13 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Juridictionnalisation de la régulation

par Marie-Anne Frison-Roche

Les décisions juridictionnelles sont désormais très importantes dans les systèmes de régulation, par exemple l’arrêt Oury de 1999, rendu par la Cour de Cassation présidée par le Premier Président Guy Canivet. Il faut désormais compter avec le juge, avec les procès, avec les avocats. Cette juridicisation de la régulation a entraîné une juridictionnalisation de celle-ci, c'est-à-dire un comportement propre au juge qui s’est propagé à l’ensemble du système.

En effet, non seulement les procès en eux-mêmes sont devenus des éléments essentiels dans les stratégies des opérateurs et leurs anticipations schématisées par la théorie des jeux, mais encore les Autorités de régulation, alors même qu’il ne s’agit que d’autorités administratives, se comportent désormais comme des tribunaux.

Cette juridictionnalisation des régulateurs, notamment la nécessité pour eux de respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire, a été obtenue par la force et la puissance de l’Europe et les condamnations multiples par le juge du recours en cas de violation par le régulateur des garanties fondamentales de procédure, car on est passé d’une culture unilatérale d’administration centrale à une culture procédurale de dialogues contradictoires entre des parties et leur juge.

Cette juridictionnalisation, qui nous rapproche d’un système de common law, a son prix: le ralentissement des prises de décisions par le régulateur, alors même que la régulation se fait parfois dans l’urgence. C’est pourquoi notamment les banques centrales ou le FMI, qui ne participent pas à ce phénomène de juridictionnalisation, sont aujourd’hui dans les schémas imaginés privilégiés par rapport aux régulateurs financiers, parfois embourbés dans la procédure.

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