15 juillet 2016

Sur le vif

Au Sénégal, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) dispose de pouvoirs de sanction, comme tous les régulateurs.  D'une façon générale, l'essentiel est non seulement d'exercer ce pouvoir de sanction mais de le faire d'une façon à ce que l'autorité du Régulateur en soit renforcée. Dans cette perspective, la décision de sanction Sonatel est importante.

Comme c'est avant tout la connaissance d'une sanction qui fait le poids de celle-ci, le directeur général de l'Artp vient d'émettre un "communiqué de presse", signalé comme particulièrement important et a fait un point de presse à propos d'une sanction, particulièrement lourde prononcée à la suite de ce que le Régulateur considère comme étant la non-exécution d'obligations suite à des mises en demeure (ce que l'opérateur conteste sur le fond).

En effet, le 21 novembre 2014, l'Artp a mis en demeure la Sonatel de respecter les droits des consommateurs. Parmi ceux-ci, par la modification en 2014 du Code des Télécommunications, les opérateurs doivent "prendre les mesures appropriées de dimensionnement de leurs réseaux de nature à garantir à leurs clients un accès ininterrompu à leur service client commercial ou technique en respectant un taux d’efficacité minimal", lequel est fixé par le Régulateur lui-même et dans un tel cadre doit satisfaire le droit du consommateur à être informé, notamment des mécanismes de facturation, les appels à des services-clients devant demeurer gratuits. Estimant que l'opérateur ne s'est pas conformée, le Régulateur a tout à fois diligenté une enquête et des contrôles et notifié des griefs à l'opérateur, puis a émis le 28 janvier 2015 une seconde mise en demeure pour le même motif.

Estimant que le comportement de l'opérateur n'aboutissait toujours pas à une situation conforme aux droits des consommateurs à être informés, le Régulateur a prononcé une sanction par une décision du 14 juillet 2016, Sonatel à l'encontre de la Sonatel pour un montant de 13 milliards 959 millions de FCfa, ce qui équivaut à plus de 20 millions d'euros, soit 15% de son chiffre d'affaires pour 2015. La décision de sanction prévoit que si l'opérateur n'exécute pas celle-ci, l'astreinte sera de 10 millions FCfa, soit 15.000 euros, par jour.

L'opérateur conteste cette sanction car il estime que son comportement ne justifie pas de reproche. Il se prévaut du fait que dès réception de la première mise en demeure, il a procédé à la "mise en conformité progressive" du réseau, qu'il a tenu au courant le Régulateur de ses diligences, etc. Il va donc former un recours. 

La question qui est ici posée est celle de savoir si les obligations qui pèsent sur l'opérateur relèvent de l'obligation de moyens ou de l'obligation de résultat. Si elles relèvent de la catégorie de l'obligation de moyens,alors l'opérateur a raison. Mais les principes d'efficacité et d'effectivité, liés à la nature téléologique du Droit de la Régulation, conduisent plutôt à incliner vers la catégorie de l'obligation de résultat.

Par exemple, en France, la Commission Informatique et Libertés (CNIL), vient d'affirmer, par une décision Numericable du 1ier mars 2016!footnote-41 que l'obligation pour les opérateurs d'avoir des données exactes et complètes est une obligation de résultat et non pas une obligation de moyens.

La décision une affaire à suivre. Le jour du communiqué de presse, l'opérateur affirmait vouloir faire un recours hiérarchique, c'est-à-dire devant le Ministre.

Dès le lendemain, le Directeur général de l'Autorité de Régulation intervenait dans les médias pour souligner qu'en droit, le recours ne peut être que soit contentieux (devant une juridiction), soit gracieux, c'est-à-dire devant ... lui-même.

L'on mesure ici que les rapports entre le Droit de la Régulation et la Politique trouvent toujours de nouvelles illustrations.

 

 

 

 

 

12 mars 2015

Sur le vif

La régulation des communications électroniques est assurée en Inde par un régulateur indépendant, la Telecom Regulatory Authority of India - Trai.

Cette régulation tend notamment à développer la concurrence sur un marché  domestique très important. Pour le développement de la concurrence, il faut inciter non seulement à l'accroissement de la consommation, aux nouveaux usages, à l'innovation, mais encore à la compétition entre les offreurs.

Pour cela, la portabilité des numéros de téléphone est un élément essentiel. On retrouve cette question de la portabilité dans d'autres secteurs, par exemple le secteur financier ou énergétique, mais c'est dans le secteur du téléphone que la portabilité s'est transformée en droit, car c'est par le numéro que la personne est appelée, voire classée ou reconnue.

Cette portabilité est imposée avec difficulté par les régulateurs. La situation en Inde le montre.

Le principe de la portabilité des numéros dans le secteur de la téléphonie mobile a été posé par un régulation dès 2009 par les Telecommunication Mobile Number Portability Regulations du 23 septembre 2009, dont le huitième porte sur cette question.

Quasiment chaque année, un règlement vient ajouter à la réglementation précédente sur ce point. Ainsi, le 25 février 2015, le régulateur a adopté un règlement de 4 pages procédant au 6ième amendement du texte d'origine.

Au terme du nouveau dispositif, adopté par le Régulateur à la demande du Gouvernement qui lui a adressé une lettre en ce sens le 23 novembre 2014,  dispositif présenté comme visant à accroitre l'effectivité de la portabilité, il est obligatoire qu'à partir du 3 mai 2015, tout abonné peut changer d'opérateur tout en conservant son téléphone, quel que soit son lieu de résidence dans le pays.

La difficulté vient précisément de l'immensité géographique du pays, divisé en 22 zones de services de télécommunications (appelées "cercles"), le client passant physiquement de l'une à l'autre ayant encore des difficultés à conserver son numéro.

Au-delà de la difficulté à passer de l'édiction d'un principe à la réalité de son application, puisque 6 ans séparent l'un de l'autre, l'on mesure ici une nouvelle l'importance de la géographie en matière de régulation.

La régulation ne peut pas être pensée de la même façon dans des pays de taille relativement modeste et dans des pays immenses que le sont l'Inde, la Chine ou le Brésil.