10 juin 2020

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Fasterling, B., "Criminal Compliance - Les risques d'un droit pénal du risque", Revue internationale de droit économique, 2016/2 (t.XXX), p. 217-237

Lire l'article.

6 septembre 2018

Sur le vif

En matière de régulation, l'accumulation des règles et leur variation incessante font que l'on n'y comprend plus rien. Otun Droit que l'on ne comprend pas est un Droit inutile.

C'est pourquoi l'on en revient toujours aux exigences et solutions classiques, ramenant aux mêmes sources : les principes de l'interprétation, dont le système qui prévient le blanchiment d'argent ne saurait se détacher, relayés par la "doctrine" émise par les régulateurs qui posent des lignes directrices et la jurisprudence qui éclaire l'avenir à partir des cas passés.

Cela fonctionne ainsi que l'on soit en systèmes dit de "Common Law" ou dit de "Civil Law", qui ne sont pas de structure diffirente.

Ainsi, l'ACPF et TracFin ont émis des "lignes directrices", c'est-à-dire une doctrine institutionnelle pour que l'on s'y retrouve - et de la même façon - en ce qui concerne les obligations de déclaration de soupçon pesant sur les banques en matière de blanchiment d'argent.

La Commission des sanctions de l'ACPR, par une décision du 6 juillet 2018, Société D, vient illustrer ces textes généraux, sécurisant ainsi leur application. 

 

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Dans le cas examiné par la Commission des sanctions, un établissement d'assurance vie a notamment commercialisé un temps des bons de capitalisation au porteur  (BCP) à laquelle était attaché un mécanisme d'anonymat fiscal, pour un volume et des montants très élevés. Lors d'un contrôle opéré par l'ACPR, il lui a été reproché de ne pas avoir placé un tel produit dans la catégorie de "risque élevé" au regard du blanchiment d'argent. 

Pour se justifier de ne l'avoir pas fait, l'établissement souligne que rembourser d'une façon anonyme de tels produits, éventuellement en espèces résulte d'une obligation légale et qu'il ne peut s'y opposer dès l'instant qu'une personne se présente avec un tel BCP, sauf à ce qu'on lui démontre que le titulaire du bon n'est pas légitime à obtenir le remboursement. Le Droit ne peut le contraindre à plus de vigilance, sauf à se contredire entre ses propres normes. 

A cela, la Commission des sanctions répond que la "présomption de licéité" des transactions (ici acheter et revendre des titres anonymes) se superpose avec l'obligation de vigilance sur les circonstances dans lesquels le porteur opère la transaction et l'obligation d'examen renforcé des transactions, en raison de la qualification de "risque élevé" en raison de la nature du produit.

L'établissement souligne qu' "aucune disposition légale" ne l'obligeait à un tel classement de ces titres de BCP dans les instruments de "risque élevé", que cela n'est mentionné que dans des "textes sans valeur normative", et qu'on ne peut donc lui reprocher de l'avoir classé en "risque normal", d'autant plus que par la suite après l'intervention de l'ACPR il a changé sa qualification. 

Cette présentation du Droit est balayée par la Commission des sanctions qui rappelle simplement que "une classification des risques au titre de la BCB-FT doit prendre en compte le degré d'exposition au risque résultant de chaque produit émis ou commercialisé et de chaque catégorie d'opération". 

Or, comme le souligne la Commission des sanctions, le BCP a été pris comme exemple de cela par  des textes "non-contraignants" de l'ACPR et dans une décision précédente de la Commission des sanctions de l'ACPR. La Commission des sanctions continuent en soulignant que cela "ne crée pas d'obligation nouvelle" mais cela "attire l'attention" sur l'existence de tels risques et les obligations de vigilance qui en découlent, et cela avant même qu'un décret vienne le formuler expressément. 

 

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Le Droit de la Compliance qui internalise dans les établissements de banque et d'assurance la charge de lutter contre les atteintes à la probité, requiert à ce titre qu'ils décèlent les comportements pouvant constituer des activités criminelles et délictuelles. Il ne s'agit pas de sanctionner un comportement Ex Post que serait le "simple" blanchiment d'argent mais bien de mettre en place un système objectif Ex Ante confiant à l'établissement le soin de détecter toutes les anomalies et d'en relayer l'information aux autorités publiques. 

A ce titre, la mise en catégorie des "risques" par l'établissement lui-même est un élément-clé du système.

Si l'on est en droit pénal classique, l'on dira que si un produit n'est pas visé comme étant risqué, alors parce que cette qualification aboutit à terme à une sanction, tant qu'il ne l'est pas l'établissement ne le qualifie pas ainsi.

Mais tout d'abord, il y a la "nature des choses" : un instrument remboursable anonymement et en espère représente "par nature" un risque élevé. A un moment le bon sens revient .... et prévaut sur le principe de l'interprétation restrictive. 

Ensuite, cela avait déjà été "dit". Certes pas par un décret (qui vînt après les faits, alors le Droit sanctionnateur ne peut avoir un effet rétroactif). Mais comme le dit habilement la Commission des sanctions, cela fût dit par le Régulateur et dans son activité de soft law et dans un cas, et c'est ainsi pour "illustrer" cette sorte de vérité quant à la "qualification" de risque.

Or, et c'est toute la nature du Droit de la Compliance, lorsqu'il y a un "risque élevé" d'atteinte à la probité, alors il faut, et une vigilance accrue, et une déclaration de soupçon. Raisonnement téléologiquement et Droit sanctionnateur sont compatibles.

C'est donc la "nature des choses" qui prévaut sur l'interprétation "à la lettre" des textes applicables au moment des faits. 

Et cette "nature des choses" est colorée par la fin poursuivie par le Droit de la Compliance : ici au minimum la fraude contre la lutte fiscale.

 

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21 juin 2016

Sur le vif

Le 17 juin 2016, l'avocat général devant la Cour d'appel de Versailles a présenté son réquisitoire devant les juges de la Cour d'appel de Versailles.

Sur le fond, le Ministère public a demandé la confirmation par la Cour d'appel de la condamnation du trader pour les infractions commises mais a demandé à ce que la banque, qui s'est portée partie civile, soit déboutée de l'ensemble de ses demandes formées contre l'auteur.

Pour le Ministère public, on peut bien reprocher au trader de nombreuses fautes pénales : abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données informatiques. En effet, Jérôme Kerviel avait détourné plusieurs milliards en jouant sur des écritures, manipulations masquées par des données falsifiées.

Son employeur, la Société Général, demandait donc réparation.

Le Ministère public l'exclut : il considère que la banque a elle-même commis une faute.

Non pas une faute pénale, mais une faute civile. Une faute civile constituée par un manquement objectif. Un manquement objectif pour n'avoir pas empêcher que le dommage lui advienne. Comme d'autres dommages. Comme la crise financière. Ou le chômage.

La faute civile imputée à la banque serait donc constituée par un "manquement".  L'avocat général s'est exprimé en ces termes : "Par ses manquements répétés ... et ses défaillances de contrôle ..., elle a  indéniablement rendu possible ou facilité la réalisation de la fraude et son développement ». Il ajoute que c'est la banque qui  "a entraîné les lourdes conséquences financières de cette fraude.".

Pour le Ministère public, la banque est donc elle-même à l'origine du dommage qu'elle a subi (fait générateur, causalité et dommage). Cela n'est concevable que parce qu'elle porte le poids du bien commun et des défaillances du système en son entier. L'avocat général affirme en effet que  " Les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles représentent l’un des instruments les plus importants de l’État pour la mise en œuvre des politiques économiques et monétaires. En conséquence, leurs décisions, leurs prises de risque doivent être en permanence appréciées, contrôlées et maîtrisées. Les crises financières, ravageuses pour l’économie, l’emploi, la société, ont souvent révélé des défaillances dans les procédures d’évaluation et de contrôle".

Plus encore, l'avocat général considère que le rejet de toute indemnisation par la banque qui se considérait pourtant comme la victime de celui dont personne ne nie les actes délictueux " pourrait être un message fort donné aux établissements bancaires pour éviter qu’à l’avenir de tels faits puissent se reproduire".

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Le temps de la compliance arrive ...

A écouter un tel réquisitoire, le mot technique a rarement été si bien choisi, l'on constate que :

  • les banques sont visées en tant que le magistrat les perçoit comme "toutes puissantes", tandis qu'il perçoit l’État lui-même comme impuissant
  • il en résulte un transfert de "responsabilité", dont la banque paie ici le prix. Est-il raisonnable ?
  • Il s'agit de "donner une leçon" : les autres banques "de premier plan" doivent comprendre. Il s'agit sans doute des banques systémiques. La puissance a donc pour conséquence une obligation très lourde de tenir le système sans défaillance. Est--ce raisonnable ?
  • Le "message", c'est-à-dire la leçon, du nouveau maître qu'est le procureur, est l'obligation d'un contrôle interne qui ne faillit pas. Car c'est le manquement qui fait la faute.
  • Le temps de la compliance est arrivé.

 

16 juin 2016

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Garapon, A., Mignon, A., D'un droit défensif à un droit coopératif : la nécessaire réforme de notre justice pénale des affaires, in Eeckhoudt, M. (dir.), Les grandes entreprises échappent-elles au droit, Revue Internationale de Droit Économique (RIDE), 2016/2,De Boeck, p197-215.

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation"

 

Dans ce dossier voir aussi :

EECKHOUDT Marjorie, Propos introductifs.

BONNEAU Thierry, Les conflits d'intérêts dans le règlement Agence de notation du 16 septembre 2009.

KRALL Markus, Gouvernance et conflits d'intérêts dans les agences de notation financière.

FASTERLING Björn, Criminal compliance - Les risques d'un droit pénal du risque.

GARRETT Brandon L., Le délinquant d'entreprise comme bouc émissaire.

11 mars 2015

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Manacorda, S., La dynamique des programmes de conformité des entreprises : déclin ou transfiguration du droit pénal des affaires ?, in Supiot, A. (dir.), L'entreprises dans un monde sans frontières. Perspectives économiques et juridiques, coll. "Les sens du droit", Dalloz, 2015, p.191-208.

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article par le drive  de Sciences po (dossier "MAFR - Régulation").

14 février 2015

Analyses Sectorielles

La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.

Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.

Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.

Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.

Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites,  mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.

Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.

5 mai 2013

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : CHAINAIS, Cécile, FENOUILLET, Dominique (dir.), Les sanctions en droit contemporain, vol. 1, La sanction, entre technique et politique, coll. "L'esprit du droit", Dalloz, 2012, 634 p