La qualification est l'opération clé en Droit.
Par exemple, si l'on "dit" ce qu'est un bitcoin, alors on lui affecte le régime qui correspond à la "nature" que l'on a ainsi dite;
L'on pourrait dire que le "jeton" qu'il constitue ne correspond à rien de ce qu'il existait avant. Dans ce cas, leur création, leur stockage, leur gestion, leur vente, leur prêt, leur achat, ne correspond à aucune catégorie particulière qui leur préexistait. Ils relèvent donc de ce que l'on appelle "l'innomé".
C'est alors dans un système libéral le vide de la liberté qui s'applique à lui. Dans un système de liberté, c'est la liberté contractuelle, c'est la liberté qui s'attache au droit de propriété, l'articulation entre le contrat et la propriété suffisant. La technologie peut asseoir une telle qualification, parce que le risque inhérent à un système de liberté est par ailleurs pris en charge par le mécanisme des blockchains. En effet, par la diffusion du risque d'une part, par la sécurité des machines d'autre part, il n'y aurait pas de souci à se faire, et le principe de liberté pourrait accréditer l'idée que le "jeton" serait une catégorie sui generis.
Mais banques centrales et régulateurs financiers ne sont sans doute pas convaincus et préfèrent opérer une qualification en rapportant le "jeton" à une catégorie préexistante, ce qui déclenche automatiquement le régime juridique. On sait bien que l'art de la qualification consiste à choisir parmi les qualifications atteignable celle qui permettra l'application du régime qui est le plus adéquat pour satisfaire le but que l'on veut atteindre. En matière de Régulation, gouvernée entièrement par les buts, la qualification est donc avant tout une affaire de stratégie.
Or, affirmer que le bitcoin est un objet sui generis revient à ne pas en réguler l'émission, les usages et les intermédiations, à ne pas en contrôler non plus ceux qui en font profession. Revient à ôter sur les mérites de l'autorégulation.
Cela a été exclu.
Tout d'abord par les Banques centrales. En effet, l'on peut qualifier des bitcoins et autres jetons, appuyés sur la sécurité mécanique du blockchain, de "monnaie" lorsqu'il s'agit par leur acquisition de permettre d'acheter d'autres biens. Les banquiers centrales ont retenu la qualification de "monnaie", ce qui n'interdit pas leur émission mais ce qui justifie l'application de la régulation bancaire.
Ensuite par les Régulateurs financiers. En effet, l'on peut qualifier ces mêmes jetons de titres et instruments financiers lorsqu'ils sont émis par des personnes qui les émettent pour lever des fonds, les acquéreurs apportant de l'argent non plus pour acquérir d'autres choses mais en reflet de la valeur future de l'entreprise qui les a émis. La SEC le 25 juillet 2017 les a donc qualifiés de securities et leur a appliqué l'intégralité du droit financier, afin que ces investissements et les marchés de capitaux soient protégés.
L'on mesure une nouvelle fois d'une part que la norme de la Régulation réside dans ces buts et que d'autre part son outil principal est dans la qualification des diverses activités qui ne sont "nouvelles" que si le Régulateur veut l'entendre ainsi.
votre commentaire