10 décembre 2014
Analyses Sectorielles
Le droit constitutionnel aura un rôle de plus en plus important à jouer en régulation. Cela est d'autant plus vrai que le Conseil d'État utilise son pouvoir de filtre pour devenir lui-même une Cour constitutionnelle, voire une Cour suprême.
Cela ressort de son arrêt du 5 novembre 2014, UBS.
En effet, pour refuser de transmettre au Conseil constitutionnel la Question prioritaire de constitutionnalité formulée par la banque UBS, le Conseil d'État donne ce qu'il estime être l'interprétation correcte du principe constitutionnel des délits et des peines en matière bancaire.
Pour poser donc qu'il n'y a pas de "question", le Conseil affirme qu'il n'y a pas de "problème", puisque, grâce à l'interprétation qu'il en donne, les dispositions du Code monétaire et financier qui offre à l'Autorité de supervision, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), le pouvoir de sanctionner la banque parce qu'elle n'a pas correctement mis en place son contrôle interne, est conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, lequel est applicable en matière de répression administrative.
Mais parce que pour estimer qu'il n'y a pas de "question", il faut dire qu'il n'y a pas de "problème", il est acquis que la Haute juridiction administrative s'est comportée en Cour constitutionnelle.
Il faut en prendre acte. Est-ce vraiment ce qu'a voulu le Constituant en instituant un système de filtre par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 instaurant la Question prioritaire de constitutionnalité ? En effet, dans cette question très sensible et déterminante de la répression en matière bancaire et financière, n'est-ce pas à tout le moins au Conseil constitutionnel lui-même de dire l'interprétation autorisée qu'il faut retenir du texte constitutionnel dont il est le gardien ?
En effet, sur le fond, le Conseil d'État exprime la constitutionnalité du système par lequel le Législateur a délégué au Ministre de l'Économie la définition des conditions d'application de l'obligation d'un contrôle interne dans les banques, car selon lui cela ne porte pas atteinte à l'exclusivité du pouvoir législatif visé à l'article 34 de la Constitution, dans la mesure où le ministre n'exerce son pouvoir normatif que sur les modalités de l'exigence du contrôle interne posée par la loi, n'a donc pas reçu de délégation de pouvoir, et que la question n'est donc pas "sérieuse".
En France, les juges constitutionnels se sont multipliés ... Si l'on rapproche cet arrêt de la décision de la véritable cour constitutionnelle, qui demeure être le Conseil constitutionnel, à savoir la décision du 24 octobre 2014, Stéphane R., ils semblent tous aller vers plus de répression.
La répression devient le centre de la régulation et de la supervision bancaire et financière. Signe de la "passion du droit", qui inquiétait Carbonnier dès 1996.