6 septembre 2018

Sur le vif

En matière de régulation, l'accumulation des règles et leur variation incessante font que l'on n'y comprend plus rien. Otun Droit que l'on ne comprend pas est un Droit inutile.

C'est pourquoi l'on en revient toujours aux exigences et solutions classiques, ramenant aux mêmes sources : les principes de l'interprétation, dont le système qui prévient le blanchiment d'argent ne saurait se détacher, relayés par la "doctrine" émise par les régulateurs qui posent des lignes directrices et la jurisprudence qui éclaire l'avenir à partir des cas passés.

Cela fonctionne ainsi que l'on soit en systèmes dit de "Common Law" ou dit de "Civil Law", qui ne sont pas de structure diffirente.

Ainsi, l'ACPF et TracFin ont émis des "lignes directrices", c'est-à-dire une doctrine institutionnelle pour que l'on s'y retrouve - et de la même façon - en ce qui concerne les obligations de déclaration de soupçon pesant sur les banques en matière de blanchiment d'argent.

La Commission des sanctions de l'ACPR, par une décision du 6 juillet 2018, Société D, vient illustrer ces textes généraux, sécurisant ainsi leur application. 

 

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Dans le cas examiné par la Commission des sanctions, un établissement d'assurance vie a notamment commercialisé un temps des bons de capitalisation au porteur  (BCP) à laquelle était attaché un mécanisme d'anonymat fiscal, pour un volume et des montants très élevés. Lors d'un contrôle opéré par l'ACPR, il lui a été reproché de ne pas avoir placé un tel produit dans la catégorie de "risque élevé" au regard du blanchiment d'argent. 

Pour se justifier de ne l'avoir pas fait, l'établissement souligne que rembourser d'une façon anonyme de tels produits, éventuellement en espèces résulte d'une obligation légale et qu'il ne peut s'y opposer dès l'instant qu'une personne se présente avec un tel BCP, sauf à ce qu'on lui démontre que le titulaire du bon n'est pas légitime à obtenir le remboursement. Le Droit ne peut le contraindre à plus de vigilance, sauf à se contredire entre ses propres normes. 

A cela, la Commission des sanctions répond que la "présomption de licéité" des transactions (ici acheter et revendre des titres anonymes) se superpose avec l'obligation de vigilance sur les circonstances dans lesquels le porteur opère la transaction et l'obligation d'examen renforcé des transactions, en raison de la qualification de "risque élevé" en raison de la nature du produit.

L'établissement souligne qu' "aucune disposition légale" ne l'obligeait à un tel classement de ces titres de BCP dans les instruments de "risque élevé", que cela n'est mentionné que dans des "textes sans valeur normative", et qu'on ne peut donc lui reprocher de l'avoir classé en "risque normal", d'autant plus que par la suite après l'intervention de l'ACPR il a changé sa qualification. 

Cette présentation du Droit est balayée par la Commission des sanctions qui rappelle simplement que "une classification des risques au titre de la BCB-FT doit prendre en compte le degré d'exposition au risque résultant de chaque produit émis ou commercialisé et de chaque catégorie d'opération". 

Or, comme le souligne la Commission des sanctions, le BCP a été pris comme exemple de cela par  des textes "non-contraignants" de l'ACPR et dans une décision précédente de la Commission des sanctions de l'ACPR. La Commission des sanctions continuent en soulignant que cela "ne crée pas d'obligation nouvelle" mais cela "attire l'attention" sur l'existence de tels risques et les obligations de vigilance qui en découlent, et cela avant même qu'un décret vienne le formuler expressément. 

 

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Le Droit de la Compliance qui internalise dans les établissements de banque et d'assurance la charge de lutter contre les atteintes à la probité, requiert à ce titre qu'ils décèlent les comportements pouvant constituer des activités criminelles et délictuelles. Il ne s'agit pas de sanctionner un comportement Ex Post que serait le "simple" blanchiment d'argent mais bien de mettre en place un système objectif Ex Ante confiant à l'établissement le soin de détecter toutes les anomalies et d'en relayer l'information aux autorités publiques. 

A ce titre, la mise en catégorie des "risques" par l'établissement lui-même est un élément-clé du système.

Si l'on est en droit pénal classique, l'on dira que si un produit n'est pas visé comme étant risqué, alors parce que cette qualification aboutit à terme à une sanction, tant qu'il ne l'est pas l'établissement ne le qualifie pas ainsi.

Mais tout d'abord, il y a la "nature des choses" : un instrument remboursable anonymement et en espère représente "par nature" un risque élevé. A un moment le bon sens revient .... et prévaut sur le principe de l'interprétation restrictive. 

Ensuite, cela avait déjà été "dit". Certes pas par un décret (qui vînt après les faits, alors le Droit sanctionnateur ne peut avoir un effet rétroactif). Mais comme le dit habilement la Commission des sanctions, cela fût dit par le Régulateur et dans son activité de soft law et dans un cas, et c'est ainsi pour "illustrer" cette sorte de vérité quant à la "qualification" de risque.

Or, et c'est toute la nature du Droit de la Compliance, lorsqu'il y a un "risque élevé" d'atteinte à la probité, alors il faut, et une vigilance accrue, et une déclaration de soupçon. Raisonnement téléologiquement et Droit sanctionnateur sont compatibles.

C'est donc la "nature des choses" qui prévaut sur l'interprétation "à la lettre" des textes applicables au moment des faits. 

Et cette "nature des choses" est colorée par la fin poursuivie par le Droit de la Compliance : ici au minimum la fraude contre la lutte fiscale.

 

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