Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
La subsidiarité au sens courant est l'idée que le plus proche de l'action à mener doit y procéder plutôt que celui qui en est éloigné, car celui-ci est d'une part moins légitime à le faire et d'autre part moins efficace pour le arriver. La subsidiarité est donc un mécanisme à la fois d'efficacité et de légitimité. Elle constitue en cela un principe à la fois politique et de management : elle est un principe de gouvernance.
On la retrouve aussi sous la forme de principe juridique dans le Droit de l'Union européenne, avec un impact fort en Droit de la Régulation.
En effet, le principe de subsidiarité est un pilier de l'Union européenne. L'article 5 du Traité pose que le pouvoir qui permet aux autorités publiques d'agir juridiquement par l'édiction de normes et par la contrainte est et demeure aux États-membres. Mais - et c'est le sens même du Traité qui fonda la Communauté puis l'Union européenne - des compétences et des objectifs ont été conférés à l'Union européenne. Dans une première formulation, il a été posé que dans les "limites" de ces "compétences" et de ces "objectifs", l'Union européennes (en tant que personne juridique dotée de pouvoirs) et ses institutions - notamment la Commission - peut agir.
Le premier sens du principe de subsidiarité est donc celui que l'on pourrait dire d'une "souveraineté retenue" par les États-membres : tout ce qui n'est pas dévolu à l'Union européenne est conservé par les États-membres. Mais l'on mesure qu'autant il est assez aisé de cerner les "limites des compétences", autant le trait est moins sûr concernant les "objectifs". En effet, les "objectifs" conférées à l'Union sont si larges que, suivant l'interprétation données par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) il peut ne rester plus grand chose du principe de subsidiarité. C'est pourquoi le texte fût complété, un principe indiquant davantage une méthode.
En effet, le Traité pose tout d'abord qu'en certaines matières l'Union européenne a une "compétence exclusive". Elle est aussi exceptionnelle, puisque dévolue par les États-membres. Il s'agit principalement de la compétence douanière face à l'extérieure de l'Union, à la compétence monétaire face à l'extérieure de la zone euro, du droit de la concurrence et de la politique commerciale commune. Dès ce cas les institutions européennes exercent leurs pouvoirs normatifs pleins. Lorsqu'il n'y a pas eu ce transfert, l'Union européenne n'est plus légitime prima facie, c'est-à-dire que ses institutions ne peuvent agir puisque les États-membres demeurent les auteurs légitimes des normes. Mais s'il s'avère que l'Union européenne est la mieux placée pour atteindre efficacement les objectifs recherchés, même s'il n'y a pas de transfert de compétence exclusive à l'Union, alors si l'institution européenne peut apporter cette preuve comme quoi elle est "mieux placée" pour agir efficacement elle pourra agir.
Complété, l'article 5 du Traité dispose désormais : En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.
La fin de l'article 5 est avant tout méthodologique : la méthode de la comparaison d'efficacité entre l'action d’État-membre - par exemple une loi - et l'action d'une institution de l'Union - par exemple un projet de Réglemente élaboré par la Commission européenne. Lorsque les deux prétendent être le plus efficace pour atteindre l'objectif communautaire - par exemple - la sécurité énergétique, c'est alors la question de la charge de preuve qui se pose.
C'est là où le principe de subsidiarité prend toute sa puissance, qui est avant tout probatoire : c'est en effet à l'Union européenne, dans l'exemple précité la Commission européenne - de démontrer que c'est d'une façon prouvée son projet d'instrument (ici un règlement de sécurité énergétique) qui sera plus efficace pour servir l'objectif, que l’État-membre ne pourrait atteindre seul. Une très lourde charge de preuve à la charge de l'Union et de nombreux objet de preuve : l'incapacité de l’État-membre à atteindre cet objectif et la capacité de l'Union à l'atteindre. Si l'Union apporte cette preuve, alors, même s'il n'y a pas eu transfert de compétence exclusive à son profit, elle pourra agir et déposer le principe comme quoi en Europe le pouvoir normatif demeure dans les États-membres.
Le principe juridique de subsidiarité est essentiel en Droit de la Régulation. En effet, en raison de son lien avec le Politique, les régulations sectorielles ne sont généralement pas transférées à titre exclusif au niveau de l'Union européenne. C'est pourquoi il n'existe pas à proprement parler de "régulateurs européens", mais plutôt des agences qui centralisent l'information et son accès. Cependant et pour prendre l'exemple le plus topique la nécessité engendrée par la situation financière et bancaire en Europe a justifié que les mécanismes de régulation,de supervision et d'institution soient portés au niveau communautaire par l'Union Bancaire, à partir de 2010. Mais l'on ne retrouve pas les mêmes transferts par exemple en matière énergétique, ferroviaire ou de télécommunication, qui contrarieraient sans doute le principe juridique de subsidiarité.
25 juin 2019
Sur le vif
Le 24 juin 2019, le Régulateur irlandais a publié un rapport visant à participer à la consultation publique lancée par le ministère de la Communication, portant à la fois sur la façon dont il convient de transposer la directive européenne sur les services audiovisuels et sur la perspective d'une loi nationale sur la "régulation des contenus dommageables sur les plateformes en ligne".
Pour le Régulateur, le rapprochement des deux actes législateurs offre une opportunité d'une régulation globale des "médias en ligne", offrant à l'internaute une "sécurité" que la simple transposition de la Directive ne permet pas. Ainsi la seconde loi complétera la première.
Pour le Régulateur, la loi nationale à adopter doit permettre au Régulateur de donner une pleine sécurité à l'internaute irlandais ("online safety"), en retirant les contenants violents ou dommageables (le terme harmful est difficile à traduire par un seul mot en français) et en l'avertissant à propos de ceux-ci.
Comme l'explicite le rapport (p.52) :
The BAI considers that the following four strategic objectives and responsibilities are relevant for an online safety regulator operating within the new media regulatory structure: • Rectifying serious harms occurring to Irish residents through their use of online services. • Ensuring that individuals and members of groups that are frequently subject to harmful online content can fully benefit from digital technology and social media. • Reducing online harms by introducing online safety rules for online platforms. • Promoting responsibility and awareness of online safety issues among the general population and industry. To fulfil these objectives and responsibilities, the BAI considers that the Online Safety Regulator could have the following three functions:
1. Operating a statutory mechanism to remove harmful online content that directly affects Irish residents (Rectification of Harm)
2. Developing and enforcing an online safety code for Irish-resident online platforms (Minimisation of the potential for Harm)
3. Promoting awareness of online safety issues among the public and industry (Preventing Harm). Ensuring that online services play a more effective role in tackling online safety issues can provide wide, “collective” benefits to large numbers of individuals simultaneously.
Visant expressément Youtube et Facebook, qui en Europe ont choisi de se localiser en Irlande, le Régulateur demande une Régulation des plateformes de partage de vidéos qui doit, à travers un Code s'appliquant à eux, permettre de régir leurs activités qui se déploient à travers toute l'Europe. Ce Code aurait vocation à rappeler en premier le principe de la libre expression. Tout en organisant la "sécurité en ligne" de l'internaute.
Le Régulateur irlandais des Médias sera en charge de cela. Et puisque les opérateurs sont localisés en Irlande, ses conceptions et ses actions auront donc un effet européen : comme le dit le Président de l'Autorité de Régulation lui-même : " This is a particularly important issue for this country, given that many of the major international platforms are based there. Ireland has a unique opportunity - and responsability - to lead the debate and chart the way forward in relation to online safety and regulation".
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"to lead" ?
Il n'est pas certain que les autres régulateurs nationaux ni la Commission européenne partagent une telle conception irlando-centriste de la régulation européenne des médias.
15 décembre 2014
Sur le vif
La Directive européenne du 22 octobre 2014 sur la publication d'information non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes vient de loin.
Certains la présente comme une étape de 'l'irrésistible montée" de la Responsabilité Sociale des Entreprises". Ce serait un "pas en avant" et un "signe fort".
Il est vrai que cette Directive issue du Parlement Européen et du Conseil fait suite à une consultation menée pendant plusieurs années par la Commission européenne sur le sujet de la Responsabilité sociale des Entreprises. Quoi qu'aient formulé les "parties prenantes", la Directive reprend les lignes de la Communication de la Commission Européenne du 13 avril 2011, adoptée le 25 octobre 2011 sur le sujet.
Il est difficile aujourd'hui d'opposer Hard Law et Soft Law : le droit se durcit petit à petit. Ainsi, de la "communication", on est passé aux "résolutions", dont le statut demeure incertains, à la fois plus ferme qu'une communication mais moins contraignante qu'une loi, puisqu'une résolution ne s'adresse qu'à son auteur ... Ainsi, le Parlement par ses résolutions du 6 février 2013 a "résolu" de concevoir une vision "inclusive" de l'action des entreprises, pour faire danser ensemble rentabilité et justice sociale. Pour s'en sortir, il faut mais il suffit de dire que la Responsabilité Sociale de l'Entreprise est "multidimentionnelle"... Des lignes directrices de la Commission européenne (non-contraignantes) viendront l'expliciter.
Suivent une série d'obligations sur l'information que les entreprises doivent mettre à la disposition "du public et des autorités". Ainsi, les entreprises doivent faire le travail à la place des autorités elles-mêmes. Les dispositions relatives à l'information non-financière sont obligatoires et normés. Elles sont particulièrement contraignantes concernant l'environnement.
Mais lorsque le texte apporte des obligations plus substantielles, comme rendre l'activité de l'entreprise moins polluante, la Directive se contente de demander aux États-membres d'inciter les entreprises à adopter les "meilleurs pratiques" en la matière. Le marché est lui-même incitatif, notamment pour que la diversité marque davantage les organes d'administration des grandes sociétés. Car le principe demeure la croyance que "l'accès des investisseurs aux informations non-financières constitue une étape vers la réalisation de l'objectif ....d'une Europe efficace dans l'utilisation des ressources", dans un contexte réglementaire d'une croissance "intelligente, durable et inclusive".
Mise à jour : 2 février 2012 (Rédaction initiale : 5 janvier 2012 )
Thesaurus : Doctrine
Mise à jour : 19 décembre 2011 (Rédaction initiale : 19 décembre 2011 )
Thesaurus : Doctrine