Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Subsidiarité (principe de)

par Marie-Anne Frison-Roche

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La subsidiarité au sens courant est l'idée que le plus proche de l'action à mener doit y procéder plutôt que celui qui en est éloigné, car celui-ci est d'une part moins légitime à le faire et d'autre part moins efficace pour le arriver. La subsidiarité est donc un mécanisme à la fois d'efficacité et de légitimité. Elle constitue en cela un principe à la fois politique et de management : elle est un principe de gouvernance.

On la retrouve aussi sous la forme de principe juridique dans le Droit de l'Union européenne, avec un impact fort en Droit de la Régulation.

En effet, le principe de subsidiarité est un pilier de l'Union européenne. L'article 5 du Traité pose que le pouvoir qui permet aux autorités publiques d'agir juridiquement par l'édiction de normes et par la contrainte est et demeure aux États-membres. Mais - et c'est le sens même du Traité qui fonda la Communauté puis l'Union européenne - des compétences et des objectifs ont été conférés à l'Union européenne. Dans une première formulation, il a été posé que dans les "limites" de ces "compétences" et de ces "objectifs", l'Union européennes (en tant que personne juridique dotée de pouvoirs) et ses institutions - notamment la Commission - peut agir.

Le premier sens du principe de subsidiarité est donc celui que l'on pourrait dire d'une "souveraineté retenue" par les États-membres : tout ce qui n'est pas dévolu à l'Union européenne est conservé par les États-membres. Mais l'on mesure qu'autant il est assez aisé de cerner les "limites des compétences", autant le trait est moins sûr concernant les "objectifs". En effet, les "objectifs" conférées à l'Union sont si larges que, suivant l'interprétation données par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) il peut ne rester plus grand chose du principe de subsidiarité. C'est pourquoi le texte fût complété, un principe indiquant davantage une méthode.

En effet, le Traité pose tout d'abord qu'en certaines matières l'Union européenne a une "compétence exclusive". Elle est aussi exceptionnelle, puisque dévolue par les États-membres. Il s'agit principalement de la compétence douanière face à l'extérieure de l'Union, à la compétence monétaire face à l'extérieure de la zone euro, du droit de la concurrence et de la politique commerciale commune. Dès ce cas les institutions européennes exercent leurs pouvoirs normatifs pleins. Lorsqu'il n'y a pas eu ce transfert, l'Union européenne n'est plus légitime prima facie, c'est-à-dire que ses institutions ne peuvent agir puisque les États-membres demeurent les auteurs légitimes des normes. Mais s'il s'avère que l'Union européenne est la mieux placée pour atteindre efficacement les objectifs recherchés, même s'il n'y a pas de transfert de compétence exclusive à l'Union, alors si l'institution européenne peut apporter cette preuve comme quoi elle est "mieux placée" pour agir efficacement elle pourra agir.

Complété, l'article 5 du Traité dispose désormais : En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.

La fin de l'article 5 est avant tout méthodologique  : la méthode de la comparaison d'efficacité entre l'action d’État-membre - par exemple une loi - et l'action d'une institution de l'Union - par exemple un projet de  Réglemente élaboré par la Commission européenne. Lorsque les deux prétendent être le plus efficace pour atteindre l'objectif communautaire - par exemple - la sécurité énergétique, c'est alors la question de la charge de preuve qui se pose.

C'est là où le principe de subsidiarité prend toute sa puissance, qui est avant tout probatoire : c'est en effet à l'Union européenne, dans l'exemple précité la Commission européenne - de démontrer que c'est d'une façon prouvée son projet d'instrument (ici un règlement de sécurité énergétique) qui sera plus efficace pour servir l'objectif, que l’État-membre ne pourrait atteindre seul. Une très lourde charge de preuve à la charge de l'Union et de nombreux objet de preuve : l'incapacité de l’État-membre à atteindre cet objectif et la capacité de l'Union à l'atteindre. Si l'Union apporte cette preuve, alors, même s'il n'y a pas eu transfert de compétence exclusive à son profit, elle pourra agir et déposer le principe comme quoi en Europe le pouvoir normatif demeure dans les États-membres.

Le principe juridique de subsidiarité est essentiel en Droit de la Régulation. En effet, en raison de son lien avec le Politique, les régulations sectorielles ne sont généralement pas transférées à titre exclusif au niveau de l'Union européenne. C'est pourquoi il n'existe pas à proprement parler de "régulateurs européens", mais plutôt des agences qui centralisent l'information et son accès. Cependant et pour prendre l'exemple le plus topique la nécessité engendrée par la situation financière et bancaire en Europe a justifié que les mécanismes de régulation,de supervision et d'institution soient portés au niveau communautaire par l'Union Bancaire, à partir de 2010. Mais l'on ne retrouve pas les mêmes transferts par exemple en matière énergétique, ferroviaire ou de télécommunication, qui contrarieraient sans doute le principe juridique de subsidiarité. 

 

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