La régulation bancaire européenne est toujours en attente de réforme, les Etats-Unis ayant adapté les règles par la loi Dodd-Frank, notamment via la règle Volcker qui exige au sein des banques la séparation de certaines activités et interdit aux banques de dépôt une liste d'activités. En Europe, le Royaume-Uni dispose du rapport de la Commission Vickers, qui prône un système beaucoup plus radical et d'une autre nature, à savoir la séparation entre les banques de dépôt et les banques d'investissement. La Commission Européenne a demandé sur le même thème un rapport à la Commission Liikanen. Celle-ci a rendu son rapport le 2 octobre, dont les conclusions se situent entre les deux. Le rapport ne demande pas la séparation préservant le modèle continental de la banque universelle, mais préconise à l'intérieur des banques la séparation des activités non-risquées de gestion de fonds (qui continueraient d'être garanties par l'Eat) et des activités risquées de gestions de fonds (qui cesseraient de bénéficier d'une telle garantie).
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La Commission européenne a, par la voix de son Commissaire au marché intérieur Michel Barnier, constitué en février 2012 une commission chargée de réfléchir à la réforme du système bancaire qu’il convient d’opérer en Europe
La présidence de cette commission a été confiée à Erkki Liikanen, gouverneur de la Banque centrale de Finlande.
La commission Liikanen a présenté son rapport à la Commission européenne le 2 octobre 2012.
Tout d’abord, contrairement aux conclusions de la Commision Vickers, sur lesquelles on aurait pu pourtant penser que la Commission Liikanen s’alignerait, la Commission Liikanen ne recommande pas la scission des banques de dépôt et des banques d’investissement selon le modèle, dont certains, aussi bien des membres de la Banque d’Angleterre que des journalistes du Financial Times, regrettent l’abandon, à savoir le modèle du Glass-steagall Act, ne serait-ce que parce qu’il était simple. Sans doute ces prises de position anglaises tiennent aussi au fait que cette distinction nette entre banques de dépôt et banques d’investissement correspond à la structure du marché bancaire britannique.
Mais le rapport prône la division des activités à l’intérieur des banques, suivant qu’il s’agit d’une activité de gestion en "bon père de famillle" des dépôt ou d’une activité de gestion risquée de ceux-ci, ce qui correspond davantage à l’activité d’investissement.
Ainsi, ce n’est pas la qualification formelle qui est retenue, à savoir l’opposition statique et juridique entre "dépot/investimment", mais plutôt l’opposition dynamique et financière entre "gestion non-risquée des fonds/gestion risquée des fonds".
A partir de là, le rapport préconise que les activités de gestion risquée soient isolées au sein des banques, ce qui rapproche le système de la Volcker rule, puisqu’il ne brise pas les banques universelles, comme le voudrait la Commission Vickers, mais le rapport Liikanen trouve tout de même adéquat un isolement de certaines activités à l’intérieur des banques. En outre, le classement des activités qui doivent être mises à part à l’intérieur des banques, devant être juridiquement isolées en leur sein et notamment ne plus bénéficier de la garantie explicite ou implicite de l’Etat en cas de difficulté, dépend de la notion centrale du risque.
La notion de risque est mise au centre, ce qui est logique puisqu’il s’agit de prévenir, puis de gérer le risque systémique, mais le risque est difficile à définir, à repérer. Ainsi, le rapport dégage des activités classées comme définitivement risquées, comme le trading à haute fréquence (le risque rejoignant alors le hautement spéculatif), mais l’on peut dire qu’il s’agit d’une présomption irréfragable. Ainsi, le risque n’apparaît souvent qu’au moment de la crise. Il est difficile de le repérer avant et tout exercice de classement est difficile. Cela sera très certainement dans la mise en application du rapport la partie concrètement la plus difficile à mettre en place car le risque est une question de gradaton, entre le peu-risqué, le raisonnablement-risqué, le très-risqué, l’excessivement-risqué. Or, c’est de cette qualification, d’admissible ou non, que va dépendre la prévision d’une garantie de l’Etat ou non.
L’idée d’ensemble est que le risque très élevé correspond à des activités spéculatives qui n’apportent rien à l’économie réelle et ne correspondent pas à ce pourquoi sont faites les banques, à savoir soutenir et accompagner l’économie, ce qui justifie que l’Etat soit garant en dernier ressort. En revanche, lorsque l’activité est peu risquée, ce qui englobe toutes les activités de dépôt mais aussi certains types d’activité d’investissement (celles-là même visées par les multiples exceptions prévues dans la loi Dodd-Frank par rapport à la Volcker rule), alors l’objet du financement se produit est l’économie réelle, la banque est bien dans son rôle classique et légitime, la garantie de l’Etat, c’est-à-dire la participation potentielle du contribuable, doit être maintenue.
Cette voie pragmatique paraît de bon sens, même s’il est vrai que la séparation interne des activités au sein des banques universelles va être coûteuse et délicate à opérer, en raison de la plasticité précitée de la notion de risque, surtout maniée a priori, mais la solution proposée est moins abrupte et étrangère aux secteurs bancaires continentaux que ne l’était celle proposée par la Commission Vickers.
En outre, il est vrai qu’il s’agirait d’une réforme coûteuse, mais le rapport insiste sur le fait qu’une distinction dans les banques entre activités risquées et activités non-risquées, non seulement correspond à deux rapports différents de la banque par rapport à l’économie réelle mais encore va faciliter la supervision prudentielle qui doit s’exercer impérativement sur les banques, et ce désormais au niveau européen.
En cela, le rapport Liikanen intègre d’ores et déjà le projet de la Commission Européenne présenté le 12 septembre 2012 de confier à la Banque centrale européenne la supervision bancaire européenne, supervision qui ne peut s’opérer que si cet organisme, plus éloignée des banques que ne le sont les superviseurs nationaux, a les moyens d’observer directement les activités qui justifient la surveillance, à savoir avant tout les activitées risquées à effet systémique, dont l’isolement interne facilite le contrôle prudentiel.
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Dans un second temps, la Commission Liikanen ne s’est pas seulement soucié du dispositif ex ante pour éviter les crises de défaillances, mais encore du dispositif européen ex post pour les gérer, lorsqu’il y a défaillance d’une banque.
Le rapport insiste même sur le caractère essentiel de cette dimension, en raison du continuum entre l’ex ante et l’ex post dans toute régulation, le caractère systémique du système faisant passer très vite de l’un à l’autre et les agents étant anticipateurs.
Ainsi, la Commission fonde des grands espoirs sur le projet de directive proposé par la Commission européenne le 6 juin 2012 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement ».
Ce dernier texte s’inspire de l’idée anglo-saxonne du "testament bancaire", par lequel les banques in bonis établissent ce qu’il adviendra de leurs actifs en cas de défaillance, ce testament en permanence connu et réadapté permettant sans surprise une liquidation immédiate des actifs.
Dès lors, on en revient à l’idée d’information et de transparence (déjà visée dans la division des activités au sein des banques pour améliorer leur supervision prudentielle), les Etats et le marché (c’est-à-dire les contribuables, les déposants et les investisseurs) sauraient en permanence) ce qui se passerait en cas de défaillance et ce qui pourraient leur en coûter, soit en pertes pures et simples (s’il s’agit d’activités risquées désormais non garanties par l’Etat), soit en contribution (s’il s’agit d’activités non-risquées ou raisonnablement risquées, qui continueraient d’être garanties par l’Etat).
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Il est fort probable que la Commission européenne va faire sienne les conclusions de ce rapport, moins proche du rapport Vickers que l’on aurait pu l’anticiper, et très en phase avec le projet déjà arrêté par la Commission européenne quant à la supervision bancaire européenne tout en s’appuyant sur son projet de mécanisme propre aux résolutions de défaillances bancaires.
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