La Régulation est une mise en équilibre entre le principe de concurrence et un autre principe. Cet autre principe est un principe technique, par exemple la prévention des risques systémiques ou la gestion des monopoles économiquement naturels. Le système de régulation peut alors rester "neutre". En effet, on peut définir la neutralité comme l’absence de choix opéré par quelques uns pour le futur du groupe. Mais la Régulation peut consister aussi à mettre en balance le principe de concurrence et un principe non plus économique ou technique mais politique, comme l’accèss de tous à un bien commun, tel que la santé ou la culture. Dans un tel cas, la régulation cesse d’être neutre puisqu’il y a eu choix collectif posant politiquement que la santé, l’éducation ou la culture sont des biens supérieurs.
Cela a des implications directes sur l’existence même du Régulateur. En effet, les régulateurs se présentent souvent comme des organismes techniques, neutres, n’ayant pas besoin de légitimé politique, puisqu’ils ne font pas de choix pour le groupe social. Cela n’est vrai que dans les premières hypothèses mais non dans la seconde, où seul l’État démocratique est légitime à les opérer, ce qui explique le retour de l’État sur de nombreuses questions de secteur régulé, par exemple quant au préférence de mode de production énergétique, de l’énergie renouvelable jusqu’à l’énergie nucléaire, impliquant le retour à un ministère de l’énergie, aussi bien que le basculement de la régulation financière vers un pouvoir toujours plus grand donné aux banques centrales.
L’actualité porte aujourd’hui sur l’importance grandissante de ce qui devrait être le principe de la « neutralité du net ». La question est la suivante : Internet , en ce qu'il a donné naissance au numérique, suppose-t-il que tout internaute puisse accéder indifféremment à tout site, ou bien les opérateurs de contenu et les fournisseurs d’accès peuvent-ils privilégier certains sites en conduisant prioritairement les internautes vers ceux-ci, soit pour gérer les congestions (justification technique neutre), soit parce qu’ils auront été payés contractuellement par ce site (justification non neutre) ?
La question demeure débattue entre le droit fondamental d’accès des internautes, la nécessité technique de gérer les congestions, la non-obligation d’investir encore pour accroître la bande passante, et la liberté d’entreprendre des opérateurs.
La comptabilité est une sorte de photographie de la "valeur" de la société, de son patrimoine, mettant en balance son actif et son passif mais intégrant aussi son activité passée mais éventuellement son activité future. La comptabilité, instrument d'information, devient un outil non seulement pour le dirigeant, l'actionnaire, les co-contractants, mais aussi pour l'investisseur présent ou futur, c'est-à-dire le marché.
La comptabilité classique, d’origine Allemande, valorisait l’actif de l’entreprise à son coût historique (par exemple le prix d’achat des biens), mais les nouvelles normes comptables, sous l’influence britannique et à travers les propositions de l’International Accounting Standards Board (IASB), ont voulu rapprocher la notion de valeur et celle de marché. En effet, un bien a une valeur correspondant au prix qu’en donnera un potentiel acheteur et non pas au prix que son actuel propriétaire a versé pour l'acquérir ou en avoir la maîtrise. Cette notion de fair value ou de market value a conduit à évaluer les actifs à leur valeur liquidative. On s’est de ce fait rapproché de prix plus exacts, en phase avec la notion même de prix concurrentiel mais également extrêmement variable avec les marchés, les marchés financiers étant eux-mêmes déconnectés de l’économie réelle par la spéculation. De ce fait, des affaiblissements de marchés ont affaibli les bilans et un effet de domino jouant entre les bilans et les marchés, notamment à propos des banques, a grandement contribué à la crise financière de 2008. Cependant, alors que l’activité financière ne peut pas se penser hors une comptabilité jouant un rôle central dans l’information et dans la confiance des investisseurs, le socle de la comptabilité actuelle, indissociable de la régulation du marché bancaire et financier, n’a pas été pour l’instant remplacé.
Normes prudentielles / Bâle II, Bâle III
Les normes prudentielles sont des exigences de sécurité ("prudence") imposées à des entreprises pour que celles-ci soient solides, cette solidité étant requise car une défaillance serait catastrophique pour le secteur auquel elles appartiennent.
Le secteur bancaire est le parangon du secteur dans lequel s'appliquent des normes prudentielles, les banques et établissements de crédit étant ainsi préservés du risque systémique de défaillance, l'effectivité de ces normes étant assurée par la viligance des autorités de supervision, le plus souvent la Banque centrale.
Mais les normes prudentielles et les normes de régulation se rapprochent de plus en plus, notamment depuis la crise financière mondiale de 2008.
Le « Comité de Bâle », un comité rassemblant à Bâle, sous l’égide de la Banque des Règlements Internationaux, banquiers centraux et régulateurs, a dès la fin des années 80 formulé des « recommandations » (Accord de Bâle I, transposé en droit national sur la base du volontariat étatique) afin d’assurer la stabilité du système bancaire international en fixant une quantité minimale de fonds propres des banques. Initialement fixé à 8% de fonds propres par rapport aux crédits accordés, ce « ratio Cooke », dont la limite principale était de ne prendre en compte pour ce calcul que le montant total de crédits distribués et non le risque client attaché à ceux-ci. Il fut consolidé et entouré de deux garanties supplémentaires lors de la signature de l’accord de Bâle II en 2004. Celui-ci s’appuie sur trois piliers : le premier, reposant sur le « ratio McDonough » (prenant en compte non plus seulement le montant des crédits alloués mais les probabilités de défaut de la contrepartie et de la ligne de crédit), se voulait offrir une meilleure évaluation des risques de crédits en autorisant l’usage des notations d’agences agrées (par ex. Standard & Poor’s) ou de modèles de risques internes aux banques ; le deuxième permet au régulateur de contrôler l’application de ces standards et de revoir à la hausse l’exigence de fonds propres si besoin ; le troisième exige la transparence des informations communiquées par les banques au public sur les actifs et leur risque.
Parce que la crise a démontré que la régulation ne pouvait se penser, uniquement de façon régulatoire mais devait inclure une part de prudentiel, à travers la notion de « macro prudentiel », ont été élaborées les normes dites de "Bâle III". Celles-ci sont de type "prudentielles régulatoires", c'est-à-dire des normes prudentielles devenues sensibles au contexte du marché et visant, comme le font les normes régulatoires, à maintenir dans des équilibres efficaces des marchés qui ne peuvent les établir par eux-mêmes. En particulier, les accords de Bâle III prennent en compte le risque, naguère non considéré, de la pratique étendue des dérivés (titres présentant d’importants risques hors bilan), impliquant des mesures d’ordre prudentiel, qui avait participé à la mauvaise information sur les risques pouvant circuler sur les marchés, nécessitant alors des mesures d’ordre régulatoire, la transparence du marché étant alors le moyen clé poursuivi par la régulation.
Plus encore, les normes Bâle III reviennent sur la définition de « fonds propres Tier-1» (noyau dur des banques permettant de faire face aux pertes liées à une crise) afin que ceux-ci ne puissent plus être constitués que des actions ordinaires et bénéfices mis en réserves par la banque, prévenant ainsi le risque de contamination du système .
Le risque systémique étant un objectif d‘ordre régulatoire, l'on mesure ainsi que le régulatoire et le prudentiel, naguère nettement distingués, s'articulent, se rapprochent, voire fusionnent. Or, le prudentiel renvoie à la supervision davantage qu'à la régulation et les autorités de supervision sont distincts des autorités de régulation ...
L'expression de "nouvel entrant" désigne un opérateur extérieur au secteur ou au marché mais qui va ou qui vient d’y entrer. Sur un marché pleinement concurrentiel, cette entrée se fait pour lui sans difficulté, sans « coût de transaction », et il y est naturellement incité par son goût d’entreprendre ou parce qu’il a innové (tempérament schumpétérien), pouvant ainsi séduire les demandeurs en place, clients potentiels qui se détourneront alors de leur fournisseur habituel.
Mais, lorsqu’il y a libéralisation d’un secteur monopolistique, les opérateurs historiques sont suffisamment puissants pour établir des barrières à l’entrée, car ils détiennent notamment le savoir faire et la confiance des clients (« viscosité » du marché).
Dès lors il faut instituer des régulateurs transitoires, le plus souvent sous la forme d'Autorités administratives indépendantes ( AAI) pour construire la concurrence, laquelle ne peut advenir que par une régulation asymétrique prenant la forme notamment de faveurs systématiques au profit des nouveaux entrants. C’est ainsi que par exemple, le régulateur britannique des télécommunications obligea British Telecom à ouvrir gratuitement tout son réseau de télécommunications au nouvel entrant Mercury.
Cet exercice asymétrique du pouvoir est néanmoins neutre puisqu’il s’applique mécaniquement au détriment des opérateurs historiques pour faire place aux nouveaux entrants, ne s'appliquant au bénéfice des nouveaux entrants que d'une façon aveugle, pour qu’une concurrence puisse naître. La Commission européenne veut qu’il en soit de même en matière pharmaceutique, les laboratoires de médicaments génériques étant assimilés à des nouveaux entrants par rapport aux médicaments de laboratoire princeps sur un même principe actif, mais c’est sans doute confondre processus de libéralisation et droit exclusif né d’un droit de propriété intellectuelle.
Le nucléaire est une façon de produire de l’électricité par des centrales qui tout à la fois présentent l’avantage d’être dans l’immédiat non polluantes, et de fournir l’autonomie énergétique du pays qui s’en dote, et de produire en base de l’électricité à bas prix. Mais le nucléaire est également un mode de production de l'électricité qui comporte un risque de catastrophe très important ("la catastrophe nucléaire", en cas d'accident dans une centrale) et des coûts échoués dont le calcul qui si ce n'est incertain à tout le moins peu connu.
La France avait fait le choix, après la seconde guerre mondiale, du nucléaire, notamment du fait de son absence de ressources énergétique fossiles et se prévalant de la qualité de ses équipes techniques. . Le parc nucléaire français arrivant bientôt à son terme et la mise en place d’un nouveau parc demandant de nombreuses années de travail et d’investissements, le gouvernement avait demandé un rapport à François Roussely, ancien président d'EDF, mais son classement "secret défense" rend difficile son exposé. L'articulation entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire est une question à la fois technique, politique et de régulation.
Cette triple question se répercute sur les choix de structuration de l'opérateur crucial du secteur. En effet, alors qu'EDF et Areva avaient été séparés, les deux entreprises sont de nouveaux réunies, la réunion des deux opérateurs se justifiant aussi bien pour des raisons techniques, économiques que de gouvernance.
Le risque spécifique du nucléaire, qui se traduit en droit par un régime de responsabilité objective de l’État et le caractère non assurable de l'activité, et sa proximité avec les questions militaires et de défense, justifie que des perspectives de libéralisation, voire de privatisation, comme elles l'ont été expérimentées au Royaume-Uni, n'ont pas été plus loin que l'expérimentation. La mise sur le marché financier d'une partie, même minoritaire, du capital des sociétés qui conçoivent, construisent et vendent des centrales nucléaires, a pu être discutée.