10 janvier 2015
Analyses Sectorielles
Dès l'instant que la régulation suppose l'indépendance de l'opérateur qui gère l'infrastructure essentielle, les conditions ex ante de cette indépendance doivent être réunies.
L'Europe n'exige pas une autonomie juridique du gestionnaire de l'infrastructure essentielle, sans doute exiger une telle autonomie, ce serait à la fois trop demander au Politique, qui peut vouloir des organisations plus intégrées dès l'instant que s'y mêlent des politiques publiques et qu'y sont employés des fonds publics. Mais cela serait aussi trop peu demander au Politique car peu importe l'autonomie juridique, l'essentiel est l'autonomie réelle, laquelle est sous la garde du Régulateur.
En France, l'Autorité de Régulation est l'Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires.
La loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014 a procédé à l'intégration de la société qui gère le réseau de transport ferroviaire, dont la nouvelle dénomination est SNCF Réseau, dans un Groupe public, dans lequel figure aussi la SNCF, opérateur public de transport de fret et de personne, en compétition avec de nouveaux entrants, dans un secteur nouvellement ouvert à la concurrence.
L'Autorité de la concurrence dans son avis du 4 octobre 2013 avait exprimé ses réticences à l'égard du projet de loi, devant l'emprise qu'une telle organisation sociétaire offre à l'opérateur public, au détriment de de ses concurrents et de l'ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence.
Le ton critique s'accroît avec l'Avis du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour l'application de la loi portant réforme ferroviaire.
L'Autorité de la concurrence constitue son avis comme une véritable dissertation sur ce que doit être la régulation du secteur ferroviaire à travers la "gouvernance" du gestionnaire de réseau. En effet, la première partie de l'avis porte sur "la gestion indépendante des infrastructures ferroviaires" tandis que la deuxième porte sur l'intégration de SNCF Réseau dans le groupe public. La troisième partie de l'Avis en tire les conclusions pour mesurer si l'on peut considérer que le régulateur, c'est-à-dire l'ARAF, aura les moyens de garantir cette indépendance par la gouvernance.
Cet avis, dans sa construction même, montre la dialectique entre la régulation et la gouvernance (I), ce qui est un constat et insiste sur le rôle du régulateur dans l'effectivité de la gouvernance (II), ce qui est davantage une question.
Mise à jour : 5 janvier 2012 (Rédaction initiale : 5 janvier 2012 )
Thesaurus : Doctrine