19 décembre 2014

Sur le vif

La guerre des QPC : par arrêt du 17 décembre 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation pose la question de la constitutionnalité du cumul des sanctions. Mais le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas déjà implicitement affirmé la constitutionnalité du cumul ?

par Marie-Anne Frison-Roche

C'est pour l'instant la grande bataille et personne n'en connaît l'issue.

La Cour européenne des droits de l'homme, par l'arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, a pose qu'un État ne peut cumuler sur une même personne une sanction pénale et une sanction administrative pour un même fait en matière boursière.

Dans le mouvement du "dialogue des juges", le Conseil d'État a posé le 27 juillet 2014 au Conseil constitutionnel la question de la conformité de ce cumul à la Constitution en matière de sanction financière dans le maniement des fonds publics. Par une décision du 24 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a considéré que ce cumul était conforme à la Constitution, principalement parce que la sanction administrative serait d'une "autre nature" que la sanction pénale, parce que chacune poursuivrait un but différent.

Par un arrêt du 17 décembre 2014, la Cour de cassation a, à son tour, renvoyé deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur le même sujet.

La présentation du problème par la Cour de cassation est la suivante. Par sa formulation, elle montre l'hostilité de la Cour de cassation à la doctrine jusqu'ici développée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel.

En premier lieu, l'interprétation du droit français permet une poursuite pénale contre une personne pour des faits à propos desquels celle-ci a été mise hors de cause par le régulateur financier par la commission des sanctions de celui-ci. Cela peut contredire le principe constitutionnel d'autorité de chose jugée, puisque les sanctions administratives encourues sont assimilables à des peines.

En second lieu, cette possibilité pourrait contredire également les principes constitutionnels d'égalité, de nécessité de la loi pénale et de respect du mécanisme non bis in idem.

Certes, habilement, la Cour de cassation pose la question non pas du cumul des sanctions mais du cumul des poursuites, permettant lorsque l'une s'est éteinte, de "rallumer" l'autre.

Cela permettra-t-il au Conseil de mieux accueillir la conception européenne sans se déjuger ? Par exemple d'estimer que le cumul des peines est admissible dès l'instant que la proportionnalité est respectée, mais que l'extinction d'une action éteint la possibilité d'exercer l'autre ?

Ou bien faut-il ouvrir la plaie ? Se décider enfin à l'ouvrir,plutôt de multiples côtés porter des coups de griffe ?

La Commission des Finances du Sénat travaille à repenser, d'une façon plus cohérente, les pouvoirs de sanction dont les régulateurs financiers ont besoin. En effet, les sanctions sont des outils, qui doivent être pensées en première part en fonction des finalités qui doivent être servies, en deuxième part au regard des autres outils dont le régulateur financier dispose, en troisième part au regard des finalités et des pouvoirs dont les autres autorités sont chargées et disposent (autorités de supervision, autorités européennes, étrangères et internationales, juges, autorités professionnelles).

C'est dans cette vision d'ensemble que cette tempête qui excède le verre d'eau doit être replacée.
 

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