Sur le vif

8 novembre 2016

Sur le vif

Lorsqu'elle exerce un contrôle des concentrations, l'Autorité de concurrence quitte sa fonction de simple gardien du fonctionnement concurrentiel d'un marché tel qu'il est pour prendre une fonction proprement régulatoire.

En effet le contrôle des concentrations n'est plus une simple anticipation des comportements anticoncurrentiels qui se seraient produits si la concentration s'était opérée sans contrôle ("il vaut mieux prévenir que guérir"), il relève d'un contrôle Ex Ante d'une vision de ce que doit être un marché affecté d'une façon sensible par un changement structurel.

Le contrôle des concentrations est donc véritablement un exercice de régulation de l'économie. Il demeure un instrument libéral dans la mesure où la puissance publique ne l'exerce pas proprio motu mais ne le fait qu'en réaction à une décision qui n'appartient qu'aux opérateurs eux-même : celle de prendre une influence déterminante sur une autre entreprise (prise de contrôle), de créer une entreprise commune, de fusionner, etc.

Mais où s'arrête le pouvoir de l'un et de l'autre ?

Car la seule chose qui compte, c'est le temps et le caractère plus ou moins réversible des choses.

Dans une conception très libérale de l'économie, le contrôle des concentrations, parce qu'il n'est qu'une branche du Droit de la concurrence, lequel est de l'Ex Post n'est qu'une estimation d'un comportement qui demeure lui-même libre : la décision de se concentrer.

Dans une conception plus proche de la régulation, le contrôle des concentration se déclenche parce qu'il y a objectivement un changement structurel sur le marché du fait de la concentration. L'acte de concentration n'est pas appréhendé comme un acte de volonté mais comme un changement structurel. De ce fait, il est a priori bloqué, dès que l'Autorité qui régule la structure de marché n'a pas autorisé le changement structurel que l'acte individuel de concentration va provoquer.

L'enjeu pratique est de taille. S'il s'agit d'une décision individuelle, les entreprises qui se concentrent peuvent agir et ensuite si leur "comportement" qu'elles ont adoptée par cette décision de concentration n'est pas approuvé, alors elles endureront une sanction. Mais l'on sait bien en analyse économique du droit qu'une sanction pécuniaire n'est jamais qu'un prix qui accroît le coût de l'opération, calculable par probabilité par avance.

C'est peut-être la conception qu'en a eu Altice.

L'Autorité de la concurrence (ADLC) lui apporte la réponse inverse : tant que la concentration n'est pas autorisée, l'entreprise qui s'autorise à la mettre en œuvre s'expose à de lourdes sanctions.

3 novembre 2016

Sur le vif

La situation d'I-Télé est juridiquement préoccupante.

Nous en avions fait l'analyse juridique au regard de la notion de conflit d'intérêts et de la compétence du CSA, le 24 octobre 2016.

Or le 3 novembre 2016, le CSA publie un "communiqué de presse".

Ce "communiqué" est daté du "20 octobre" mais n'est public que 15 jours après.

En voilà le contenu :

"Communiqué du jeudi 20 octobre 2016

À sa demande, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a reçu les responsables du Groupe Canal+.

Il a manifesté sa vive préoccupation quant à la pérennité de la chaîne I-Télé, pour le développement de l’information en continu.

Le CSA a insisté sur la disproportion entre les enjeux liés à l’avenir de cette chaîne qui suppose un engagement au service d’un projet collectif clair et ceux propres à la situation individuelle d’une personnalité des médias.".

 

Voilà une manifestation de la puissance du droit que l'on dit "souple".

Un cas d'école qu'il convient d'analyser. Car à travers ce cas, l'on perçoit une façon de faire qui tentent tous les régulateurs, à savoir raconter une histoire selon son point de vue et au moment où le juge opportun (I), ce qui produit un grand effet, en passant sous les radars du droit que l'on dit "dur" (II). Mais l'efficacité de ce que l'on pourrait désigner comme un "Droit de fait" a des limites, dont le juge est le gardien.

Lire ci-dessous l'analyse développée :

24 octobre 2016

Sur le vif

Le Droit de la Régulation avait posé la prohibition du cumul de la fonction d'opérateur et de la fonction de régulateur comme étant "constitutive". Certains y ont même vu comme une règle "constitutionnelle" du Droit de la Régulation.

 

Puis l'on a estimé qu'il ne s'agit que d'un cas particulier d'un principe plus général et plus fondamental encore : la prohibition des conflits d'intérêts, impliquant d’une façon très générale que celui auquel a été confié une puissance afin qu’il l’exerce pour un intérêt autre que le sien ne soit pas en charge d’une façon cumulé d’un second intérêt divergent.

 

C'est ainsi que le Droit de la Régulation a rencontré la "gouvernance", le droit public de la séparation des pouvoirs convergeant vers le droit privé structurant les organisations privées, comme les sociétés!footnote-666 .

 

Dans la mesure où la prévention des conflits d’intérêts est destinée non pas tant à prévenir les abus, ce qui n’aurait impliqué que des obligations comportementales portant sur les personnes, mais à engendrer de la confiance de la part des tiers qui observent le fonctionnement ordinaires des systèmes dans lesquelles agissent des individus ordinaires, le Droit de la Régulation a impliqué que l’Autorité de Régulation contrôle que l’entité distingue structurellement les pouvoirs et les intérêts servis.

 

Et voilà que l’actualité, à travers le cas I-Télé, lui-même activé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Morandini » vient mettre en lumière l’ensemble des règles. Le cas est particulièrement problématique.

Et chacun en appelle au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

 

Lire ci-dessous l’analyse juridique au regard du Droit de la Régulation.

 

3 septembre 2016

Sur le vif

Le Comité de Bâle sur la supervision bancaire publie régulièrement un rapport sur l'état d'adoption du système prudentiel des normes Bâle III.

C'est le 7ième rapport du genre que le Comité publie en août 2016, afin qu'il soit pris en considération pour la prochaine réunion du G20.  : Implementation of Basel standards. A report to G20 Leaders on implementation of the Basel III regulatory reforms

Dans ce rapport, le Comité mesure la façon dont les systèmes nationaux incorporent petit à petit tout le système prudentiel informellement élaboré en commun.

En effet, toute la puissance de ce que l'on appelle parfois le "système bâlois" tient dans sa concentration, mais se heurte à un moment au "droit dur" : il faut transposer, en des termes identiques et dans un calendrier cohérent.

Le Comité signale que les pays continuent de peiner à transposer, et à transposer dans les délais fixés, les différentes normes. Ils se justifient en disant que cela tient au fait que leurs banques n'arrivent pas à ajuster techniquement leurs systèmes d'information pour satisfaire ses nouvelles exigences. 

Le comité souligne que ce retard dans certains pays alors que d'autres se sont déjà astreints à des normes prudentielles obligatoires créent une rupture de concurrence entre les premiers et les seconds, rupture d'autant plus préoccupante que les systèmes nationaux accueillent des banques internationales : "Delayed implementation may have implications for the level playing field, and puts unnecessary pressure on jurisdictions that have implemented the standards based on the agreed timelines. A concurrent implementation of global standards is all the more important, as many jurisdictions serve as hosts to internationally active banks.".

Pour améliorer la mise en place effective du système, le Comité a proposé une méthode de calcul des risques moins complexe : "These proposals would constrain banks’ use of internal models and would reduce the complexity of the regulatory framework.".

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De ce rapport sur la question très particulière de Bâle III, l'on peut tirer quelques observations générales :

  • à un moment la Soft Law doit se concrétiser dans des pratiques mesurées, sinon elle n'est rien et ici l'épreuve de "l'implémentation" est mesurée ;
  • c'est dans l'application que les poids et les contours des règles communes se font sentir ;
  • la concurrence normative est une réalité, ici rappelée;
  • que vaut l'argument de la difficulté, voire l'impossibilité, de mise en place technique d'un ordre reçu ?

Cette dernière question est aujourd'hui essentielle. Celui qui a émis l'ordre peut considérer que la non-exécution pour motif technique est une justification irrecevable!footnote-68. Ici, peut-être parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'un "ordre", puisque nous sommes en Soft Law, parce qu'il y a une bonne communication entre le superviseur et l'agent d'exécution qui est en même temps et l'assujetti, celui qui a conçu le système propose de le revoir dans un sens : moins de complexité.

Cass. R. Sunstein a titré son dernier ouvrage : Simpler. Le Conseil d’État consacre des travaux à la qualité du droit et à sa simplicité, deux qualités qui vont sans doute ensemble. Le Comité de Bâle va dans le même sens....

 

1 août 2016

Sur le vif

Cass. R. Sunstein est à la fois un grand professeur de Law & Economics à Chicago, puis à Harvard, l’auteur d’ouvrages universitaires de référence en matière de Régulation, mais encore celui qui inspira les politiques de régulation d’Obama. Dans son ouvrage Simpler, paru en 2013, il exprime sa pensée : pour que la puissance publique fasse mieux, il faut qu’elle fasse plus simple.

Dans cet ouvrage non traduit, il explore les possibilités offertes par l’économie comportementale dans le processus de prise de décision publique. Il s’appuie pour cela sur son expérience en tant qu’administrateur, de 2009 à 2012, de l’Office of Information and Regulatory Affairs (OIRA, que l’on peut traduire par « Bureau de l’Information et de la Régulation »). C’est pourquoi toute personne qui s’intéresse à la Régulation trouvera intérêt à le lire, en se demandant lui aussi si la « simplicité » peut constituer en elle-même une méthode de gouvernement. C’est ce que pense l’auteur.

Placé sous la tutelle de l’Office of Management and Budget au sein de l’Executive Office, l’OIRA a notamment pour mission d’examiner les projets de réglementations préparés par les cabinets des différentes administrations et agences fédérales. En cette qualité, il est en quelque sorte garant de la qualité du droit aux États-Unis : contrairement aux fonctions consultatives dévolues en France au Conseil d’État, ses avis sont toujours contraignants et un projet de réglementation ne peut ainsi être transmis (ni, a fortiori, entrer en vigueur) sans son accord exprès. L’OIRA a également pour mission de centraliser l’ensemble des informations dont disposent les administrations et agences fédérales afin d’en faciliter l’accès et la circulation entre les différents organes de prise de décision publique chargées de l’élaboration et de la production de normes contraignantes.

Simpler est consacré à l’étude détaillée des principales décisions prises par l’OIRA en matière de Régulation durant le premier mandat Obama (2009-2012) sous l’influence de la pensée de Cass Sunstein. Celui-ci a en effet consacré, avant d’occuper des fonctions politiques, une partie de ses travaux universitaires à la question des interactions entre économie comportementale, droit et politiques publiques. Selon lui, la mise en œuvre de politiques publiques de moindre échelle, moins coûteuses, qui prennent acte de l’état de la recherche en économie comportementale (utilisée alors comme outil d’aide à la décision), peut être source d’importants bénéfices en termes de qualité de la norme et d’efficacité de celle-ci (p. 41 : « a general lesson is that small, inexpensive policy initiatives, informed by behavioral economics, can have big benefits »).

Il soutient en ce sens que (p.11) « without a massive reduction in its current functions, government can be far more effective, far less confusing, far less counterproductive, and far more helpful if it opts, wherever it can, for greater simplicity » ( « sans pour autant diminuer l’étendue de ses compétences actuelles, l’Etat peut être bien plus efficace, bien moins déroutant, bien moins contreproductif et apporter beaucoup plus d’aide pour peu qu’il opte, dès lors que cela est possible, pour plus de simplicité [dans ses choix d’action publique] »).

Cette notion de simplicité, d’où l’ouvrage tire ton titre, a pour vocation de traduire l’ensemble des efforts entrepris par les pouvoirs publics, sous le contrôle de l’OIRA, pour édicter des réglementations plus claires et plus accessibles, qui offrent à leurs sujets (les citoyens ; les entreprises ; mais également les administrations elles-mêmes) une plus grande liberté dans les choix qu’ils peuvent effectuer.

Tout au long de son ouvrage et à l’aide d’exemples concrets tirés de sa propre expérience, Cass Sunstein présente sa vision d’une relation vertueuse entre une meilleure information des agents (à l’origine de la norme ou sujets à la norme), une plus grande simplicité dans la prise de décision publique et une meilleure qualité de la réglementation en vigueur dans un État. Il convient tout d’abord d’en résumer les principales idées de l’ouvrage (I.), avant de formuler quelques commentaires (II.). 

(Lire ci-dessous)

23 juillet 2016

Sur le vif

Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a pris un communiqué le 20 juillet 2016, par lequel il s'adresse directement à son homologue turc.

Lire le communiqué du CSA du 20 juillet 2016.

Le communiqué est bref. En voilà le texte : "Le Conseil supérieur de l'audiovisuel exprime sa vive inquiétude à la suite de la décision du Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTÜK), le régulateur des médias en Turquie, de retirer leurs droits d'émission à de nombreuses radios et télévisions.

Le Conseil appelle son partenaire de longue date au sein de la Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA) et du Réseau des institutions de régulation méditerranéennes (RIRM) à ne pas mettre en cause la liberté de communication et le pluralisme des médias, garanties fondamentales d'une société démocratique.".

Le titre que porte le communiqué est le suivant : "Le CSA s'inquiète du retrait par le régulateur turc des droits d'émission de radios et de télévision".

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N'est-ce pas étonnant ?

Que les membres de l'Autorité de régulation s'inquiète comme beaucoup de personnes en raison des événements se déroulant dans cette fin de juillet 2016 en Turquie, on le comprend. Que les faits qu'on rapporte fassent craindre pour les libertés publiques et la démocratie, c'est une opinion que l'on peut partager.

Est-ce à une Autorité de Régulation d'exprimer son "inquiétude" ?

N'est-ce pas plutôt au Gouvernement qui, dans le cadre des relations dites "diplomatiques" d'exprimer par le vocabulaire d'usage, où le texte d'inquiétude est utilisé dans de pareils circonstances, de s'exprimer ?

L'on mesure ici en premier lieu  tout l’ambiguïté du statut du Régulateur de l'audiovisuel. En effet, dans le même temps qu'il insiste sur le fait qu'il agit comme régulateur économique d'un secteur dont il a la garde du développement et de l'innovation, ce qui justifie notamment qu'il considère les conceptions économiques des candidats à la présidence des chaînes de télévisions publiques - régulation économique que l'on conteste précisément le Parlement -, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a été établi pour préserver les libertés publiques.

Pour ceux qui adhèrent encore à la distinction naguère faite entre régulation des libertés publiques et régulation économique, le CSA est toujours cité - avec la CNIL - comme le prototype de la première régulation!footnote-43.

Mais ici, la manifestation de "vive 'inquiétude" accompagnée de la demande "de ne pas remettre en cause les libertés", ce qui est la version amiable d'une injonction ..., s'adresse à une autorité étrangère, sur laquelle le Régulateur n'a aucune autorité.

Que le Régulateur produise de la Soft Law sur les opérateurs sur lesquels il a compétence pour leur faire subir du Droit, on le conçoit : qui peut le plus peut le moins. Mais ici ? Ne faut-il pas appliquer l'adage Nemo plus juris ?

D'où le Régulateur tient-il le pouvoir d'émettre des "communiqués" où il formule des desiderata à l'égard d'un organisme étranger dont le comportement ne lui convient pas ? N'est-ce pas l'office du Quai d'Orsay ?

N'est-ce pas en deuxième lieu un office proprement politique, alors même que le Régulateur ne peut être légitime que dans un office technique et fragilise sa position lorsqu'il adopte une conception politique de sa fonction, plus encore s'il s'agit d'une perspective de "politique internationale", comme cela semble ici le cas.

Mais en troisième lieu le Régulateur répond par exemple à la critique.

En effet, il pose tout d'abord que c'est en raison des liens anciens qui existent entre les deux régulateurs, français et turcs qu'il s'autorise à exprimer son "sentiment" : entre amis l'on peut être francs, formuler quelques reproches et exprimer un espoir d'amendement. Finalement l'amitié dans le numérique et en politique permettrait bien des choses.

Plus encore, le CSA prend soin de rappeler la solidarité!footnote-44 qui existe entre les deux régulateurs. Cela serait parce qu'ils sont "partenaire de longue date au sein de la Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA) et du Réseau des institutions de régulation méditerranéennes (RIRM)" que le régulateur français serait habilité à dire au régulateur turc son fait, c'est-à-dire qu'il compromet la démocratie et que cela doit cesser !

En raison du nombre de réseaux qui relient tous les régulateurs, si cela devait suffire pour permettre aux régulateurs de formuler des conseils, plus ou moins impérieux, à destination des uns et des autres, tandis que désormais les ambassadeurs ont des rôles économiques de plus en plus affirmés, la confusion des genres serait achevée.

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15 juillet 2016

Sur le vif

Au Sénégal, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) dispose de pouvoirs de sanction, comme tous les régulateurs.  D'une façon générale, l'essentiel est non seulement d'exercer ce pouvoir de sanction mais de le faire d'une façon à ce que l'autorité du Régulateur en soit renforcée. Dans cette perspective, la décision de sanction Sonatel est importante.

Comme c'est avant tout la connaissance d'une sanction qui fait le poids de celle-ci, le directeur général de l'Artp vient d'émettre un "communiqué de presse", signalé comme particulièrement important et a fait un point de presse à propos d'une sanction, particulièrement lourde prononcée à la suite de ce que le Régulateur considère comme étant la non-exécution d'obligations suite à des mises en demeure (ce que l'opérateur conteste sur le fond).

En effet, le 21 novembre 2014, l'Artp a mis en demeure la Sonatel de respecter les droits des consommateurs. Parmi ceux-ci, par la modification en 2014 du Code des Télécommunications, les opérateurs doivent "prendre les mesures appropriées de dimensionnement de leurs réseaux de nature à garantir à leurs clients un accès ininterrompu à leur service client commercial ou technique en respectant un taux d’efficacité minimal", lequel est fixé par le Régulateur lui-même et dans un tel cadre doit satisfaire le droit du consommateur à être informé, notamment des mécanismes de facturation, les appels à des services-clients devant demeurer gratuits. Estimant que l'opérateur ne s'est pas conformée, le Régulateur a tout à fois diligenté une enquête et des contrôles et notifié des griefs à l'opérateur, puis a émis le 28 janvier 2015 une seconde mise en demeure pour le même motif.

Estimant que le comportement de l'opérateur n'aboutissait toujours pas à une situation conforme aux droits des consommateurs à être informés, le Régulateur a prononcé une sanction par une décision du 14 juillet 2016, Sonatel à l'encontre de la Sonatel pour un montant de 13 milliards 959 millions de FCfa, ce qui équivaut à plus de 20 millions d'euros, soit 15% de son chiffre d'affaires pour 2015. La décision de sanction prévoit que si l'opérateur n'exécute pas celle-ci, l'astreinte sera de 10 millions FCfa, soit 15.000 euros, par jour.

L'opérateur conteste cette sanction car il estime que son comportement ne justifie pas de reproche. Il se prévaut du fait que dès réception de la première mise en demeure, il a procédé à la "mise en conformité progressive" du réseau, qu'il a tenu au courant le Régulateur de ses diligences, etc. Il va donc former un recours. 

La question qui est ici posée est celle de savoir si les obligations qui pèsent sur l'opérateur relèvent de l'obligation de moyens ou de l'obligation de résultat. Si elles relèvent de la catégorie de l'obligation de moyens,alors l'opérateur a raison. Mais les principes d'efficacité et d'effectivité, liés à la nature téléologique du Droit de la Régulation, conduisent plutôt à incliner vers la catégorie de l'obligation de résultat.

Par exemple, en France, la Commission Informatique et Libertés (CNIL), vient d'affirmer, par une décision Numericable du 1ier mars 2016!footnote-41 que l'obligation pour les opérateurs d'avoir des données exactes et complètes est une obligation de résultat et non pas une obligation de moyens.

La décision une affaire à suivre. Le jour du communiqué de presse, l'opérateur affirmait vouloir faire un recours hiérarchique, c'est-à-dire devant le Ministre.

Dès le lendemain, le Directeur général de l'Autorité de Régulation intervenait dans les médias pour souligner qu'en droit, le recours ne peut être que soit contentieux (devant une juridiction), soit gracieux, c'est-à-dire devant ... lui-même.

L'on mesure ici que les rapports entre le Droit de la Régulation et la Politique trouvent toujours de nouvelles illustrations.

 

 

 

 

 

6 juillet 2016

Sur le vif

Les britanniques veulent être premier dans l'économie qui sera numérique.

C'est pourquoi un projet de loi est déposé.

Ce texte essentiel, issu du ministère de la culture et des médias, est composé de six chapitres.

4 juillet 2016

Sur le vif

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de Régulation des Communication Electroniques et des Postes (ARCEP), a donné un interview le 30 juin 2016 au magazine L'Usine digitale.

Le Président de l'Autorité de Régulateur s'adresse à la presse, c'est-à-dire à tous, notamment au Politique, aux institutions européennes, et aux autres Régulateurs qui comme lui, voudraient occuper l'espace numérique.

Il décrit : "Nous arrivons aujourd’hui, avec l'irruption du numérique, à un acte 2 de la régulation. Il y a 20 ans, on est passé du modèle PTT où l’Etat produisait le service public, au modèle d’État-régulateur qui a permis l’ouverture à la concurrence. Ce modèle vise à une bonne organisation du marché avec des outils de pilotage efficaces, mais parfois très intrusifs : les licences mobiles, qui sont des contrats assortis de sanctions administratives en cas de non-respect des obligations, ou le dégroupage, qui est une intervention sur la propriété privée… Aujourd’hui il nous faut franchir une étape nouvelle et nous projeter dans la suite, repenser nos outils pour permettre, en complément, une régulation plus focalisée, plus humble et plus agile".

Ce qui aurait été cet "acte 1" serait donc dépassé. Finie la rigidité du service public, oubliée même l'ouverture à la concurrence. Cette conception signait certes le caractère temporaire de la régulation, notamment ace à l'éternelle protection des données par la CNIL ...

Il faut passer à "l'acte 2" que Sébastien Soriano ouvre de cette façon, en posant qu'il va "réguler par la multitude :"Oui. La multitude, ce sont les utilisateurs, les observateurs, la société civile. Cela inclut les consommateurs, mais pas uniquement. Et la question centrale, c’est comment utiliser le pouvoir de l’information pour avoir un maximum d'effet de levier sur le marché et grâce à la multitude. La réponse, c’est la régulation par la data."

L'on voit que, comme tous les autres, le Régulateur des télécommunications, se présente comme une sorte de régulateur "naturel" du numérique et pour cela s'appuie sur la notion-clé constituée par l'information. Il  cherche des alliés tout aussi "naturels" que sont les consommateurs . Ceux-ci entrent dans le champs du Régulateur en tant qu'ils sont apporteurs de l'information indispensable à l'office de Régulation du secteur et de l'espace numérique.

La proposition est alors d'être non plus celui qui protège les premiers contre les secondes, mais celui qui fait le lien entre les deux, l'internaute n'étant plus celui que l'on protège d'un côté tandis que le Régulateur s'occupe de la structure du marché de l'autre : "On passe de la plainte à l’acte citoyen : "Il y a un problème. Je vous en alerte, et vous, régulateur qui avez les moyens de régler ces défaillances de marché, je vous laisse agir".

Ainsi, dans cette présentation, l'ARCEP devient non seulement le Régulateur "naturel" du numérique mais encore celui dont toute l'action a pour socle l'information, laquelle est apportée par l'internaute lequel est protégé et bénéficiaire (que l'on pourrait dire secondaire) de l'action du Régulateur).

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Deux observations :

  • Voilà un raisonnement très "agile" de la part du Régulateur qui fût constitué pour être le "Régulateur du contenant" pour devenir le Régulateur de tout (contenant et contenu), ce qui justifie bien un grand air d'un Acte II

 

  • On trouve ici la marque que les raisonnements de la Régulation bancaire et financier sont le modèle de la Régulation en général : lanceur d'alerte, information, obsolescence du "service public"

 

 

 

 

 

24 juin 2016

Sur le vif

L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) s'est dotée d'un Conseil scientifique.  Sa direction en est assurée par Gérard Rameix, président de l'AMF.

Le Conseil scientifique de l'AMF a choisi comme thème de son nouveau colloque annuel scientifique annuel, qui s'est tenu  le 20 juin 2016  L’éducation financière à l’ère du digital.

Construit en partenariat avec la Paris School of Economics, ce colloque a été ouvert par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Il a posé que l’éducation financière « doit permettre à chacun de faire des choix éclairés ». Il a estimé qu'elle constitue à ce titre un « facteur d’efficacité économique et d’équité sociale », ce qui justifie l’implication des pouvoirs publics et notamment de la Banque de France. Celle-ci, avec le concours de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et de l’AMF, doit alors être « un éducateur bienveillant, mais un régulateur attentif », car il est « impératif de faire avancer ensemble l’éducation financière et la régulation, pour permettre le développement de nouvelles technologies, comprises par tous et au bénéfice de tous ».

Trois tables rondes se sont ensuite succédées. La première portait sur l’évaluation du niveau d’éducation financière des ménages (et son impact sur leurs décisions financières). La deuxième avait pour objet les opportunités ouvertes à cet égard par les nouvelles technologies, servant de base au marché des services financiers proposés par les Fintech, principalement les plateformes de financement participatif agrégateurs de données et prestations de conseil automatisées. La troisième table ronde, composée de régulateurs français (AMF, Institut National de la Consommation –  INC) et européens (Commission Européenne), a tiré les conséquences des deux premières tables rondes en présentant les enjeux soulevés par une éducation financière « digitalisée » pour les autorités de régulation.

En raison de la richesse et de l'importance de ce colloque pour les questions de régulation, il est important de restituer ce qu'il a été dit au sein de la troisième table-ronde, consacrée au rôle des Régulateur en matière d'éducation financière (I), puis d'apprécier les propos développés au regard des travaux menés sur cette question essentielle (II). 

(lire ci-dessous)

22 juin 2016

Sur le vif

La ville de Chicago va prendre fin juin 2016e un arrêté pour soumettre les chauffeurs de VTC aux mêmes contraintes réglementaires que les autres : la même activité entraîne la même régulation sur les professionnels

On soutient parfois que la liberté concurrentielle va détruire le « vieux monde réglementé » , les plateformes étant l’exemple de ce vent frais, l’invention du mot « disruptif » étant ce qui pourrait signifier une « nouveauté » devant laquelle il ne convient que de s’incliner.

Il conviendrait ainsi de sourire, voire de se moquer, de ce qui serait un « combat d’arrière-garde », lorsque le Conseil constitutionnel français par une décision du 22 mai 2014 avait limité l'expansion d'Uber, protégeant ainsi corrélativement le monopole des taxis titulaires d'une licence municipale.

Mais aux États-Unis, des villes adoptent des règlementations. Ainsi au prochain conseil municipal de la ville de Chicago, sera proposé le vote d'un arrêté pour contraindre les chauffeurs de voiture de tourisme avec chauffeur.

On se souvient que le Conseil constitutionnel avait justifié sa décision en se référant à "l'ordre public du stationnement", dont la municipalité est maîtresse. La justification ici donnée est la protection de la personne transportée.

En effet, tous les chauffeurs devront justifier qu'ils se sont soumis à des contrôles de santé, spécialement en matière de drogue et justifié de l'absence de condamnation criminelle.

Cela est justifié, puisque la régulation d'une activité implique un contrôle de ceux qui exercent celle-ci et l'égalité des compétiteurs ne peut justifier que pour une même activité certains y soient soustraits, encore moins au regard de la protection de la personne transportée.

La troisième exigence nouvelle est d'une autre nature : le conducteur de VTC devra justifier qu'il n'est pas en dette à l'égard de la municipalité. Pourquoi pas, puisque les infrastructures de la ville leur permet d'exercer l'activité économique en cause. C'est une autre ratio legis, qui tient plutôt à l'idée d'un échange entre la ville et celui qui y transporte des personnes, le bénéficiaire des infrastructures ne devant pas être par ailleurs débiteur de celui dont il bénéficie ainsi des aménagements publics. 

Cette dernière disposition montre que le "contrat" est de plus en plus non plus entre le transporteur et le transporté - via la plateforme numérique-, mais entre l'espace public bien concret et celui qui y circule et qui doit rétribution pour cela.



 

21 juin 2016

Sur le vif

Le 17 juin 2016, l'avocat général devant la Cour d'appel de Versailles a présenté son réquisitoire devant les juges de la Cour d'appel de Versailles.

Sur le fond, le Ministère public a demandé la confirmation par la Cour d'appel de la condamnation du trader pour les infractions commises mais a demandé à ce que la banque, qui s'est portée partie civile, soit déboutée de l'ensemble de ses demandes formées contre l'auteur.

Pour le Ministère public, on peut bien reprocher au trader de nombreuses fautes pénales : abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données informatiques. En effet, Jérôme Kerviel avait détourné plusieurs milliards en jouant sur des écritures, manipulations masquées par des données falsifiées.

Son employeur, la Société Général, demandait donc réparation.

Le Ministère public l'exclut : il considère que la banque a elle-même commis une faute.

Non pas une faute pénale, mais une faute civile. Une faute civile constituée par un manquement objectif. Un manquement objectif pour n'avoir pas empêcher que le dommage lui advienne. Comme d'autres dommages. Comme la crise financière. Ou le chômage.

La faute civile imputée à la banque serait donc constituée par un "manquement".  L'avocat général s'est exprimé en ces termes : "Par ses manquements répétés ... et ses défaillances de contrôle ..., elle a  indéniablement rendu possible ou facilité la réalisation de la fraude et son développement ». Il ajoute que c'est la banque qui  "a entraîné les lourdes conséquences financières de cette fraude.".

Pour le Ministère public, la banque est donc elle-même à l'origine du dommage qu'elle a subi (fait générateur, causalité et dommage). Cela n'est concevable que parce qu'elle porte le poids du bien commun et des défaillances du système en son entier. L'avocat général affirme en effet que  " Les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles représentent l’un des instruments les plus importants de l’État pour la mise en œuvre des politiques économiques et monétaires. En conséquence, leurs décisions, leurs prises de risque doivent être en permanence appréciées, contrôlées et maîtrisées. Les crises financières, ravageuses pour l’économie, l’emploi, la société, ont souvent révélé des défaillances dans les procédures d’évaluation et de contrôle".

Plus encore, l'avocat général considère que le rejet de toute indemnisation par la banque qui se considérait pourtant comme la victime de celui dont personne ne nie les actes délictueux " pourrait être un message fort donné aux établissements bancaires pour éviter qu’à l’avenir de tels faits puissent se reproduire".

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Le temps de la compliance arrive ...

A écouter un tel réquisitoire, le mot technique a rarement été si bien choisi, l'on constate que :

  • les banques sont visées en tant que le magistrat les perçoit comme "toutes puissantes", tandis qu'il perçoit l’État lui-même comme impuissant
  • il en résulte un transfert de "responsabilité", dont la banque paie ici le prix. Est-il raisonnable ?
  • Il s'agit de "donner une leçon" : les autres banques "de premier plan" doivent comprendre. Il s'agit sans doute des banques systémiques. La puissance a donc pour conséquence une obligation très lourde de tenir le système sans défaillance. Est--ce raisonnable ?
  • Le "message", c'est-à-dire la leçon, du nouveau maître qu'est le procureur, est l'obligation d'un contrôle interne qui ne faillit pas. Car c'est le manquement qui fait la faute.
  • Le temps de la compliance est arrivé.

 

20 juin 2016

Sur le vif

On ne sait guère comment "réguler Internet" ...

Puisqu'il existe un continuum entre l''Ex Ante et l'Ex Post dans les Régulations, l'Ex Post étant de plus en plus entre les mains du Régulateur et lui permettant d'assurer l'effectivité des prescriptions qu'il a lui-même élaborés en Ex Ante!footnote-36, , les esquisses de solution se recherchent dans l'Ex Post.

Dans l'Ex Ante, on cherche à rendre les algorithmes "loyaux".

Tandis qu'on espère que les machines seront là où l'on doit placer sa "confiance" et là où l'on peut exiger de la "loyauté", l'on en revient à l'idée qu'il faudrait peut-être "prendre au sérieux la responsabilité".

Le père californien d'une victime du massacre du Bataclan du 13 novembre 2015 à Paris a assigné le 14 juin 2016 Google, Facebook et Twitter devant un tribunal américain en vue d'engager leur responsabilité..

La dispute juridique est claire et nette.

Le demandeur fonde sa prétention à imputer le dommage sur l'usage que le groupe terroriste fait de ses outils : "The suit claims the companies "knowingly permitted" the Islamic State group, referred to in the complaint as "ISIS," to recruit members, raise money and spread "extremist propaganda" via their social-media services".

Les défendeurs ont dès le lendemain répondu à l'unisson qu'ils ont au contraire des "politicies" très actives contre les activités terroristes et travaillent à rendre les lois en la matière plus efficaces.  L'autorégulation et l'éthique contre le droit commun de la responsabilité.

Et de rappeler aussi qu'ils ne sont pas éditeurs et qu'on ne peut leur imputer les messages diffusés. Mais ici, cela n'est pas le sujet. En effet, le grief porte sur l'usage du réseau non pas comme mode de transport et diffusion de messages mais comme mode de recrutement des assassins, de communication entre eux et de préparation de l'acte criminel, ce à propos de quoi quoi la loi exclut pas la responsabilité des entreprises.

Il conviendra donc de "prendre au sérieux" cette hypothèse, si l'on veut bien considérer que le cas n'est pas visé et que l'irresponsabilité de telles entreprises qui plaident pour leur "neutralité" ne doit être que l'exception et non le principe.

La question de principe est la suivante : le principe est-il l'irresponsabilité de ceux qui tiennent l'espace numérique ?

Dans ce cas, il faut étendre leur irresponsabilité à un cas non visé par la loi. Si cela n'est pas le cas, il faut en revenir au principe général de la responsabilité. En exigeant la suite de la démonstration, notamment la causalité, le dommage, etc.

 

16 juin 2016

Sur le vif

Le professeur Hervé Causse sort un ouvrage de plus de 800 pages : Droit bancaire et financier.

D'ordinaire, on distingue le "Droit bancaire", d'un côté et le "Droit financier" de l'autre, chacun donnant lieu à des ouvrages distincts, le droit bancaire s'étant depuis longtemps détachant du droit commercial et n'ayant jamais vraiment quitté le droit civil, le droit financier faisant l'objet plus récemment d'ouvrages.

Dans les ouvrages de "Droit bancaire", l'on trouve les contrats, les opérations (le crédit), les mécanismes (comme la monnaie), les institutions (comme la Banque de France) et parfois les règles répressives spécifiques.

Dans les ouvrages de "Droit financier", l'on rencontre avant tout le marché financier, les opérations financières (comme toutes les opérations sur titres et les prises de contrôles des sociétés cotées), l'économie y est beaucoup plus présente, le droit que l'on ose plus guère qualifié de "comparé" tant le droit américain y est comme lui, soit de fait en raison de l'extraterritorialité soit comme modèle, les règles répressives se glissant partout, jusqu'au cœur de ce qui semble être aujourd'hui une branche du droit.

L'ouvrage très important d'Hervé Causse va plus loin et correspond à la réalité : il fusionne le Droit bancaire et le Droit financier.

Il le fait parce qu'il part de la vie du secteur, c'est-à-dire des professionnels. Or, les professionnels travaillent dans les banques. Puis, il décrit ceux qui les admettent et contrôlent leurs activités, c'est-à-dire les autorités de supervision et de régulation. Il continue en décrivant pour le lecteur les instruments, prouesses financiers que les banquiers ont inventées.

Ainsi aspiré par la réalité financière, que reste-t-il de l'attachement civiliste du Droit bancaire ? Pour ne prendre qu'un exemple, lorsque l'auteur s'interroge sur la notion même de "service bancaire" par rapport à celle de "service financier", il constate l'incertitude des notions. Le Droit bancaire est ainsi en train d'oublier le Code civil, les techniques de dépôt en étant un exemple.

Grâce au livre d'Hervé Causse, le lecteur comprend que les règles étant écrites désormais par ceux qui conçoivent la Régulation financière, elles doivent trouver leur ossature dans celle-ci.

 

14 juin 2016

Sur le vif

C'est la SEC qui l'annonce elle-même sur son site.

  • Le Régulateur indique lui-même la récompense considérable versée à celui qui lui apporte l'information. Pourquoi ? D'habitude, lorsqu'on rémunère, et à cette hauteur-là (17 millions$), on le fait plus discrètement) ... Or, le Régulateur l'indique immédiatement et à tout le monde. Dans un communiqué qui ressemble à un appel à candidature pour d'autres dénonciations, avec un lien disponible pour que chacun puisse accéder au programme de lancement d'alerte, financé aisément, puisque les récompenses sont prélevées sur les amendes infligées aux opérateurs sanctionnées grâce aux informations transmises!footnote-35.

 

  • C'est parce que le lanceur n'est pas un indice, un pis-aller, c'est un dispositif central de la régulation, qui permet au gardien du système qu'est le Régulateur, d'avoir les informations trouvées par celui qui est à l'intérieur du système et qui les lui lance (car c'est davantage les informations que "l'alerte") que celui-ci lance.

 

  • Le Régulateur justifie son comportement : c'est le moyen le plus efficace pour que le Régulateur puisse déclencher ou faire aboutir une enquête  : Le Directeur de la division de l' "Enforcement" a fait cette déclaration : “Company insiders are uniquely positioned to protect investors and blow the whistle on a company’s wrongdoing by providing key information to the SEC so we can investigate the full extent of the violations,”.

 

  • Cela montre l'ambivalence du titulaire de l'information à l'intérieur de l'entité, c'est-à-dire "l'insider" : pour avoir l'information, il faut être "dedans". En cela, il ne faut ceux qui naturellement savent car ils sont en position de savoir (les insiders) ne bougent pas pour eux car ils seront poursuivis pour "abus de marché" (market abuses) mais s'ils utilisent l'information pour faire bouger le régulateur, auquel ils ont "lancé" l'information, alors ils gagneront autant voire plus d'argent que dans un comportement qui les aurait mené à la prison.

 

  • Le business de la vertu peut se développere.

 

25 mars 2015

Sur le vif

Lire le programme du colloque, qui se déroulera de 14h à 19h30.

Il a pour thème la notion même de "conflit d'intérêts", en confrontant les techniques financières d'évaluation du risque et les réponses juridiques élaborées à ce propos concernant les agences de notation, notamment en 2009.

Participent au colloque Thomas Aam, Thierry Bonneau, Björn Fasterking, Markus Krall, Frédéric Lobez et Jean-Claude Werrebrouck.

Le colloque se déroulera en langue anglaise.

Inscriptions : dherbaut@univ-lille2.fr

renseignements : marjorie.eeckhoudt@univ-lille1.fr

 

12 mars 2015

Sur le vif

La régulation des communications électroniques est assurée en Inde par un régulateur indépendant, la Telecom Regulatory Authority of India - Trai.

Cette régulation tend notamment à développer la concurrence sur un marché  domestique très important. Pour le développement de la concurrence, il faut inciter non seulement à l'accroissement de la consommation, aux nouveaux usages, à l'innovation, mais encore à la compétition entre les offreurs.

Pour cela, la portabilité des numéros de téléphone est un élément essentiel. On retrouve cette question de la portabilité dans d'autres secteurs, par exemple le secteur financier ou énergétique, mais c'est dans le secteur du téléphone que la portabilité s'est transformée en droit, car c'est par le numéro que la personne est appelée, voire classée ou reconnue.

Cette portabilité est imposée avec difficulté par les régulateurs. La situation en Inde le montre.

Le principe de la portabilité des numéros dans le secteur de la téléphonie mobile a été posé par un régulation dès 2009 par les Telecommunication Mobile Number Portability Regulations du 23 septembre 2009, dont le huitième porte sur cette question.

Quasiment chaque année, un règlement vient ajouter à la réglementation précédente sur ce point. Ainsi, le 25 février 2015, le régulateur a adopté un règlement de 4 pages procédant au 6ième amendement du texte d'origine.

Au terme du nouveau dispositif, adopté par le Régulateur à la demande du Gouvernement qui lui a adressé une lettre en ce sens le 23 novembre 2014,  dispositif présenté comme visant à accroitre l'effectivité de la portabilité, il est obligatoire qu'à partir du 3 mai 2015, tout abonné peut changer d'opérateur tout en conservant son téléphone, quel que soit son lieu de résidence dans le pays.

La difficulté vient précisément de l'immensité géographique du pays, divisé en 22 zones de services de télécommunications (appelées "cercles"), le client passant physiquement de l'une à l'autre ayant encore des difficultés à conserver son numéro.

Au-delà de la difficulté à passer de l'édiction d'un principe à la réalité de son application, puisque 6 ans séparent l'un de l'autre, l'on mesure ici une nouvelle l'importance de la géographie en matière de régulation.

La régulation ne peut pas être pensée de la même façon dans des pays de taille relativement modeste et dans des pays immenses que le sont l'Inde, la Chine ou le Brésil.

 

23 février 2015

Sur le vif

Le thème du rapport entre la Régulation et l'innovation trouve chaque jour de nouvelles illustrations. Celle du drone est particulièrement remarquable.

En effet, le drone est un objet technique qui se meut dans l'air sans être conduit d'une façon immédiate par la main de l'homme.

Le mécanisme juridique de la qualification le fait donc entrer dans la catégorie des "aéronefs" et le soumet à la puissance régulatoire du régulateur de l'aviation civile.

La régulation de l'aviation civile est avant tout une régulation de la sécurité, et non pas une régulation du déploiement économique du secteur.

C'est pourquoi les régulateurs ont pris des positions restrictives concernant les drones utilisés à des fins commerciales, dans la mesure où la présence d'êtres humains, essentiellement les pilotes, sont la condition requise pour la sécurité des personnes. Le fait que les drones volent "sans personne" les constituent a priori comme des dangers, ce qui a conduit les régulateurs à prendre des mesures restrictives concernant des drones volant à des fins commerciales, restriction cohérente au regard des  critères d'intervention du régulateur, sans même prendre en considération des règles extérieures, comme la protection de la vie privée.

Mais quelque soit le secteur, les régulateurs se perçoivent de plus en plus comme des régulateurs économiques. Si l'on adopte cette perspective, une approche restrictive apparaît comme un non-sens.

Dans un souci d'équilibre dans les deux approches, celle de la sécurité des personnes et celle du développement économique par l'innovation, le régulateur américain de l'aviation civile, la Federal Aviation Administration a conçu de nouvelles règles.

Le 11 février 2015, la Federal Aviation Administration a posé la nécessité d'un cadre juridique pour les drones commerciaux. La raison en est économique. Comme elle l'écrit : "It is anticipated that this activity will result in significant economic benefits".  En effet, l'article 333 de la loi de 2012 de modernisation et de réforme impose  une procédure d'enregistrement de tout objet commercial volant dans le ciel sans être manoeuvré à bord par la main de l'homme (unmanned!footnote-28) . Mais cela entrave le développement commercial, et donc l'incitation à l'innovation technique en matière de drone.

Il faut donc trouver un équilibre entre sécurité des personnes et levée des freins au développement économique. C'est pourquoi la FAA va distinguer entre les "petits" drones et les autres. Les premiers sont particulièrement utiles dans l'agriculture. Dans la mesure où les premiers ne constituent pas des dangers pour les personnes, une dispense de cette procédure (article 333 exemption) pourrait être accordée les concernant.

L'on peut analyser cette évolution de la régulation aérienne de deux façons. En premier lieu, il s'agit pour le Régulateur aérien de prendre en compte l'innovation fondamentale des engins volant sans personne, innovation qui sera la base d'un gigantesque marché dont la régulation aérienne aurait pu être l'empêcheur. La considération de la sécurité des personnes demeure, puisque seuls les drones "de petite taille" sont autorisés. En outre, ils devront rester à basse altitude et loin des aéroports et des habitations.

En second lieu, le Régulateur réagit aussi par pragmatisme. L'interdiction du vol des drones commerciaux n'a pas empêché les investissements en la matière. Jusqu'ici, le régulateur avait plutôt choisi de ne pas réagi à la violation au grand jour des normes, dès l'instant que la sécurité des personnes n'était pas en danger. L'idée de la nouvelle régulation est de favoriser ce nouveau marché en y mettant des règles de protection de la sécurité physique des personnes.

 

21 février 2015

Sur le vif

Il fût un temps où l'essentiel était dans la règle. Aujourd'hui l'essentiel est dans l'effectivité de la règle. Ce que les anglais et les américains appellent : l'enforcement.

Quand les opérateurs sont très puissants et les régulateurs ont peu d'information, quand la règle est complexe, quand  les situations sont changeantes et toujours diverses, l'essentiel de l'art régulatoire se concentre sur l'enforcement.

Cela consacre un peu plus le  continuum entre l'Ex ante et l'Ex post, voire la circularité qui existe entre eux. Non seulement, l'Ex post de la sanction est nécessaire au Régulateur pour que les règles qu'il a posées Ex ante aient une effectivité, mais à l'inverse, si l'on veut que les manquements à la règle que les opérateurs puissants ont commis sont sanctions, c'est par l'Ex ante qu'il faut les punir.

Ainsi, lorsqu'un opérateur financier veut lever des fonds sur le marché financier américain, il doit demander l'autorisation du régulateur pour le faire ou à tout le moins de le déclarer préalablement. Il s'agit donc d'un mécanisme Ex Ante. Mais se l'opérateur est digne de confiance, alors il peut faire l'objet d'une sorte de privilège qui lui permet de lever des fonds sans se soumettre à cette procédure lourde et longue. Il faut mais il suffit qu'il s'agisse d'opérateurs de confiance.

Pourtant, l'agence Reuters rapporte la prochaine élaboration par la SEC des lignes directrices pour faire application de son pouvoir de retirer cette dispense à des opérateurs en raison de manquements observés au regard de la loi, civile ou pénale.

Cela peut certes s'expliquer par le fait que ces opérateurs ont montré qu'ils méritaient pas la confiance qui avait justifié l'accès au statut de "well-known seasoned issuer" (WKSI) offrant ce "privilège" de dispense de régulation.

Cela constitue surtout une répression nouvelle, le retrait de cet allégement de procédure, précieux pour l'opérateur qui lève régulièrement des fonds sur le marché, le ramenant au lot commun des emprunteurs, l'handicapant par rapport aux opérateurs qui respectent la loi et demeurent titulaire du "privilège de bureaucratie" étant une nouvelle façon de frapper.

Dans une régulation dans laquelle la répression devient la flèche centrale du carquois, en voilà une bien asserrée.

On peut se poser la question suivante : sous prétexte que l'on se situe dans l'Ex Ante, le Régulateur pourra-t-il se soustraire aux droits de la défense ?

20 février 2015

Sur le vif

Internet a besoin d'être régulé, mais qui et à partir de quels critères ?

L'accumulation à grande vitesse de cas très différents montre l'urgence de réflexions sur les principes.

Prenons le cas dont vient de faire état la très active Autorité de régulation britannique Advertising  Standards Authority (ASA). Celle-ci n'est pas propre à Internet mais n'est pas arrêtée par le fait que le comportement se déroule sur Internet, s'appliquant "à tous les médias".

Une entreprise irlandaise de paris a organisé des paris à propos d'un événement futur et incertain : la condamnation ou l'acquittement d'Oscar Pistorus pour la mort de sa fiancée. Celui-ci ne nie pas être l'auteur du coup fatal mais prétend que celui ne lui est pas imputable.

Le site Internet représente d'une façon très reconnaissable la personne poursuivie sous la forme de la statuette d'un Oscar. Cela tient à l'homonymie entre son prénom et la statuette de la récompense. Mais cela tient en outre à une triple ambiguïté créée par l'entreprise.

La statue ne peut pas marcher, comme l'athlète si on lui ôte ses prothèses qui le firent gagner les courses.

Plus encore, s'il est condamné, il reste en prison, continue d'être privé de sa sa liberté d'aller et de venir, et dès lors continuant de ne pouvoir "marcher librement", l'entreprise indiquant qu'elle rembourse l'argent si l'accusé sort de prison.

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Après cela, plus de 5000 personnes ont protesté. Mais qui saisir ? Dans cet excès de régulateurs, les personnes se tournent sans doute vers le plus dynamique : au Royaume-Uni, c'est sans doute l'Advertising  Standards Authority (ASA).

Mais quoi reprocher ?

L'on pourrait pu dire qu'il est illicite de parier sur les résultats d'un procès.

L'on aurait pu soutenir qu'on ne peut parier à propos d'une histoire atroce, dont le centre est la mort d'une jeune femme.

Mais c'est plutôt du côté du handicap et du "droit des minorités" que le cas est en train de prendre forme. En effet, des associations y voient avant tout une moquerie des personnes ne pouvant pas marcher.

Sans développer davantage, si l'ASA prend position sur cette publicité que l'entreprise a depuis retiré, elle prend une importance de plus en plus forte dans la régulation d'Internet et pourra par exemple expliciter et hiérarchiser les intérêts que l'on doit y respecter.

15 février 2015

Sur le vif

La presse du Sénégal a fait état d'une conférence par laquelle le Premier Président de la Cour d'appel de Dakar a affirmé que le juge judiciaire, en l'espèce, la Cour d'appel de Dakar, après avoir été un peu "effrayé" par le droit de la régulation, en raison de la technicité de celui-ci, puis avoir craint être dépossédé du contentieux, du fait que les Autorités de régulation mises en place sont dotées d'un pouvoir de règlement des différents, est aujourd'hui en mesure de jouer son rôle.

Il affirme en premier lieu que le juge a appris la matière (en l'espèce il s'agit du contrôle des marchés publics).

Il affirme en second lieu que lorsque les parties sont en conflit, elles continuent à aller voir le juge judiciaire, indépendamment de l'existence du Régulateur et de l'exercice qu'il fait de sa fonction de règlement des différents.

13 février 2015

Sur le vif

23 janvier 2015

Sur le vif

Que fait la Régulation aux opérateurs ? Comment la ressentent-ils ? Est-ce qu'ils l'intériorisent ? Est-ce qu'elle représente pour eux simplement un coût ou bien en ce qu'elle influe sur leur stratégie sur les marchés ?

La question est d'autant plus importante que l'on adhère à la théorie des incitations, considérant que les techniques adéquates de régulation sont celles qui produisent les comportements désirés chez les opérateurs régulés.

L'enjeu n'est pas de savoir si la Régulation est prise en compte dans les dépenses. Cela est acquis. Par exemple, depuis deux ans les banques déplacent des forces internes de certaines services, comme le crédit, au service de conformité à la régulation. La régulation peut représenter une part très élevée des coûts : cela vient notamment du fait que la compliance a internalisé les coûts de la régulation dans l'entreprise.

Mais est-ce que cela fait changer les choix stratégiques de l'opérateur sur le marché, et non pas seulement multiplié les process internes ?

A écouter LLoyds Blankfein, président de Goldman Sachs à Davos, propos immédiatment commentés dans la presse britannique comme étant des considérations apaisées à l'égard de la Régulation!footnote-22, on en doute.

Monsieur Lloys Blankfein, qui siège par ailleurs au conseil d'administration de la Law School d'Harvard, interrogé sur la question de savoir si la banque ne souffre pas de la pression des régulations et des superviseurs,  répond qu'il faut en tenir compte, notamment dans la conception même des systèmes techniques pour satisfaire la compliance mais que lui, la Régulation n'est pas vraiment une contrariété : c'est un "bruit de fond". Il la compare à la musique : quelque chose que l'on écoute beaucoup, mais pendant que l'on fait son travail. Quelque chose qui demeure extérieur.

Cela signifie que pour lui la régulation occupe ses services mais n'affecte pas son travail de président de banque d'affaires.

On peut s'en réjouir, puisque cela montre que la régulation n'entrave pas la libre entreprise et les choix de l'opérateur. On peut s'en inquiéter si on donne à la régulation une fonction "éducatrice", voulant infléchir la façon dont le président lui-même décide. Dans ce cas, la Régulation doit cesser d'être une sorte de coûteuse musique d'ascenseur.

Il n'est pas sûr que Régulateurs et Superviseurs le conçoivent ainsi.

21 janvier 2015

Sur le vif

Vient de sortir l'ouvrage de Sofia Ranchordiàs, Constitutional Sunsets and Experimental Legislation, sur un sujet de méthode législative plus particulièrement utilisée en matière de Régulation.

En effet, il y a peu, un président d'une compagnie d'assurance affirmait que les assureurs étaient excédés d'être considérés comme des "rats de laboratoires" par les Autorités de régulation et les Législateurs qui prennent des textes "pour voir", pour un temps, laissant les opérateurs dans l'attente de savoir s'ils pourront conserver la loi à l'avenir en fonction de l'appréciation que le Régulateur et le Législateur auront fait de leur comportement!footnote-14.

L'intérêt de cet ouvrage est tout d'abord de montrer qu'aujourd'hui le législateur court après le temps. Cela renvoie à la figure d'un législateur-gestionnaire, qui veut apporter des solutions à des situations. Est congédié le Législateur qui écrivait dans le marbre, c'est-à-dire hors du temps, parce qu'il exprimait des principes, sa volonté, à l'aune desquels les situations s'ajustaient.

Dès l'instant que la législation devient affaire de gestion, elle devient affaire de temps, de bon timing, et d'efficacité.

Parce que la figure de la Loi a changé, ses modalités devraient changer. La loi la plus adéquate paraît alors la "loi expérimentale", la "loi à l'essai". Cette loi éphémère que les techniques de régulation promeuvent, ne peut prétendre s'inscrire dans le futur que si elle a "réussi". Les opérateurs doivent être bons élèves.

Ainsi, la loi n'est plus qu'un brouillon et c'est son succès qui permet à la norme d'accéder au statut qui allait de soi : la Loi qui vaut pour l'avenir.

Ces lois précaires, que la Régulation présente comme le bon modèle, remettent en cause les principes constitutionnels, la Constitution n'étant elle-même que la Loi suprême ayant vocation à durer pour l'avenir.

Cet ouvrage montre jusqu'à quel point les notions d'efficacité, de test, de flexibilité, peuvent attaquer l'idée même de Loi et de Constitution. Il est vrai qu'en Régulation, tout ne deviendrait que réglementation, y compris la loi mais il est aussi vrai que les cours constitutionnelles sont rétives à admettre les "lois expérimentales".

19 janvier 2015

Sur le vif

On écoute plus guère les sermons. C'est sans doute pour cela qu'Alain Supiot nous remet sur la table le texte de Bossuet occupant quelques pages mais qui depuis 1659 occupe les esprits sur "l'éminente dignité des pauvres". Quand Bossuet parle de richesse et de pauvreté, les économistes ont intérêt à le lire. Lorsque Bossuet parle d'ordre juste et de "place de droit", les juristes doivent le lire.

Alain Supiot le commente en écrivant à la suite "Le renversement de l'ordre du monde".

Commençons par Bossuet qui rappelle que les riches pensent que tout leur est dû alors que la grâce est donnée aux pauvres et soutient que le riche gagne à partager avec le pauvre, car c'est ainsi qu'il peut alléger des richesses qui l'accablent, entrer dans la communauté (constituée par l'Église) dans laquelle les pauvres ont place première de droit.

Dans son étude, Alain Supiot reprend la définition même de "pauvreté", qu'on comptabilise par l'argent dont l'individu dispose. Il reprend alors le thème de Bossuet pour affirmer qu'au contraire de ce qui résulte des méthodes statistiques (combien de $ par personne et par jour), les fortunés sont "pauvres" puisque le marché les isole, les écartant de toute solidarité. Pourtant, l'ordre naturel devrait les conduire à partager, ne serait-ce qu'en payant l'impôt, et autres mécanismes passant par l'État-providence. Mais il constate que l'État s'éloigne de plus en plus de cette fonction, aspiré par ce modèle des seuls fortunés (les "riches-pauvres"), le seul modèle disponible devenant ce que Alain Supiot appelle le "marché total"!footnote-15.

On peut ne pas partager cette lecture du monde, par exemple si l'on croit que les riches partagent (Responsabilité Sociale de l'Entreprise) ou si l'on croit que l'État - sorte d'Église - a souvent été égoïste, mais écoutons déjà le premier des conseils : relire Bossuet.

A lire le Discours de l'Union du Président Barack Obama ayant pour thème le juste partage entre les pauvres et les riches par la redistribution publique, on repense à Bossuet.