3 mars 2018

Événements : JoRC

To access the English version of this article, click on the Britsh flag

Dans la conférence inaugurale du cycle de conférence sur "l'Europe de la Compliance, Antoine Garapon souligne atouts et faiblesses de l'Europe

par Marie-Anne Frison-Roche

Le 2 mars 2018, le Président de la Cour de Justice de l'Union européenne Koen Lenaerts est venu à Paris inaugurer le cycle de conférences organisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC), cycle qui a pour titre général : Pour une Europe de la Compliance. S'y associent l'École d'affaires publiques de Sciences po, le Département d'économie de Sciences po, l'École doctorale de droit privé de l'Université Panthéon-Assas (Paris 2) et l'École de droit de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I).  De nombreuses personnalités y prendront la parole.  Ce cycle donnera lieu à l'ouvrage qui sera publié dans la Série Régulations & Compliance sous la direction de Marie-Anne Frison-Roche aux Éditions Dalloz.

Après une conférence admirable offerte par Koen Lenaerts , Antoine Garapon, secrétaire générale de l'Institut des Hautes Études pour la Justice, a parfaitement réagi en "premier discutant", soulignant comme chacun son grand intérêt à l'écoute de la démonstration faite par le Président de la Cour de Justice.

Il a estimé!footnote-95 qu'il n'était guère possible de parler de "Droit de la Compliance"!footnote-91, parce qu'il s'agit avant tout d'un droit qui cesse d'être "prescriptif" pour devenir "relationnel", les entreprises s'organisant pour mettre que des buts soient atteints en relation avec les autorités publiques. Les entreprises développent ainsi un "droit systémique" qui se développe tout seul, avec des mécanismes d'alerte mis en place directement par les entreprises qui se soucient avant de la continuité de leurs activités économiques. La notion de tiers disparaît, une sorte de "gouvernement direct" prend la place du "gouvernement indirect" que représentait le "tiers de justice", les entreprises ayant intégré ce tiers dans leur propre organisation, ce qui bouleverse leur rapport au temps et met en place un système "métajuridique".

Antoine Garapon pose alors la question de savoir comment une telle "conversion" a pu s'opérer, c'est-à-dire ce passage du mode de contrôle de l'Ex Post à l'Ex Ante, aboutissant à ce que les entreprises internalisent la tâche d'effectivité des règles !footnote-92. Il estime qu'il faut d'une part que le système qui le prône est la "puissance de marché pour l'imposer et que d'autre part ceux qui au sein de ce système le demandent explicitent une "vision du monde".  Antoine Garapon ajoute la nécessité d'une "ambition morale".

Or, Antoine Garapon a souligné les États-Unis ont réuni ces trois conditions.

Dans sa discussion, Antoine Garapon a en revanche estimé sur le fait que l'Europe ne les a pas réunies et qu'elle "part avec un handicap", parce qu'elle n'est pas tournée vers l'extérieur, parce qu'elle n'a pas de vision du monde, parce qu'elle n'a pas opéré d'intégration morale.

Il a insisté sur le fait que la Cour de Justice peut porter ces trois conditions, notamment à propos des données personnelles. Car c'est bien à propos du numérique que l'Europe a un pouvoir de marché. C'est bien à propos des donnés personnelles que la Cour de Justice est le lieu où l'Europe est à la fois un marché et des valeurs!footnote-93.

C'est pourquoi la Cour de Justice de l'Union européenne a effectivement un rôle central pour cette construction.

______

Ces propos très construits, très instructifs d'Antoine Garapon!footnote-94 , merci à lui, ont parfaitement montré, en miroir de la conférence du Président de la Cour de Justice, l'enjeu : l'avenir.

Au-delà des disputatio autour des définitions, c'est effectivement la question de savoir si l'Europe va ou non construire des mécanismes propres de Compliance.

En trouvant un vocabulaire qui lui sont propres. Non seulement en langue française, car le Droit est fait des mots, mais encore avec des mots nouveaux, qui nous sortent du "traduit-collé" et qui porteront des ambitions européennes, comme le fût le cas pour le "droit à l'oubli", très souvent cité dans la discussion.

Certes il faut le "pouvoir". Mais il faut déjà le prétendre. Et le Droit a toujours prétendu exister. C'est en cela qu'il est un Ordre. C'est sans doute pour cela que le président Koen Lenaerts a insisté sur la "juridicisation" de la compliance, comme le fait la main du Droit qui se pose sur un objet.

1

Je remercie Monsieur Alexandre Köhler, étudiant à Sciences po (Paris) qui a pris des notes, sur lesquelles je me suis appuyée pour conforter mes souvenirs des propos tenus.

2

Contra Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016.

3

Sur ce passage même, v. Frison-Roche, M.-A., Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, 2017.

5

Notamment auteur de Deals of Justice (dir.), 2013.

Thèmes

les commentaires sont désactivés pour cette fiche