Secteurs

5 mai 2016

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Frison-Roche, M.-A. (dir.), Internet, espace d'interrégulation, Série "Régulations", coll. "Thèmes & Commentaires", Dalloz, mai 2016.

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“Réguler Internet”. Certains affirment que toute régulation est contraire à la nature du numérique. D’autres soutiennent que cela est indispensable, et pour son déploiement économique et pour les libertés publiques. Internet renouvelle les conceptions et les pratiques. Notamment celles du Droit de la Régulation. En effet, Internet permet d’offrir et d’obtenir des prestations qui relèvent souvent de secteurs régulés : prestations financières, audiovisuelle, de santé, de jeu. Plus encore, elles convergent dans de nouveaux objets : les objets connectés. Souvent décrit comme un « désert juridique », le numérique apparaît alors comme une sorte de fatras de système de régulations diverses qui se superposent, se déforment et se contredisent. En réaction,  une « interrégulation », de fait ou de droit, en droit plus ou moins souple, est en train de s’établir. Qui en sera le Régulateur : Les États ? Le juge ? L’internaute ?

L’ouvrage détermine tout d’abord les « Besoins d’interrégulation » pour ensuite décrire et concevoir les solutions d’interrégulation de l’espace numérique.  

Lire la présentation des deux articles de Marie-Anne Frison-Roche :

17 avril 2016

Thesaurus : Textes

Référence complète: Schmaltz, B., Les personnes publiques propriétaires, avec la préface de Jean-François Sestier, ed. "Nouvelles Bibliothèque de Thèses", Dalloz, vol. 160, 2016, p. 580.

 

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Consulter la préface de Jean-François Sestier.

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8 mars 2016

Thesaurus

Référence complète : Ossege, Ch. (dir.), European Regulatory Agencies in EU Decision-Making.Between Expertise and Influence , Palgrave MacMillan, 2016, 216 p.

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21 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La déontologie se distingue classiquement de la morale, en ce que la morale est la conscience du bien et du mal propre à chaque individu, alors que la déontologie est la conscience du bon comportement déterminé par un groupe particulier.  En cela, l'on rapproche la déontologie de l'éthique.

Ainsi la déontologie est le plus souvent le propre d’une profession, qui élabore alors un code de déontologie, ou une charte éthique, par le soin de son ordre professionnel, ou le fruit d’une charte déontologique établie par une entreprise.

Du point de vue normatif, la déontologie appartient à la soft law, droit souple, dénué de force contraignante immédiate mais exprimant une culture d’entreprise ou professionnelle et dont le non respect par le professionnel ou le salarié peut constituer une faute.

En cela, la déontologie se situe entre la morale et le droit et constitue un outil privilégié de l’autorégulation. A ce titre elle en présente les avantages et les inconvénients.

Le développement de la compliance a encore accru la place de la déontologie et l'écriture de ces chartes et divers codes par lesquels les opérateurs eux-mêmes expriment leur engagements à l'égard de certains ou à l'égard de tous.

21 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La régulation s’est historiquement construite sur l’idée de secteur, par exemple les télécommunications, l’énergie, le ferroviaire, la banque, l’audiovisuel etc. Cela été lié au fait que les régulations ont été pensées par l'Europe et plus particulièrement la Commission européenne comme des moyens d’établir une concurrence effective dans un processus de libéralisation des secteurs.

Mais, c’était penser d’une façon excessive la régulation par rapport à la concurrence, c'est-à-dire la régulation comme moyen de construire la concurrence. En effet, la régulation peut être aujourd’hui d’une façon première un moyen de prévenir les crises et de gérer les risques, ainsi qu’un moyen de gérer à long terme des biens et services qui ne supportent pas l’instantanéité des marchés, même menés à la maturité concurrentielle.

Or, dans cette seconde perspective, les risques ne sont en rien enfermés dans un secteur. Bien au contraire, ils passent d’un secteur à l’autre. De la même façon, un bien, par l’écoulement du temps, passe d’un secteur à l’autre. Ainsi, vient le temps de nuancer la pensée de la régulation par rapport au secteur et de concevoir la régulation par rapport au mouvement des biens qui ne bougent pas seulement d’une façon plane sur des marchés mais également dans des filières à l’intérieur desquelles ils se développent, ce qui suppose de la planification à long terme (comme en matière énergétique), et dans lesquels ils transportent avec eux les risques, ce que l’enfermement dans un secteur ne permet pas de gérer.

Ainsi, la contamination du risque bancaire a enflammé le secteur financier et le secteur assurantiel d'une façon aussi foudroyante que le fait un risque sanitaire allant du secteur de l'eau à celui de l'alimentation, du médicament, etc., de la même façon que les données passent du secteur de la télévision au secteur du téléphone, au secteur du numérique.

Plus encore, l’agriculture dont on pense encore très mal la régulation, sauf un ancien rapport sur la « filière bois », montre que le bien passe du secteur purement agricole au secteur de la vente alimentaire ou de la production pharmaceutique, eux-mêmes régulés sans connexion. Les organisations agricoles se sont spontanément coordonnées pour intégrer cette réalité des filières.

Si l’on intégrait mieux cette réalité des filières, laquelle correspond à la façon dont se propagent les risques, enjeu majeur de la régulation, dimension qui n’a rien à voir avec la concurrence, il faudrait déconnecter la régulation de son lien strict avec la notion de secteur, ou à tout le moins, mieux organiser l’interrégulation.

 

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le modèle politique français, par sa Constitution et ce depuis la Révolution Française, sépare le pouvoir législatif issu du suffrage universel et le pouvoir exécutif, le chef de l’État étant directement élu lors des élections. Le judiciaire ne constitue pas un pouvoir mais une simple « autorité ».

Cette dernière affirmation correspond encore à la lettre des textes, notamment à la lettre de la Constitution, mais l'évolution des textes et surtout l'évolution des pratiques a conduit à la constitution d'une sorte de "pouvoir juridictionnel", qui conduit à prendre acte aujourd'hui de l'existence d'un pouvoir juridictionnel, car le pouvoir juridictionnel comprend aussi bien le pouvoir des juridictions administratives que des juridictions judiciaires. Il y a donc trois Pouvoirs qui doivent être "séparés" : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir juridictionnel.

La régulation correspond mal à ce schéma constitutionnel de séparation des pouvoirs sur plusieurs points fondamentaux. En premier lieu le régulateur cumule le pouvoir normatif, de type quasi législatif, le pouvoir exécutif quand il adopte des décisions individuelles, et le pouvoir juridictionnel lorsqu’il sanctionne ou règle des différents. Ce cumul de tous les pouvoirs en fait une sorte d’État miniature, voire de Roitelet, renvoyant au phénomène de reféodalisation de la société. Cela a été fortement critiqué au nom de principe de séparation des pouvoirs. 

En second lieu, le régulateur, organe de l’État, n’obéit pas à l’exécutif, puisque par nature il doit être indépendant. A ce titre, le Régulateur, s'il appartient le plus souvent à l’État prenant la forme d'une Autorité Administrative Indépendance (AAI), n’appartient à aucun pouvoir. Devrait-on considérer que les régulateurs, dont les pouvoirs sont extrêmes sur des secteurs économiquement et politiquement cruciaux, constituent une sorte de quatrième pouvoir politique, dépassant l’organisation traditionnelle ? Certains le pensent.

D'autres vont également très loin, mais dans une autre direction. Ils estiment que le Droit de la Régulation a détruit le système français ou continental de séparation des pouvoirs pour mener les pays concernés vers un système politique plus anglais ou américains de check and balance.

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les États-Unis ont établi des autorités de régulation dès la fin du XIXème siècle : partant du principe du marché, ils ont tempéré celui-ci par la mise en place de régulateurs, après avoir constaté les défaillances de marché, par exemple en matière de transport, en cas de monopoles économiquement naturels ou de facilités essentielles. La tradition de l’Union européenne est inverse puisque les États, notamment l’État Français, ont estimé que des secteurs d’intérêt général, censés inaptes au schéma concurrentiel car ne correspondant pas au schéma de fonctionnement de la rencontre de l’offre et de la demande, et devant servir les missions de services publics, devaient être tenus par l’État, soit directement par des établissements publics, soit par des entreprises publiques sous tutelle des ministères.

L’évolution en Europe est venue du droit communautaire. En effet, après la seconde guerre mondiale, l’idée a été de construire un marché qui devait être" commun" aux pays européens afin qu’ils ne puissent plus à l’avenir se faire la guerre. Pour atteindre ce but, ont été levées les frontières entre eux grâce aux principes de libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. De la même façon a été interdite la défense par chacun des États de ses propres entreprises nationales par des aides d’État pour que toute entreprise même étrangère puisse pénétrer sur son territoire, afin que s’établisse un marché intérieur commun. Enfin, un droit de la concurrence était nécessaire pour interdire aux entreprises et aux États d’entraver le libre fonctionnement du marché, ce qui aurait ralenti voire stoppé la construction de ce marché intérieur, qui constituait un but essentiellement politique du traité de Rome.

Pour exécuter ce but politique, la Commission européenne et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, précédemment appelée Cour de justice des communautés - CJCE -  européennes jusqu’au Traité de Lisbonne) ont interdit tout comportement d’entente ou d’abus de position dominante, même de la part des entreprises publiques, ainsi que tout soutien des États (sauf en cas de crise). De la même façon, dans une parfaite logique politique, mais aussi dans une parfaite contradiction avec les traditions nationales européennes, des textes européens, règlements ou directives, ont libéralisés des secteurs naguère monopolistiques, tout d’abord les télécommunications puis l’énergie. Ce fut le cas pour les télécommunications avec la directive de 1993, de la directive de 1996 pour l’électricité et de la directive de 1998 pour le gaz.

En raison de la hiérarchie des normes, les États, sauf à être poursuivis devant la Cour de justice par la Commission européenne en action pour manquement, ont été obligés de transposer par des lois nationales ces textes européens. Ainsi, de force, le droit communautaire, à la fois par le droit général de la concurrence, mais surtout pour réaliser son but politique de construction d’un marché intérieur unique et initialement pacificateur, a déclenché en Europe un système de régulation économique dans tous les secteurs d’industries de réseaux, système qui était pourtant étranger à la culture des États membres. Ce n’était pas le cas des régulations bancaires et assurantielles, secteurs qui depuis toujours ont été menacés par un risque systémique, et à ce titre régulés et supervisés par les banques centrales nationales depuis très longtemps.

Le Droit communautaire a depuis pendant 30 ans plongé dans les Droits nationaux en les méconnaissant, ce qui a pu être profitable aussi, et sur la base du Droit de la concurrence, la dimension politique du projet européen ayant été oubliée, sans doute au fur et à mesure que la Guerre elle-même s'effaçait des esprits.

Les effets de la globalisation et de la crise financière ont constitué un nouveau tournant dans le Droit communautaire qui, depuis 2010, se construit non plus pour modifier les Droits nationaux - et les détruire en partie - mais pour construire un Droit communautaire nouveau et ne devant ni au Droit de la concurrence ni aux Droits nationaux : un Droit communautaire de la Régulation, qui fait place aux droits des personnes et tente de construire dans le temps un système robuste aux crises.

 

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Dans un système autorégulé (comme l'est un marché gouverné par la libre concurrence), l’équilibre s’opère spontanément par la rencontre de l’ensemble de l’offre avec l’ensemble de la demande, dès l’instant que l’information est donnée sur les prix. L’accroc que constitue une pratique anticoncurrentielle, entente ou abus de position dominante, qui empêche l’émergence du prix d’équilibre, est réparé d’une façon ponctuelle et ex post par l‘Autorité de concurrence.

Mais la Régulation intervient en cas de défaillance de marché : la Régulation a alors pour fonction première de construire des équilibres qui ne s'établissent et ne maintiennent pas spontanément. Il s’agira par exemple d’un équilibre entre une concurrence entre les banques d'une part et la prévention et la gestion du risque systémique d'une part, ce qui  qui suppose une certaine coordination entre les banques, coordination proche de l'entente.

De la même façon, le Régulateur devra construire un équilibre entre le principe de concurrence, avec des prix exacts qui peuvent donc être élevés, et des tarifications sociales pour les populations en difficulté devant néanmoins accéder que le Politique aura posé comme étant un "bien commun", comme certains médicaments, voire l'électricité.

Ces équilibres instables doivent être tenus à long terme. C’est pourquoi le Régulateur, contrairement à l’Autorité de concurrence, n’intervient pas ponctuellement mais est présent en permanence, en quelque sorte intériorisé dans le secteur qu’il surveille et contrôle en permanence. Ces équilibres à long terme justifient les recours à des plans pluriannuels, notamment par des contrats par exemple en matière postale ou à propos des aéroports (contrat de régulation), le contrat permettant de stabiliser l’appréhension du futur.

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le pouvoir de "régler les différents" est moins usuellement détenu par le Régulateur que ne l'est le pouvoir de sanction. En effet, si l'on peut dire qu'un Régulateur dénué d'un pouvoir de sanction perd de fait son emprise sur le secteur, un Régulateur n'a pas nécessairement besoin de régler les différents pour tenir son secteur.

En effet, régler un différent consiste à trancher une opposition d'intérêt entre deux personnes juridiques qui s'opposent expressément. Cela transforme le Régulateur en une sorte de "juge civil", alors que le pouvoir de sanction le fait ressembler à une sorte de "juge pénal".

Au regard du secteur, la discipline de celui-ci requiert davantage que le Régulateur sanctionne les manquements et punissent les opérateurs qui ne respectent pas les normes qu'il a édictées, plus qu'il ne viennent séparer les opérateurs qui se disputent entre eux pour des intérêts personnes. Pourtant, presque tous les régulateurs, sauf l’Autorité des marchés financiers (AMF), sont dotés du pouvoir de régler certains types de différents entre des opérateurs, par exemple entre le gestionnaire d’un réseau et celui qui veut y accéder, lorsque le gestionnaire refuse l’accès ou exige un prix estimé trop élevé ou exige de son cocontractant des aménagements techniques. Le régulateur intervient alors comme une sorte de tribunal civil qui tranche la dispute entre les parties, hors de toute idée de police administrative, et c’est logiquement que ce type de décisions peut être attaqué devant la Cour d’appel de Paris, juge judiciaire.

Cela peut s'expliquer par ce que l'on a appelé la "civilisation" du Droit économique, le progrès de celui-ci le faisant quitter la violence archaïque de la répression. Cela tient surtout au fait que, par l'exercice de ce pouvoir, les opérateurs apportent de l'information au Régulateur, incités à le faire par le fait que leurs intérêts sont ainsi directement protégés, et au fait que par ce biais le Régulateur veille sur les clés même du secteur. Par exemple en tranchant un litige sur le droit d'accès, il rend effectif l’interconnexion, c'est-à-dire ce pour quoi la Régulation est objectivement mise en place.

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La conception traditionnelle de l’État pose que celui-ci sert l’intérêt général à travers ses services publics, soit directement soit en les confiant à des opérateurs, par délégation (par exemple par la technique de concession). Le service public se définit généralement désormais d’une façon fonctionnelle, c'est-à-dire à travers des missions de services publics que l’organisme doit réaliser, tel que assurer des transports en commun ou soigner la population quelque soit la solvabilité des malades.

On s’est longtemps contenté d’une sorte de « séquence figée » : État – service public – entreprise publique  (par ex. l’école publique, la poste, la SNCF ou EDF). La libéralisation des secteurs, la référence première au marché comme moyen d’atteindre l’intérêt général, la référence première à la concurrence et le jeu du droit communautaire ont en convergence fait voler en éclat cette intimité.

Aujourd’hui dans un jeu éclaté, la régulation conserve ce souci des missions de services publics en équilibre avec la concurrence, mais ce souci est placé dans un contexte concurrentiel et sous le contrôle d’un régulateur. Le système est plus difficile car cet éclatement pose des difficultés nouvelles, telles l’asymétrie d’information et la difficulté des planifications à long terme

Elle correspond mieux à une économie ouverte sur un système globalisé.

18 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L’Europe est un projet politique.

Ce projet a été conçu à la sortie de la seconde guerre mondiale dans le but que n’advienne plus jamais de guerre entre les pays européens. Pour cela Jean Monnet eut l’idée de construire comme première marche un marché économique, la seconde marche devant être un gouvernement politique. Cette seconde étape reste encore aujourd’hui à établir, la Constitution européenne ayant échoué.

L’Europe est donc au milieu du gué puisque le droit communautaire a construit les 3 libertés de circulation et le droit de la concurrence, mais nous n’avons pas de politique économique ni de gouvernance des marchés. C’est ainsi qu’il n’existe pour aucun des secteurs régulés de régulateur européen, alors même que beaucoup affirment par exemple la nécessité d’un régulateur bancaire et financier européen. La crise financière que les États-Unis ont exporté en Europe a engendré le bénéfice secondaire de jeter les bases de l'Union bancaire et une coordination européennes des marchés financiers est en train de se mettre en place.

Mais historiquement, l’Europe a exercé sa puissance et son poids sur les États membres par son seul droit de la concurrence et le principe de libertés de circulation  et d'installation sans y associer ou y substituer une régulation européenne, ni que les États membres puissent y opposer efficacement leur système traditionnel de régulation centralisée, se traduisant par exemple par le mécanisme de tutelle étatique sur des entreprises monopolistiques publiques.

Plus encore, dans un mouvement perçu tout d'abord comme une grande agression mais plus conforme à la perspective de construction d'une "Europe de la Régulation", à travers les directives de libéralisation, tout d'abord concernant les télécommunications, puis l'électricité, puis le gaz,  dans l’énergie (v. n°36) ou les télécommunications, l’Europe a imposé aux États les lignes directrices des nouveaux systèmes de régulation, qui demeurent nationaux. C’est spontanément que les Régulateurs nationaux se sont dans chacun des secteurs mis en réseaux pour s’échanger des informations, pour accroître leur efficacité. Il demeure que tant que l’Europe ne parviendra pas à établir un gouvernement économique, parce qu’il n’existera pas une Europe politique, il sera difficile de soutenir qu’il existe une Europe de la régulation, dans la mesure où la régulation est un triangle entre l’économie, le droit et la politique, et que cette dernière pointe manque le plus souvent au niveau européen, par exemple dans les choix technologiques à opérer dans les secteurs.

Le mouvement a été historiquement très différemment en finance. Il n'est pas venu de l'Europe, mais des Etats-Unis et n'a pas pris une forme contraignante. Les pays, notamment la France, voulut obtenir la confiance d'investisseurs étrangers, ont décidé à la fin des années 1960, d'opter pour le modèles de régulateurs indépendants : la COB a été conçue sur le modèle américain de la SEC.

Ce n'est qu'en contrecoup de la crise financière, elle-même d'origine bancaire, que l'Europe est apparue dans ces secteurs. L'Europe est en devenir. Elle se présente en prenant pour socle la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette évolution peut produire un rééquilibre des institutions et des matières, la BCE venant en équilibre de la Commission Européenne, laquelle restant centrée sur le Droit de la concurrence.

Mais il y a "deux Europes". La première, décrite ci-desssus" est économique, ou d'économie politique. La seconde est l'Europe des droits de l'Homme, construite par l'effet de la même catastrophe constituée par la seconde guerre mondiale sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). Elles s'articulent étroitement, mais parfois avec difficulté, dans le Droit de la Régulation.

 

 

17 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Tout d'abord la responsabilité du fait du Régulateur. Parce que le Régulateur, bien qu’indépendant du gouvernement, appartient à l’État, lorsqu’il commet une faute dans l’exercice de ses fonctions, c’est la responsabilité de l’État qui est engagé. Selon les principes du droit public en la matière, la démonstration d’une faute lourde est requise. Certains ont pu voir une contradiction entre le fait que le gouvernement ne pouvait donner aucun ordre au régulateur et que néanmoins l’État et les finances publiques devaient répondre de ses actes. C’est pourquoi, des lois plus récentes ont conféré au nouveau régulateur, par exemple l’AMF, la personnalité morale, ce qui rend apte le Régulateur à être titulaire d’un patrimoine propre qui lui permet de répondre lui-même de ses fautes envers les tiers. Par ailleurs, selon une problématique semblable à celle développée à propos des juges, le régulateur est indépendant, et à ce titre doit demeurer non responsable politiquement de l’usage qu’il fait de ses pouvoirs. Il demeure qu’il doit « rendre des comptes ». Cette reddition des comptes (accountability), difficile à mettre en œuvre, s’exprime pour tous les régulateurs par un rapport annuel public remis au chef de l’État, au gouvernement et au Parlement. L’existence de recours contre ses décisions devant les juges est une sorte d’accountability. Enfin, certains régulateurs estiment que la collégialité de leur fonctionnement et que la motivation de leur décision est un mode essentiel pour eux de rendre des comptes.

Ensuite, la responsabilité des opérateurs. Elle a tout d'abord tendance à être "objective". Dans un système qui se fonde sur les finalités et l'effectivité de la concrétisation de celles-ci, les opérateurs seront "responsables" sans même avoir eu l'intention de mal faire (définition subjective de la faute, de l'imputation du dommage, de la responsabilité), parce qu'il y aura eu un "manquement", parce que l'opérateur était "en position" d'empêcher qu'une situation contrariant le but poursuivi par le système de régulation se constitue, ou était en position de faire en sorte qu'une situation cristallisant un but poursuivi par le système de régulation se matérialise et que celle-ci n'est pas advenue.

Cette responsabilité engendre des sanctions. Plus encore, elle migre de l'ex post vers l'ex ante, car allant vers un sens plus commun de ce qu'est une "responsabilité", c'est-à-dire un pouvoir pour mieux remplir un devoir, l'opérateur doit utiliser sa force d'une façon effective pour que les buts du système de régulation se concrétise grâce à lui, en alliance avec l'action du régulation : c'est la compliance.

16 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Tout agent qui a une activité économique sur un espace peut être qualifié d '"opérateur". Le Droit de la concurrence y voit la définition même de "l'entreprise".  En cela, le Droit de la concurrence "neutralise" tout ce que l'agent peut avoir de spécifique, par exemple le fait qu'il s'agisse de l’État lui-même, puisque sur un marché simplement concurrentiel, tout opérateur se vaut. Ainsi, un opérateur dominant n’est pas surveillé en tant que tel. De la même façon, la neutralité du capital fait qu’un opérateur public n’est pas soumis à un régime spécial.

En Droit de la Régulation, on cherche au contraire à qualifier les opérateurs pour déterminer leur fonction spécifique dans l’équilibre entre la concurrence et d’autres principes. Il en est ainsi de l’ « opérateur historique ».

L'opérateur historique est celui et présent au moment de la libéralisation du secteur. En cela par nature il est l’obstacle à la concrétisation de la concurrence dont le principe est posé par la loi de libéralisation et la concrétisation bute du fait même de la puissance de l'opérateur historique. 

C'est pourquoi une régulation  asymétrique est mise en œuvre par le Régulateur. Elle consistera à nuire à l'opérateur historique, d'une façon pourtant impartiale car il ne s'agit de rendre effective la concurrence dont l'épanouissement est la finalité de la libéralisation, en lui ôtant ses avantages dits de « grand-père » au bénéfice des nouveaux entrants.

L'expérience montre que de fait, les opérateurs historiques demeurent, notamment dans les industries de réseaux, plus puissants que les nouveaux entrants. Cela tient au fait que les opérateur historiques nationaux naguère monopolistiques reconstituent leur puissance en faisant des accords entre eux.

 

Le grand intérêt de ces trois qualifications est qu’elles ne sont pas juridiques mais économiques et permettent donc de réguler adéquatement, même si l’opérateur n’est pas expressément l’exploitant en titre du réseau, pour se saisir directement de sa place et de son rôle dans le secteur. 

15 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'expression de "nouvel entrant" désigne un opérateur extérieur au secteur ou au marché mais qui va ou qui vient d’y entrer. Sur un marché pleinement concurrentiel, cette entrée se fait pour lui sans difficulté, sans « coût de transaction », et il y est naturellement incité par son goût d’entreprendre ou parce qu’il a innové (tempérament schumpétérien), pouvant ainsi séduire les demandeurs en place, clients potentiels qui se détourneront alors de leur fournisseur habituel.

Mais, lorsqu’il y a libéralisation d’un secteur monopolistique, les opérateurs historiques sont suffisamment puissants pour établir des barrières à l’entrée, car ils détiennent notamment le savoir faire et la confiance des clients (« viscosité » du marché).

Dès lors il faut instituer des régulateurs transitoires, le plus souvent sous la forme d'Autorités administratives indépendantes ( AAI) pour construire la concurrence, laquelle ne peut advenir que par une régulation asymétrique prenant la forme notamment de faveurs systématiques au profit des nouveaux entrants. C’est ainsi que par exemple, le régulateur britannique des télécommunications obligea British Telecom à ouvrir gratuitement tout son réseau de télécommunications au nouvel entrant Mercury. 

Cet exercice asymétrique du pouvoir est néanmoins neutre puisqu’il s’applique mécaniquement au détriment des opérateurs historiques pour faire place aux nouveaux entrants, ne s'appliquant au bénéfice des nouveaux entrants que d'une façon aveugle, pour qu’une concurrence puisse naître. La Commission européenne veut qu’il en soit de même en matière pharmaceutique, les laboratoires de médicaments génériques étant assimilés à des nouveaux entrants par rapport aux médicaments de laboratoire princeps sur un même principe actif, mais c’est sans doute confondre processus de libéralisation et droit exclusif né d’un droit de propriété intellectuelle.

15 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les idées mènent le monde, y compris dans l’époque désenchantée où nous vivons, car le désenchantement est une idée wébérienne. Ainsi, la Régulation se présente trop souvent, comme le fait le marché, comme un état de nature, les deux étant corrélés puisque la régulation serait simplement la réponse à une défaillance du marché. En réalité la régulation obéit à une certaine conception de l’État, des biens communs, des bienfaits attribués à la concurrence, de l’équilibre à maintenir ou non entre la concurrence et d’autres principes, de l’équilibre entre les pouvoirs politiques etc. : autant d’idées philosophiques.

Si l’on doit rattacher la Régulation à une philosophie plus particulière, il s’agirait d’une philosophie d’économie libérale, qui pose que dans l’ordinaire, sur des biens ordinaires, l’offre et la demande produisent un résultat satisfaisant l’offreur et le demandeur, la vie économique ne résumant d’ailleurs pas la vie de l’homme. Mais la Régulation est une philosophie car, indépendamment des défaillances techniques de marché, qualifier ou non un bien « d’ordinaire » est une position philosophique. Ainsi, la formation des personnes ou le niveau de protection de la santé des individus et la prise en charge du groupe social et de la prise en charge de ce service, est une position politique que reflète la Régulation. C’est pourquoi la régulation ne peut pas être seulement enfermée dans la science économique, dont le droit ne serait que la traduction.

De la même façon, la régulation, parce qu’elle est la réponse mécanique aux défaillances de marché ne peut pas être le bras séculier d’une volonté politique, car la théorie économique doit faire valoir sa voix. Philosophiquement, la Régulation est donc une figure complexe, un triangle dont les pointes sont le droit, l’économie et le politique, dont aucune ne peut prétendre avoir entièrement prise sur les autres.

 

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La Régulation est une mise en équilibre entre le principe de concurrence et un autre principe. Cet autre principe est un principe technique, par exemple la prévention des risques systémiques ou la gestion des monopoles économiquement naturels. Le système de régulation peut alors rester "neutre". En effet, on peut définir la neutralité comme l’absence de choix opéré par quelques uns pour le futur du groupe. Mais la Régulation peut consister aussi à mettre en balance le principe de concurrence et un principe non plus économique ou technique mais politique, comme l’accèss de tous à un bien commun, tel que la santé ou la culture. Dans un tel cas, la régulation cesse d’être neutre puisqu’il y a eu choix collectif posant politiquement que la santé, l’éducation ou la culture sont des biens supérieurs.

Cela a des implications directes sur l’existence même du Régulateur. En effet, les régulateurs se présentent souvent comme des organismes techniques, neutres, n’ayant pas besoin de légitimé politique, puisqu’ils ne font pas de choix pour le groupe social. Cela n’est vrai que dans les premières hypothèses mais non dans la seconde, où seul l’État démocratique est légitime à les opérer, ce qui explique le retour de l’État sur de nombreuses questions de secteur régulé, par exemple quant au préférence de mode de production énergétique, de l’énergie renouvelable jusqu’à l’énergie nucléaire, impliquant le retour à un ministère de l’énergie, aussi bien que le basculement de la régulation financière vers un pouvoir toujours plus grand donné aux banques centrales.

L’actualité porte aujourd’hui sur l’importance grandissante de ce qui devrait être le principe de la « neutralité du net ». La question est la suivante :  Internet , en ce qu'il a donné naissance au numérique, suppose-t-il que tout internaute puisse accéder indifféremment à tout site, ou bien les opérateurs de contenu et les fournisseurs d’accès peuvent-ils privilégier certains sites en conduisant prioritairement les internautes vers ceux-ci, soit pour gérer les congestions (justification technique neutre), soit parce qu’ils auront été payés contractuellement par ce site (justification non neutre) ?

La question demeure débattue entre le droit fondamental d’accès des internautes, la nécessité technique de gérer les congestions, la non-obligation d’investir encore pour accroître la bande passante, et la liberté d’entreprendre des opérateurs.

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La tarification résulte d’un acte de volonté par lequel un organisme fixe un montant ou une méthode de calcul pour obtenir un montant qu’il affecte à un bien ou à un service. La tarification s’oppose en cela au prix, lequel résulte quant à lui d'une façon spontanée du mécanisme du marché et de la concurrence qui gouverne celui-ci.

La tarification est un outil ex ante privilégié de la régulation. Si la régulation a pour fin de construire la concurrence, la maturation concurrentielle conduira à quitter les « prix réglementés » c'est-à-dire la tarification pour aller vers « prix libres », c'est-à-dire des prix de marché.

L’expérience en matière électrique a montré que parfois, il convenait politiquement de permettre à ceux qui avaient choisi les aléas des mouvements des prix de marché de revenir sous l’abri des tarifications.

Les méthodes de tarifications sont multiples, la France préférant la tarification au regard des coûts.

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le monopole désigne le pouvoir d’une personne de retirer d’un bien son utilité en excluant les autres. Le monopole désigne une situation sur le marché, le monopoleur étant l’opérateur unique sur le marché. Les juristes sont habitués au monopole conféré par la loi, par exemple celui qui fut le monopole pour EDF pour l’électricité. Dans ce cas, ce qui est fait peut être défait, et le législateur peut retirer ce privilège surtout si il est mieux placé dans la hiérarchie des normes que le législateur précédent. C’est ainsi que le législateur communautaire a retiré par des directives les monopoles légaux à la plupart des opérateurs qui en étaient titulaires dans les secteurs régulés, pour libéraliser ceux-ci. 

Mais le monopole peut avoir une source économique. En effet, il peut arriver qu’un premier opérateur construise une structure, par exemple un réseau de transport filaire de télécommunications. Parce qu’il est seul, les agents sur le marché devant recourir à lui pour transporter leurs communications, son activité sera rentable. Mais à partir de là, si un second opérateur construisait une telle infrastructure, celle-ci serait inévitablement déficitaire pour insuffisance de demandeurs. C'est pourquoi aucun agent économique rationnel ne construira de second réseau.  Ainsi, ce réseau demeurera unique. Il s’agit alors d’un monopole économiquement acquis que la volonté législative ne peut faire changer de nature. C’est pourquoi il est qualifié de « naturel ».

Puisque ce qui est ne peut être changé, le droit communautaire a pris acte de cette nature monopolistique de la majorité des réseaux et de la puissance corrélée de leur propriétaire ou de leur gestionnaire, mais a prévu corrélativement leur surveillance par un régulateur qui non seulement via l'ex post régler d’éventuels différents entre le gestionnaire de l’infrastructure, facilité essentielle naturelle, et celui qui veut y avoir accès, mais encore, par un pouvoir ex ante, négocier avec ce gestionnaire le rendement de son capital, ses engagement d’investissements dans le réseau etc.

Ces monopoles économiquement naturels sont donc plus puissants que les monopoles légaux, ce que les États et les juristes ont mis beaucoup de temps à comprendre, mais ce qui explique aussi la tendance inverse devenue fâcheuse des économistes à écrire les lois, dès l’instant que les textes doivent manier ce type de notions, ses rédacteurs se souciant peu et de l’ordre politique et des notions juridiques.

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Classiquement, le Peuple est souverain et par le jeu de la représentation le Parlement exprime sa volonté, tandis qu’un schéma plus Hégélien confère à l’État, être supérieur, le pouvoir d’exprimer par les mêmes canaux, essentiellement la Loi, sa volonté générale.

L’État impose donc sa volonté sans plus de justification que l'existence même de sa légitimité en amont, puisque c’est le Peuple qui lui a conféré ses pouvoirs : l’État est souverain et ne rend pas de comptes.

C'est pourquoi la Régulation est philosophiquement une "théorie du soupçon", qui refuse d'accorder pertinence à ces présupposés politiques et voit plutôt dans la situation de pouvoirs un agencement d’administrations et de personnes particulières qui défendent leurs intérêts particuliers, à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

C’est pourquoi l’Europe en libéralisant les secteurs régulés, ceux-là même où l’État revendiquait fortement sa souveraineté, par exemple par la planification nucléaire, en exigeant des autorités de régulation attaquant de l’intérieur des opérateurs historiques par une régulation asymétrique, a détruit l’idéologie des États souverains, les réduisant à l’ordinaire.

Cette question demeure ouverte.

14 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le régulateur, qui prend généralement en France la forme d’une Autorité administrative indépendante (AAI), est la personne ou l’organe qui surveille et contrôle le secteur pour y maintenir l’équilibre entre le principe de concurrence et un autre principe. Par exemple, le régulateur des télécommunications veillera à l’attribution des licences pour la téléphonie mobile ; le régulateur de l’énergie surveillera les conditions d’accès des concurrents au réseau de transport d’électricité géré par la filiale d’EDF ; le régulateur financier contrôlera la fiabilité de l’information financière qu’il rendra disponible aux investisseurs.

Le régulateur doit soit construire la concurrence pour concrétiser la libéralisation d’un secteur, soit préserver un secteur des risques systémiques qui le menace. Pour cela il doit disposer de pouvoirs très puissants aussi bien en ex ante qu’en ex post . Ainsi, le plus souvent, il dispose ex ante d’un pouvoir normatif, par exemple à travers le règlement général de l’Autorité des Marché Financiers (AMF). Ex post, il dispose d’un pouvoir de sanction et de règlement des différents.

On constate que la diversité des objectifs, leur hétérogénéité, voire leur contradiction, rend difficile la satisfaction de tous où à tout le moins offre au régulateur une grande marge de pouvoir discrétionnaire puisqu’il peut assez aisément justifier l’usage de ses pouvoirs en visant un objectif ou bien un autre. La question théorique et pratique de la « discrétion du régulateur » est un problème politique majeur, notamment pour ceux qui prétendent que le régulateur n’aurait vocation qu’à être expert et ne pas exercer de pouvoir politique, c’est-à-dire ne pas faire de choix discrétionnaire pour le groupe social. L’ensemble de ces pouvoirs sont néanmoins exercés dans le respect des garanties fondamentales de procédure, les intéressés pouvant attaquer les actes devant les juridictions.

Enfin, selon le modèle d’Hannah Arendt, au-delà du droit, le Régulateur doit avant tout avoir de l’ « autorité » (gravitas), c'est-à-dire suffisamment impressionner et le secteur et le gouvernement pour être respecté et ses prescriptions considérées. Pour cela, il doit avoir les informations, appartenir aux mêmes cercles privés de ses interlocuteurs et largement communiquer avec ses homologues étrangers. En cela, le Régulateur apparaît parfois  comme une sorte de ministre, qui tiendrait son pouvoir du secteur lui-même, mais devant toujours rester neutre. L’enjeu de son indépendance et de son absence de capture est d’autant plus crucial.

13 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le marché est le lieu, physique ou virtuel, où se rencontrent l’offre et la demande, ce qui permet l’émergence de prix exact. Pour cela, il est gouverné par le principe de la libre concurrence. Le marché est donc l’alpha et l’oméga du droit de la concurrence, puisque l’autorité de concurrence doit, pour notamment sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, déterminer le marché pertinent et a pour fonction de réparer le dommage fait au marché.

La régulation ne fait pas la même place au marché sauf lorsque l'appareil régulatoire est temporaire et qu’elle a pour finalité de construire un marché concurrentiel. Sa référence est d’avantage celle d’un secteur, espace plus vaste que celui du marché. Cependant, la finesse des techniques de régulation et la proximité du droit de la concurrence et du droit de la régulation ont conduit dans sa maturité la régulation des télécommunications à distinguer ex ante une série de marchés.

De la même façon en finance on distingue les marchés règlementés et ceux organisés de gré à gré qui ne sont pas soumis aux même règles. Il demeure que la régulation a tendance a englober les différents marchés, différents horizontalement ou verticalement (marché en amont et marché en aval) dans une même perspective,  et dans des règles corrélées pour s’assurer de l’équilibre général du secteur puisque précisément, il n’existe pas cette loi économique de la concurrence qui ferait naître spontanément un tel équilibre.

On discute beaucoup de savoir si le marché est un fait, une construction historique et géographique située, voire une idée politique ou une idéologie se prétendant première. La "régulation" se colore alors en contrepoint : ainsi, la "régulation de la globalisation" renvoie à l'idée politique de lutte contre le "tout-marché".

13 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les décisions juridictionnelles sont désormais très importantes dans les systèmes de régulation, par exemple l’arrêt Oury de 1999, rendu par la Cour de Cassation présidée par le Premier Président Guy Canivet. Il faut désormais compter avec le juge, avec les procès, avec les avocats. Cette juridicisation de la régulation a entraîné une juridictionnalisation de celle-ci, c'est-à-dire un comportement propre au juge qui s’est propagé à l’ensemble du système.

En effet, non seulement les procès en eux-mêmes sont devenus des éléments essentiels dans les stratégies des opérateurs et leurs anticipations schématisées par la théorie des jeux, mais encore les Autorités de régulation, alors même qu’il ne s’agit que d’autorités administratives, se comportent désormais comme des tribunaux.

Cette juridictionnalisation des régulateurs, notamment la nécessité pour eux de respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire, a été obtenue par la force et la puissance de l’Europe et les condamnations multiples par le juge du recours en cas de violation par le régulateur des garanties fondamentales de procédure, car on est passé d’une culture unilatérale d’administration centrale à une culture procédurale de dialogues contradictoires entre des parties et leur juge.

Cette juridictionnalisation, qui nous rapproche d’un système de common law, a son prix: le ralentissement des prises de décisions par le régulateur, alors même que la régulation se fait parfois dans l’urgence. C’est pourquoi notamment les banques centrales ou le FMI, qui ne participent pas à ce phénomène de juridictionnalisation, sont aujourd’hui dans les schémas imaginés privilégiés par rapport aux régulateurs financiers, parfois embourbés dans la procédure.

13 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La mondialisation se distingue de la globalisation en ce que la mondialisation désigne l’accélération des échanges économiques. En cela, le phénomène n’est pas nouveau, il a pris simplement une nouvelle ampleur. Le libre échange mondial suppose que les frontières ne puissent être opposées à la circulation des marchandises et l’OMC a été mise en place à cette fin, les accords de Marrakech de 1994 conférant à cette organisation un très grand pouvoir, puisque deux États en conflit voient leur différent tranché par un organe de règlement des différents, dont le rapport est endossé par l’OMC elle-même. L’État dont les entreprises ont été victime d’une barrière tarifaire ou non tarifaire illégitime, peut infliger lui-même par une sorte de justice privée, des mesures de rétorsions à l’État coupable.

C’est la loi du marché à l’échelle mondiale, même si ce système ne comprend pas de droit de la concurrence proprement dit. Mais il n’y existe pas non plus de régulation, c'est-à-dire que pour l’instant, le principe de libre ajustement de l’offre même étrangère et de la demande des consommateurs nationaux n’est pas mise en équilibre avec d’autres principes, comme le service public, la prévention des risques, la préservation des biens communs etc. On attend donc toujours, non seulement au sens politique mais encore au sens technique, la mise en place d’une régulation de la mondialisation. Cela est particulièrement demandé en régulation environnementale, l'esquisse d'une organisation mondiale de l’environnement n'ayant pas prospéré.

13 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

 

Dans les systèmes de Common law, les juges sont puissants, respectés et créent le Droit. Dans les pays de Civil law, auxquels appartient la France, les juges sont, depuis la Révolution Française, des agents neutres d’application de la Loi. La France est un pays légicentré.

Mais, les décisions des autorités de régulation peuvent être contestées non seulement devant le juge administratif, dont on dit souvent qu’il est proche de l’administration (théorie du juge-administrateur) mais encore et le plus souvent, devant le juge judiciaire, voire devant la CEDH ou la CJUE, sans compter le Conseil Constitutionnel, notamment à travers des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). 

Ainsi, le juge devient un personnage central des systèmes de régulation, ce dont ni le gouvernement ni l’administration, ni les entreprises, ni les économistes n’avaient jusqu’ici l’habitude. 

7 janvier 2016

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) pose que toute personne a droit à un tribunal impartial.

Dans la mesure où le régulateur est en France le plus souvent une Autorité administration indépendante (AAI ) et que celle ci est assimilée à un tribunal, le régulateur est astreint à respecter à la CEDH. Cela participe de juridictionnalisation de la régulation.

Ainsi, lorsqu’il y a procédure de sanction ou règlement des différents c’est un véritable procès qui s’instaure, et les entreprises, aidées de leurs avocats, doivent bénéficier de l’accès au dossier, du principe du contradictoire, des droits de la défense, du droit de participer  au débat à l’audience. Dans ces garanties fondamentales de procédure figurent également l’obligation pour le régulateur de motiver ses décisions, ce qui facilite le contrôle qu’exerce sur lui les juridictions de recours, et de créer par accumulation des décisions une sorte de jurisprudence des régulateurs eux-mêmes.

Ainsi, les droits de l’homme par la procédure ont pénétré dans les Autorités de régulation. Cela renvoie à un des enjeux qui se met en place, à savoir l’équilibre qui doit s’établir entre les lois du marché et les prérogatives non économiques des individus.