8 novembre 2016

Sur le vif

L'Ex Ante plutôt que l'Ex Post : le contrôle des concentrations équivaut à une "autorisation de se concentrer"

par Marie-Anne Frison-Roche

Lorsqu'elle exerce un contrôle des concentrations, l'Autorité de concurrence quitte sa fonction de simple gardien du fonctionnement concurrentiel d'un marché tel qu'il est pour prendre une fonction proprement régulatoire.

En effet le contrôle des concentrations n'est plus une simple anticipation des comportements anticoncurrentiels qui se seraient produits si la concentration s'était opérée sans contrôle ("il vaut mieux prévenir que guérir"), il relève d'un contrôle Ex Ante d'une vision de ce que doit être un marché affecté d'une façon sensible par un changement structurel.

Le contrôle des concentrations est donc véritablement un exercice de régulation de l'économie. Il demeure un instrument libéral dans la mesure où la puissance publique ne l'exerce pas proprio motu mais ne le fait qu'en réaction à une décision qui n'appartient qu'aux opérateurs eux-même : celle de prendre une influence déterminante sur une autre entreprise (prise de contrôle), de créer une entreprise commune, de fusionner, etc.

Mais où s'arrête le pouvoir de l'un et de l'autre ?

Car la seule chose qui compte, c'est le temps et le caractère plus ou moins réversible des choses.

Dans une conception très libérale de l'économie, le contrôle des concentrations, parce qu'il n'est qu'une branche du Droit de la concurrence, lequel est de l'Ex Post n'est qu'une estimation d'un comportement qui demeure lui-même libre : la décision de se concentrer.

Dans une conception plus proche de la régulation, le contrôle des concentration se déclenche parce qu'il y a objectivement un changement structurel sur le marché du fait de la concentration. L'acte de concentration n'est pas appréhendé comme un acte de volonté mais comme un changement structurel. De ce fait, il est a priori bloqué, dès que l'Autorité qui régule la structure de marché n'a pas autorisé le changement structurel que l'acte individuel de concentration va provoquer.

L'enjeu pratique est de taille. S'il s'agit d'une décision individuelle, les entreprises qui se concentrent peuvent agir et ensuite si leur "comportement" qu'elles ont adoptée par cette décision de concentration n'est pas approuvé, alors elles endureront une sanction. Mais l'on sait bien en analyse économique du droit qu'une sanction pécuniaire n'est jamais qu'un prix qui accroît le coût de l'opération, calculable par probabilité par avance.

C'est peut-être la conception qu'en a eu Altice.

L'Autorité de la concurrence (ADLC) lui apporte la réponse inverse : tant que la concentration n'est pas autorisée, l'entreprise qui s'autorise à la mettre en œuvre s'expose à de lourdes sanctions.

les commentaires sont désactivés pour cette fiche