Un question simple : être régulateur, est-ce un métier ?
Dès qu'on pose la question, il convient de la décomposer. En effet, le temps n'est plus guère où le Régulateur était une personne physique. Aujourd'hui, le plus souvent, le Régulateur prend la forme d'une Autorité de Régulation, c'est-à-dire d'une entité, dotée ou non de la personnalité morale, intégrée dans l'État ou de nature professionnelle.
Les personnes physiques apparaissent comme membre de l'Autorité, même s'il est vrai que le Président de l'Autorité de Régulation a souvent un rôle très important
Le choix des commissaires devient déterminant pour l'indépendance et l'efficacité de l'Autorité de régulation. Il convient que la personne ait de l'autorité sur le secteur, qu'elle en soit respecté et qu'elle participe efficacité à l'action collective du Collège.
Essayons de rappeler les deux séries de critères auxquelles on songe pour déterminer le "bon régulateur" afin de prendre comme cas la nomination de Monsieur Yann Padova comme nouveau membre du Collège de la Commission de Régulation de l'Énergie.
Perrin, L., Le président d'une autorité administrative indépendante de régulation, 2013.
Pour cela, il y a deux possibilités, qui peuvent se cumuler.
Soit l'on considère que le "bon régulateur"
La personne idoine sera celle qui connait le secteur et que le secteur connait. Par un effet de miroir, le banquier deviendra le superviseur bancaire, le financier deviendra le régulateur financier, l'ingénieur deviendra le régulateur des télécommunications, etc. Des études en la matière, de finance, d'ingénieur ou d'économie sont requises. Il devra être immergé dans le secteur.
L'avantage de cette solution est la pertinence technique de l'action du régulateur et la satisfaction du secteur. On a pu observer la puissance de cette conception lors de la nomination du nouvel banquier central américain, Janet Yellen.
Mais l'inconvénient de cette solution est le risque de capture du régulateur par le secteur.
À l'inverse et dans une conception plus britannique, l'idée est que le fait d'être régulateur est un métier à part entière, indépendamment de l'objet sur lequel le Régulateur exerce son art.
En effet, il est bien difficile de réguler ... Il faut connaître le monde politique, tout en gardant ses distances. Il faut savoir le fonctionnement du monde juridictionnel, car d'une part on est souvent soi-même juge, et d'autre part il faut venir défendre ses décisions devant la juridiction devant laquelle un recours les frappe. Il faut écouter et ce sont les opérateurs qui apportent toutes les informations techniques nécessaires. Il faut avant tout être ouvert sur l'international et travailler en réseau avec ses homologues.
Ainsi, être régulateur deviendrait un métier. Dès lors, on ne peut pas s'improviser régulateur. Il convient d'avoir fait des études de sciences politiques et de droit. Il convient d'avoir eu des fonctions dans l'administration, dans des juridictions, avoir fréquenté de près le monde politique. Une fois que l'on a compris le fonctionnement du système de régulateur économique, peu importe que l'on soit Régulateur de la banque, de l'Internet, des données personnelles, de l'énergie, de l'assurance ou des communications électroniques. Le métier est un peu toujours le même.
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Prenons maintenant le cas.
Monsieur Yann Padova a fait Sciences po, une licence d'histoire et un DEA de droit public.
Il a été administrateur de l'Assemblée Nationale.
Il a été secrétaire général de la CNIL, le régulateur des données personnelles, avant d'être un temps avocat spécialisé dans les télécommunications.
Il vient d'être nommé par le Président de l'Assemblée Nationale comme nouveau Commissaire dans le Collège de la Commission de Régulation de l'Énergie.
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Il est aisé de mesurer à quelle série de critères cette nomination, par ailleurs très méritée, se réfère implicitement.
Comme l'on évoque le "bon juge" ...
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