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4 février 2018

Translated Summaries : Isolated Articles

La Régulation passe par du vocabulaire, des mots, et l'Union européenne a pour langues officielles le Français et l'Anglais. Mais la pratique conduit à rédiger les documents dit "préparatoires", comme les rapports dans la seule langue anglaise, seuls les communiqués de presse étant encore traduits. Dans la mesure où ces rapports sont le creuset de la conception même des systèmes, l'usage du seul anglais conduit au développement d'une pensée britannique et de la Common Law, puisque c'est bien d'une transformation du Droit de la Régulation qu'il s'agit.

Ainsi en est-il du rapport publié le 31 janvier 2018 par la Commission européenne, issu des travaux du "groupe de haut-niveau" formulant des propositions pour une "finance soutenable", ou pour l'exprimer selon le document d'origine, puisqu''ici parler en langue française c'est déjà traduire :

Ainsi, ce rapport dont les conclusions reprennent les celles du rapport

18 janvier 2018

Événements : JoRC

Le précédent cycle de conférences a porté sur Régulation, Supervision, Compliance, et débouche sur un ouvrage, publié en 2017 dans la Série Régulations des Éditions Dalloz. Dans cet ouvrage, il s’agissait dans une approche notionnelle de montrer comment la Compliance, mécanisme venu des États-Unis, consiste à internaliser dans certaines entreprises des obligations mises à la charge de celles-ci.

En 2018, le cycle de conférences débouchera également sur un ouvrage. Il adopte une  approche plus dynamique : il s’agit de construire l’Europe de la Compliance.  Les conférences composant le cycle ont pour objet commun de réfléchir à la façon dont l’Europe non seulement reçoit ce corpus américain mais encore reconstruit un tel dispositif. Conférences et débats vont permettre de l’étudier pour l’avenir, non seulement dans les différents pays qui composent l’Europe mais encore dans le projet européen lui-même.

Il s’agit donc d’un sujet scientifique et technique, mais aussi d’un projet politique, intégré dans la perspective de la construction européenne, non seulement économique (dans son articulation avec l’Union bancaire et l’Union des marchés de capitaux) mais encore, voire surtout, intégrant des buts qui dépassent cette circulation et convergence d’intérêts pour se soucier de buts comme la préservation de l’environnement ou le souci des personnes. C’est une affaire d’État. En cela, le Droit de la Compliance, tel que développé par les États-Unis est certes un modèle mais peut être dépassé par une ambition plus haute, que l’Europe peut porter et qui peut porter l’Europe.

L’étude de ce thème Pour une Europe de la Compliance prend tout d’abord la forme d’un cycle de conférences qui se déroule en 8 sessions. Chaque session dure 2 heures, dans un débat public entre une personnalité qui participe à la construction d’une telle « Europe de la Compliance », un modérateur (qui est un professeur), un « premier discutant » (qui vient plutôt d’un autre pays européen que la France), l’auditoire participant activement à ce débat.

Parallèlement, les contributions à un ouvrage sont élaborées en s’appuyant sur les contributions à ces manifestations publiques et en les complétant. L’ouvrage sera publié dans la série Régulations aux Éditions Dalloz (dans laquelle sont déjà parus des ouvrages sur la Compliance).

Le cycle s'appuie sur des sessions mensuelles, situées en fin de journée (entre 18h et 20h).

Il est organisé sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit économique à Sciences Po, directeur du Journal of Regulation and Compliance (JoRC) . Il est organisé par le Journal of Regulation and Compliance (JoRC)  avec l’École d’Affaires Publiques de Sciences po (Paris), le Département d’Économie de Sciences po ,   l’École de Droit de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), l’École doctorale de Droit privé de l'Université Panthéon-Assas (Paris II) et les Éditions Dalloz.

Consulter la liste actualisée des intervenants.

Consulter les informations relatives aux conférences de mars, avril, mai, septembre, octobre et décembre 2018.

Consulter une présentation globale de l'ensemble des conférences.

Lire les conditions d'inscription, et les conditions d'accès à chaque session (attention, les sessions se déroulent dans des lieux différents, soit à Sciences-Po, soit à Paris I, soit à Paris II).

Lire l'ensemble des comptes-rendus des conférences du cycle " Pour une Europe de la Compliance " :

20 décembre 2017

Parutions : I. Articles Isolés

Les opérateurs cherchent à n'être pas tenus par les règles de Droit. Pour cela, ils utilisent le plus efficace des moyens : le Droit lui-même.

Ainsi, Uber dont chacun sait qu'il fait fortune en permettant à des usagers de monter dans des voitures pour aller d'un point à un autre explique qu'il est une entreprise de "plateforme", constitutive d'un "marché biface", qu'il n'a jamais vu une voiture, qu'il ne connait aucun chauffeur et qu'il se meut dans ce monde nouveau qu'est le monde numérique.

Cette façon, si habile, qui consiste à prendre les auteurs de la règle et ceux qui l'interprètent pour plus niais encore qu'ils ne sont, est maniée devant si longtemps. Elle consiste à utiliser le Droit dans sa puissance formelle à prendre distance par rapport à la réalité factuelle, et de se prévaloir ensuite de cette distance-là, de la puissance juridique pure pour n'être en rien tenu par le réel.

Le Droit tient effectivement son existence même dans sa distance entre le réel. Le meilleur exemple est celui de la "personne morale", sujet de droit titulaire de prérogatives juridiques et d'obligations, existant par la seule volonté et la prévision qu'en a eu le système juridique.

Mais le Droit de la Régulation est par nature d'une part un Droit qui part des choses, un droit concret, un "Droit des choses concrètes" (un droit du téléphone, un droit du chemin de fer, de l'électricité, etc.), qui reconcrétise un mot que le Droit de la concurrence avait contribué a neutralisé puisque tous les objets s'échangeant, leurs substances devenait indifférentes, le numérique accroissant l'indifférence de la substance comme le montre ces plateformes que le Droit a tant de mal à saisir.

Ainsi, à travers UBER, le Droit de la Régulation voit simplement un service de transport.

De la même façon, à travers une personne morale, le Droit de la Régulation voit simplement les personnes qui sont derrière la structure juridique et qui en bénéfice.

 

Or, et d'autre part , le Droit de la Régulation est par nature est un droit qui est fait pour contrôler les pouvoirs.

En cela, les techniques juridiques peuvent être utilisées par les opérateurs autant qu'elles le veulent, parce que la Régulation est une technique qui s'insère dans un système libéral, aussi bien politiquement qu'économiquement, mais elles ne peuvent pas être utilisées pour permettre à des opérateurs pour se soustraire au contrôle du Régulateur.

C'est pourquoi lorsqu'un cas est soumis au Régulateur, comme cela fût le cas pour UBER, le Régulateur des transports de la ville de Londres a le 22 septembre 2017 appliqué à cette entreprise la totalité des exigences associées à l'activité de transport, estimant que les manquements reprochés aux chauffeurs lui étaient imputables, UBER ne pouvant pas couper le lien d'imputation sous prétexte qu'elle ne relevait que du numérique, lien d'imputation qui justifia le non-renouvellement de la licence.

De la même façon, la Cour de Justice de l'Union Européenne, par son arrêt du 20 décembre 2017, vient de procéder au même exigence de qualification, qui est des simples : UBER a une activité de transport, ce qui justifie les exigences et les contrôles attachées à cette activité, à la fois essentielle économiquement et socialement et dangereuse pour les personnes transportées.

Il ne s'agit pas même d'une "démonstration", mais d'une "monstration" : le Droit de la Régulation, parce qu'il est concret et veut effectivement contrôler, "regarde" la réalité des choses, et ce que chacun voit, il veut le voir aussi.

Ce qui arrive dans la Régulation des transports, et ce que ne peut masquer la paradoxale opacité de l'immatérialité du numérique, on la retrouve dans le Droit des sociétés que la Régulation bancaire et financière est en train de transformer.

En effet, La loi du 9 décembre 2016, dite "Sapin II" contribue à mettre fin à l'idée même de personne morale en tant qu'elle recouvra d'une voile d'opacité des personnes intéressées à la constitution d'une personne morale. En instituant un "Registre des bénéficiaires effectifs" des sociétés qui seront créées (en dehors des sociétés cotées), l'idée est de savoir qui contrôle la société, laquelle n'est plus définie comme une "personne" mais comme un "instrument".

Ce registre qui a donc pour objet de montrer qui a le pouvoir de décider dans l'instrument sociétaire et qui est le véritable "bénéficiaire" de sa création, est établi pour le bénéfice des autorités de contrôle, notamment celles qui luttent contre le blanchiment d'argent, mais aussi toute partie prenante autorisée par un juge.

Cette modification du Droit achève la dilution du Droit des sociétés dans le Droit de la Régulation relève du même mouvement : le Droit est l'instrument de révélation de la réalité des puissances d'une part et le moyen de les contrôler d'autre part, sans pour autant que soit remis en cause le principe du libéralisme.

11 septembre 2017

Sur le vif

La nature de la monnaie virtuelle demeure incertaine. En tout cas, l'objet est très attractif, notamment parce que sa nature, présentée comme "nouvelle", implique que son maniement ne soit pas régulé.

Cela permet notamment à des individus ou à des jeunes entreprises d'émettre des "jetons" pour les offrir en échange de fonds (initial coin offerings - ICOs), jetons acquis par des investisseurs, sans être des établissements bancaires, ni recourir à  un emprunt, ni émettre des titres de capital.

Les opérateurs demandent à ce que ce comportement soit reconnu dans sa nouveauté et soit reconnu dès lors comme n'étant régi que le contrat et les principes généraux de la loyauté, de l'engagement et de l'information, car ce qui n'est pas interdit est permis tandis que ce qui n'est pas régulé est librement organisé par les parties qui y consentent.

Le Régulateur bancaire de la Chine, vient d'en décider autrement. Il a décidé que les levées de fond par les individus ou les entreprises par le moyen de monnaie virtuelle serait désormais interdit.

La question est de savoir si d'autres Autorités de Régulation pourraient faire pareil.

Lire ci-dessous.

6 septembre 2017

Sur le vif

La régulation du numérique, on s'accorde sur sa nécessité, on en parle beaucoup mais on peine à la faire.

Les enjeux sont multiples : gestion de l'innovation, protection des personnes, traitement des puissances, avenir de l'être humain, le Politique et le Juge étant comme une balle qui ricoche entre ces 4 sujets.

L'on redécouvre alors que les premiers "régulateurs" sont les Gouvernements et que la première modalité du Droit de la Régulation est la fiscalité.

Notamment en matière de numérique et plus encore face au GAFA.

 

En effet, les 4 entreprises américaines, Google, Apple, Facebook et Amazon, admettent la nécessité de règles mais proposent une autorégulation ou une co-régulation. Celles-ci porteraient non seulement sur leurs propres comportements, mais encore sur ceux des autres, notamment la lutte contre le terrorisme. Quand on est plus fort que les États, il conviendrait de se substituer à leur cœur de métier.

N'entendant sans doute être dépossédés du régalien, l'Europe demande aujourd'hui des "comptes" aux GAFA au sens littéral du terme. En effet, les gouvernements français et allemands vont déposer en septembre une proposition de taxation spécifique aux GAFA, dont le fruit reviendra aux pays où ils tirent leurs revenus.

Les entreprises intéressées répondent que dans le système fiscal réside le droit d'être habile et de s'organiser au mieux, tant qu'on ne tombe pas dans l'abus. Conformément au Droit, le Conseil d’État vient de le rappeler à leur profit.

Le ministre français de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, a justifié en août 2017 la réitération de sa volonté, en élevant au niveau européen au nom de la "justice distributive", le Droit étant défini comme ce qui donne à chacun la part qui lui revient. C'est un argument fort, mais dangereux, car s'il est vrai que dans la fonction même de la fiscalité, corrélée aux finances publiques, la fonction redistributive est essentielle, l'optimisation fiscale devient chancelante.

D'une façon plus convaincante et propre à la Régulation, cette mesure d'équité est présentée comme corrélée à la construction du marché numérique européen. Dans la mesure où la fiscalité européenne est encore embryonnaire, son lien avec une telle construction permettrait de voir in vivo la force de l'outil fiscal dans un Droit de la Régulation, plus que jamais distant du Droit de la concurrence.

C'est en cela, et parce que le Marché européen numérique doit être construit au forceps, les GAFA devant en bénéficier mais aussi participer à sa construction, qu'un tel partage de l'investissement se justifie.

4 septembre 2017

Sur le vif

Internet a permis de créer un espace de liberté, voire un espace libertaire.

Le flot de propos qui s'y déverse est parfois haineux. Tant pis. Cela serait le prix de la liberté : cela correspond à la fois au projet de ceux qui ont conçu Internet, lieux d'expression et de création, même du pire, et à la culture politique et juridique des États-Unis, système dans lequel la liberté d'expression a valeur constitutionnelle.

Cela permet notamment que prospèrent des idées diffusant une pensée dite "néo-nazie", comme le fait depuis des années le site  Stormfront.

Le 25 août 2017,  la société privée, Network Solutions  qui héberge le site et lui fournit le nom de domaine a mis fin à l'hébergement et supprimé le nom de domaine.

L'hébergeur a également interdit au web master de reconstruire le site ou de le transférer d'une quelconque façon.

Cette affaire donne lieu à une débat sur la montée des extrémistes aux États-Unis d'une part et la limite de la liberté d'expression d'autre part.

Ce qui est ici à relever est le pouvoir d'un hébergeur en la matière.

A première vue, une entreprise privée n'a pas à faire la police, encore moins la morale, et à retirer l'usage d'un nom de domaine, c'est-à-dire à "tuer" un site. Mais il faut sans doute tenir compte du fait que trois ans s'étaient passés et que ce site, base de manifestations prochaines de KKK, prospérait.

Le manager qui prit la décision a trouvé nécessaire de s'en justifier, comme l'aurait fait une Autorité de Régulation, motivant une décision de sanction, et ce alors même qu'il peut se prévaloir des conditions générales d'usage qu'acceptent les entités qui créent et font fonctionner les sites.

Lire la suite ci-dessous :

15 juin 2017

Événements : JoRC

Organisé par le Journal of Regulation (JoR)  avec l’École d’Affaires Publiques et le Département d’Économie de Sciences Po (Paris) sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit économique à Sciences Po, directeur du Journal of Regulation (JoR)

Les sessions se dérouleront au Conseil économique, social et environnemental (CESE)!footnote-77.
Chaque session, présentée et modérée par un professeur, comprend de 2 à 4 intervenants et fait place à un débat avec l'assistance.

Elle se déroule entre 17h et 19h.

Consulter la liste des intervenants.

Lire les conditions d'inscription, et les conditions d'accès à chaque session, impératives pour des raisons de sécurité.

Les conférences ont lieu pendant 7 semaines d'affilée, du 5 octobre au 30 novembre 2016.

Le nombre de places disponibles pour l'auditoire est limité.

Lire la problématique commune à toutes les sessions du cycle de conférences.

Parallèlement, les contributions à un ouvrage sont élaborées, s’appuyant sur les contributions à ces manifestations publiques et les complétant. L’ouvrage sera publié dans la Série Régulations aux Éditions Dalloz

C'est dans cette Série qu'a été publié en 2016 l’ouvrage Internet, espace d’interrégulation. Actuellement en rupture de stock, cet ouvrage sera de nouveau disponible en octobre 2016.

Commandez dès à présent l'ouvrage Régulation, Supervision, Compliance

Accéder ci-dessous à la description détaillée de chacune des sessions.

19 janvier 2017

Thesaurus

2 janvier 2017

Sur le vif

16 novembre 2016

Événements : JoRC

Cette session du Cycle de conférence Régulation, Supervision, Compliance se déroule de 17h à 19h à Sciences Po (13, rue de l'Université 75007 Paris), Amphi Claude Erignac.

Il est impératif d'arriver en avance pour le contrôle des pièces d'identité et des sacs.

 

Lire d'une façon plus générale les conditions d'inscription, et les conditions d'accès, impératives pour des raisons de sécurité.

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Lire la problématique commune à toutes les sessions du cycle de conférences.

 

Présentation de cette session, présentation rédigée par l'équipe du Journal of Regulation  (cette présentation n'engage pas les intervenants et ne préjuge pas de leurs propos ; elle n'exprime en rien leurs opinions) : la compliance a pu apparaître comme l'expression ramassée d'une idée très générale, à savoir l'obligation de se conformer aux règles en vigueur, ce qui est la définition classique du Droit. Mais il s'avère que la compliance renvoie aujourd'hui à des procédés précis et frappants par lesquels des opérateurs agissants dans des opérations transnationales doivent donner à voir qu'ils agissent effectivement pour que des réglementations spécifiques sont respectés par tous, en matière d'embargos ou d'interdiction de corruption, ou de financement d'activités criminelles ou terroristes. La compliance se resserre alors dans son objet et sur ceux qui y sont assujettis. Dans le même temps, elle s'étend, et de deux façons. En premier lieu,  la territorialité est une condition qui semble disparaître, l'obligation de compliance forgée dans un pays semble pouvoir s'appliquer à des opérateurs du monde entier, ce qui excède les limites du Droit, construit sur la notion de frontières. En second lieu, la distinction entre l'ordre donnée par la puissance publique (ne pas corrompre), voire par la morale (ne pas faciliter le mal) et le comportement privé (répondre en ex post de la méconnaissance de cet ordre) semble disparaître : dans la compliance, c'est l'assujetti qui prend en charge l'effectivité de la règle dont la finalité lui est pourtant extérieur. Ainsi, nul mécanisme juridique ne semble avoir atteint l'efficacité de la compliance qui, au sein du Droit, semble se retourner contre celui-ci telle le scorpion en détruisant ce qui était son socle, au nom de la pure et simple efficacité. Si la compliance n'est plus que l'effectivité des fins poursuivis par les systèmes vertueux, notamment bancaires et financiers, il faudrait alors la qualifier de "bras armé". Est-ce la bonne qualification ?

 

Cette session sera modérée par Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit à Science Po, directeur du Journal of Regulation (JoR)

 

Y interviendront :

 

  • Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF)

 

  • Gilles Briatta, secrétaire général et responsable de la compliance Groupe de Société Générale

 

 

3 novembre 2016

Sur le vif

La situation d'I-Télé est juridiquement préoccupante.

Nous en avions fait l'analyse juridique au regard de la notion de conflit d'intérêts et de la compétence du CSA, le 24 octobre 2016.

Or le 3 novembre 2016, le CSA publie un "communiqué de presse".

Ce "communiqué" est daté du "20 octobre" mais n'est public que 15 jours après.

En voilà le contenu :

"Communiqué du jeudi 20 octobre 2016

À sa demande, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a reçu les responsables du Groupe Canal+.

Il a manifesté sa vive préoccupation quant à la pérennité de la chaîne I-Télé, pour le développement de l’information en continu.

Le CSA a insisté sur la disproportion entre les enjeux liés à l’avenir de cette chaîne qui suppose un engagement au service d’un projet collectif clair et ceux propres à la situation individuelle d’une personnalité des médias.".

 

Voilà une manifestation de la puissance du droit que l'on dit "souple".

Un cas d'école qu'il convient d'analyser. Car à travers ce cas, l'on perçoit une façon de faire qui tentent tous les régulateurs, à savoir raconter une histoire selon son point de vue et au moment où le juge opportun (I), ce qui produit un grand effet, en passant sous les radars du droit que l'on dit "dur" (II). Mais l'efficacité de ce que l'on pourrait désigner comme un "Droit de fait" a des limites, dont le juge est le gardien.

Lire ci-dessous l'analyse développée :

24 octobre 2016

Sur le vif

Le Droit de la Régulation avait posé la prohibition du cumul de la fonction d'opérateur et de la fonction de régulateur comme étant "constitutive". Certains y ont même vu comme une règle "constitutionnelle" du Droit de la Régulation.

 

Puis l'on a estimé qu'il ne s'agit que d'un cas particulier d'un principe plus général et plus fondamental encore : la prohibition des conflits d'intérêts, impliquant d’une façon très générale que celui auquel a été confié une puissance afin qu’il l’exerce pour un intérêt autre que le sien ne soit pas en charge d’une façon cumulé d’un second intérêt divergent.

 

C'est ainsi que le Droit de la Régulation a rencontré la "gouvernance", le droit public de la séparation des pouvoirs convergeant vers le droit privé structurant les organisations privées, comme les sociétés!footnote-666 .

 

Dans la mesure où la prévention des conflits d’intérêts est destinée non pas tant à prévenir les abus, ce qui n’aurait impliqué que des obligations comportementales portant sur les personnes, mais à engendrer de la confiance de la part des tiers qui observent le fonctionnement ordinaires des systèmes dans lesquelles agissent des individus ordinaires, le Droit de la Régulation a impliqué que l’Autorité de Régulation contrôle que l’entité distingue structurellement les pouvoirs et les intérêts servis.

 

Et voilà que l’actualité, à travers le cas I-Télé, lui-même activé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Morandini » vient mettre en lumière l’ensemble des règles. Le cas est particulièrement problématique.

Et chacun en appelle au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

 

Lire ci-dessous l’analyse juridique au regard du Droit de la Régulation.

 

3 septembre 2016

Sur le vif

Le Comité de Bâle sur la supervision bancaire publie régulièrement un rapport sur l'état d'adoption du système prudentiel des normes Bâle III.

C'est le 7ième rapport du genre que le Comité publie en août 2016, afin qu'il soit pris en considération pour la prochaine réunion du G20.  : Implementation of Basel standards. A report to G20 Leaders on implementation of the Basel III regulatory reforms

Dans ce rapport, le Comité mesure la façon dont les systèmes nationaux incorporent petit à petit tout le système prudentiel informellement élaboré en commun.

En effet, toute la puissance de ce que l'on appelle parfois le "système bâlois" tient dans sa concentration, mais se heurte à un moment au "droit dur" : il faut transposer, en des termes identiques et dans un calendrier cohérent.

Le Comité signale que les pays continuent de peiner à transposer, et à transposer dans les délais fixés, les différentes normes. Ils se justifient en disant que cela tient au fait que leurs banques n'arrivent pas à ajuster techniquement leurs systèmes d'information pour satisfaire ses nouvelles exigences. 

Le comité souligne que ce retard dans certains pays alors que d'autres se sont déjà astreints à des normes prudentielles obligatoires créent une rupture de concurrence entre les premiers et les seconds, rupture d'autant plus préoccupante que les systèmes nationaux accueillent des banques internationales : "Delayed implementation may have implications for the level playing field, and puts unnecessary pressure on jurisdictions that have implemented the standards based on the agreed timelines. A concurrent implementation of global standards is all the more important, as many jurisdictions serve as hosts to internationally active banks.".

Pour améliorer la mise en place effective du système, le Comité a proposé une méthode de calcul des risques moins complexe : "These proposals would constrain banks’ use of internal models and would reduce the complexity of the regulatory framework.".

____

De ce rapport sur la question très particulière de Bâle III, l'on peut tirer quelques observations générales :

  • à un moment la Soft Law doit se concrétiser dans des pratiques mesurées, sinon elle n'est rien et ici l'épreuve de "l'implémentation" est mesurée ;
  • c'est dans l'application que les poids et les contours des règles communes se font sentir ;
  • la concurrence normative est une réalité, ici rappelée;
  • que vaut l'argument de la difficulté, voire l'impossibilité, de mise en place technique d'un ordre reçu ?

Cette dernière question est aujourd'hui essentielle. Celui qui a émis l'ordre peut considérer que la non-exécution pour motif technique est une justification irrecevable!footnote-68. Ici, peut-être parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'un "ordre", puisque nous sommes en Soft Law, parce qu'il y a une bonne communication entre le superviseur et l'agent d'exécution qui est en même temps et l'assujetti, celui qui a conçu le système propose de le revoir dans un sens : moins de complexité.

Cass. R. Sunstein a titré son dernier ouvrage : Simpler. Le Conseil d’État consacre des travaux à la qualité du droit et à sa simplicité, deux qualités qui vont sans doute ensemble. Le Comité de Bâle va dans le même sens....

 

1 août 2016

Sur le vif

Cass. R. Sunstein est à la fois un grand professeur de Law & Economics à Chicago, puis à Harvard, l’auteur d’ouvrages universitaires de référence en matière de Régulation, mais encore celui qui inspira les politiques de régulation d’Obama. Dans son ouvrage Simpler, paru en 2013, il exprime sa pensée : pour que la puissance publique fasse mieux, il faut qu’elle fasse plus simple.

Dans cet ouvrage non traduit, il explore les possibilités offertes par l’économie comportementale dans le processus de prise de décision publique. Il s’appuie pour cela sur son expérience en tant qu’administrateur, de 2009 à 2012, de l’Office of Information and Regulatory Affairs (OIRA, que l’on peut traduire par « Bureau de l’Information et de la Régulation »). C’est pourquoi toute personne qui s’intéresse à la Régulation trouvera intérêt à le lire, en se demandant lui aussi si la « simplicité » peut constituer en elle-même une méthode de gouvernement. C’est ce que pense l’auteur.

Placé sous la tutelle de l’Office of Management and Budget au sein de l’Executive Office, l’OIRA a notamment pour mission d’examiner les projets de réglementations préparés par les cabinets des différentes administrations et agences fédérales. En cette qualité, il est en quelque sorte garant de la qualité du droit aux États-Unis : contrairement aux fonctions consultatives dévolues en France au Conseil d’État, ses avis sont toujours contraignants et un projet de réglementation ne peut ainsi être transmis (ni, a fortiori, entrer en vigueur) sans son accord exprès. L’OIRA a également pour mission de centraliser l’ensemble des informations dont disposent les administrations et agences fédérales afin d’en faciliter l’accès et la circulation entre les différents organes de prise de décision publique chargées de l’élaboration et de la production de normes contraignantes.

Simpler est consacré à l’étude détaillée des principales décisions prises par l’OIRA en matière de Régulation durant le premier mandat Obama (2009-2012) sous l’influence de la pensée de Cass Sunstein. Celui-ci a en effet consacré, avant d’occuper des fonctions politiques, une partie de ses travaux universitaires à la question des interactions entre économie comportementale, droit et politiques publiques. Selon lui, la mise en œuvre de politiques publiques de moindre échelle, moins coûteuses, qui prennent acte de l’état de la recherche en économie comportementale (utilisée alors comme outil d’aide à la décision), peut être source d’importants bénéfices en termes de qualité de la norme et d’efficacité de celle-ci (p. 41 : « a general lesson is that small, inexpensive policy initiatives, informed by behavioral economics, can have big benefits »).

Il soutient en ce sens que (p.11) « without a massive reduction in its current functions, government can be far more effective, far less confusing, far less counterproductive, and far more helpful if it opts, wherever it can, for greater simplicity » ( « sans pour autant diminuer l’étendue de ses compétences actuelles, l’Etat peut être bien plus efficace, bien moins déroutant, bien moins contreproductif et apporter beaucoup plus d’aide pour peu qu’il opte, dès lors que cela est possible, pour plus de simplicité [dans ses choix d’action publique] »).

Cette notion de simplicité, d’où l’ouvrage tire ton titre, a pour vocation de traduire l’ensemble des efforts entrepris par les pouvoirs publics, sous le contrôle de l’OIRA, pour édicter des réglementations plus claires et plus accessibles, qui offrent à leurs sujets (les citoyens ; les entreprises ; mais également les administrations elles-mêmes) une plus grande liberté dans les choix qu’ils peuvent effectuer.

Tout au long de son ouvrage et à l’aide d’exemples concrets tirés de sa propre expérience, Cass Sunstein présente sa vision d’une relation vertueuse entre une meilleure information des agents (à l’origine de la norme ou sujets à la norme), une plus grande simplicité dans la prise de décision publique et une meilleure qualité de la réglementation en vigueur dans un État. Il convient tout d’abord d’en résumer les principales idées de l’ouvrage (I.), avant de formuler quelques commentaires (II.). 

(Lire ci-dessous)

23 juillet 2016

Sur le vif

Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a pris un communiqué le 20 juillet 2016, par lequel il s'adresse directement à son homologue turc.

Lire le communiqué du CSA du 20 juillet 2016.

Le communiqué est bref. En voilà le texte : "Le Conseil supérieur de l'audiovisuel exprime sa vive inquiétude à la suite de la décision du Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTÜK), le régulateur des médias en Turquie, de retirer leurs droits d'émission à de nombreuses radios et télévisions.

Le Conseil appelle son partenaire de longue date au sein de la Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA) et du Réseau des institutions de régulation méditerranéennes (RIRM) à ne pas mettre en cause la liberté de communication et le pluralisme des médias, garanties fondamentales d'une société démocratique.".

Le titre que porte le communiqué est le suivant : "Le CSA s'inquiète du retrait par le régulateur turc des droits d'émission de radios et de télévision".

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N'est-ce pas étonnant ?

Que les membres de l'Autorité de régulation s'inquiète comme beaucoup de personnes en raison des événements se déroulant dans cette fin de juillet 2016 en Turquie, on le comprend. Que les faits qu'on rapporte fassent craindre pour les libertés publiques et la démocratie, c'est une opinion que l'on peut partager.

Est-ce à une Autorité de Régulation d'exprimer son "inquiétude" ?

N'est-ce pas plutôt au Gouvernement qui, dans le cadre des relations dites "diplomatiques" d'exprimer par le vocabulaire d'usage, où le texte d'inquiétude est utilisé dans de pareils circonstances, de s'exprimer ?

L'on mesure ici en premier lieu  tout l’ambiguïté du statut du Régulateur de l'audiovisuel. En effet, dans le même temps qu'il insiste sur le fait qu'il agit comme régulateur économique d'un secteur dont il a la garde du développement et de l'innovation, ce qui justifie notamment qu'il considère les conceptions économiques des candidats à la présidence des chaînes de télévisions publiques - régulation économique que l'on conteste précisément le Parlement -, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a été établi pour préserver les libertés publiques.

Pour ceux qui adhèrent encore à la distinction naguère faite entre régulation des libertés publiques et régulation économique, le CSA est toujours cité - avec la CNIL - comme le prototype de la première régulation!footnote-43.

Mais ici, la manifestation de "vive 'inquiétude" accompagnée de la demande "de ne pas remettre en cause les libertés", ce qui est la version amiable d'une injonction ..., s'adresse à une autorité étrangère, sur laquelle le Régulateur n'a aucune autorité.

Que le Régulateur produise de la Soft Law sur les opérateurs sur lesquels il a compétence pour leur faire subir du Droit, on le conçoit : qui peut le plus peut le moins. Mais ici ? Ne faut-il pas appliquer l'adage Nemo plus juris ?

D'où le Régulateur tient-il le pouvoir d'émettre des "communiqués" où il formule des desiderata à l'égard d'un organisme étranger dont le comportement ne lui convient pas ? N'est-ce pas l'office du Quai d'Orsay ?

N'est-ce pas en deuxième lieu un office proprement politique, alors même que le Régulateur ne peut être légitime que dans un office technique et fragilise sa position lorsqu'il adopte une conception politique de sa fonction, plus encore s'il s'agit d'une perspective de "politique internationale", comme cela semble ici le cas.

Mais en troisième lieu le Régulateur répond par exemple à la critique.

En effet, il pose tout d'abord que c'est en raison des liens anciens qui existent entre les deux régulateurs, français et turcs qu'il s'autorise à exprimer son "sentiment" : entre amis l'on peut être francs, formuler quelques reproches et exprimer un espoir d'amendement. Finalement l'amitié dans le numérique et en politique permettrait bien des choses.

Plus encore, le CSA prend soin de rappeler la solidarité!footnote-44 qui existe entre les deux régulateurs. Cela serait parce qu'ils sont "partenaire de longue date au sein de la Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA) et du Réseau des institutions de régulation méditerranéennes (RIRM)" que le régulateur français serait habilité à dire au régulateur turc son fait, c'est-à-dire qu'il compromet la démocratie et que cela doit cesser !

En raison du nombre de réseaux qui relient tous les régulateurs, si cela devait suffire pour permettre aux régulateurs de formuler des conseils, plus ou moins impérieux, à destination des uns et des autres, tandis que désormais les ambassadeurs ont des rôles économiques de plus en plus affirmés, la confusion des genres serait achevée.

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15 juillet 2016

Sur le vif

Au Sénégal, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) dispose de pouvoirs de sanction, comme tous les régulateurs.  D'une façon générale, l'essentiel est non seulement d'exercer ce pouvoir de sanction mais de le faire d'une façon à ce que l'autorité du Régulateur en soit renforcée. Dans cette perspective, la décision de sanction Sonatel est importante.

Comme c'est avant tout la connaissance d'une sanction qui fait le poids de celle-ci, le directeur général de l'Artp vient d'émettre un "communiqué de presse", signalé comme particulièrement important et a fait un point de presse à propos d'une sanction, particulièrement lourde prononcée à la suite de ce que le Régulateur considère comme étant la non-exécution d'obligations suite à des mises en demeure (ce que l'opérateur conteste sur le fond).

En effet, le 21 novembre 2014, l'Artp a mis en demeure la Sonatel de respecter les droits des consommateurs. Parmi ceux-ci, par la modification en 2014 du Code des Télécommunications, les opérateurs doivent "prendre les mesures appropriées de dimensionnement de leurs réseaux de nature à garantir à leurs clients un accès ininterrompu à leur service client commercial ou technique en respectant un taux d’efficacité minimal", lequel est fixé par le Régulateur lui-même et dans un tel cadre doit satisfaire le droit du consommateur à être informé, notamment des mécanismes de facturation, les appels à des services-clients devant demeurer gratuits. Estimant que l'opérateur ne s'est pas conformée, le Régulateur a tout à fois diligenté une enquête et des contrôles et notifié des griefs à l'opérateur, puis a émis le 28 janvier 2015 une seconde mise en demeure pour le même motif.

Estimant que le comportement de l'opérateur n'aboutissait toujours pas à une situation conforme aux droits des consommateurs à être informés, le Régulateur a prononcé une sanction par une décision du 14 juillet 2016, Sonatel à l'encontre de la Sonatel pour un montant de 13 milliards 959 millions de FCfa, ce qui équivaut à plus de 20 millions d'euros, soit 15% de son chiffre d'affaires pour 2015. La décision de sanction prévoit que si l'opérateur n'exécute pas celle-ci, l'astreinte sera de 10 millions FCfa, soit 15.000 euros, par jour.

L'opérateur conteste cette sanction car il estime que son comportement ne justifie pas de reproche. Il se prévaut du fait que dès réception de la première mise en demeure, il a procédé à la "mise en conformité progressive" du réseau, qu'il a tenu au courant le Régulateur de ses diligences, etc. Il va donc former un recours. 

La question qui est ici posée est celle de savoir si les obligations qui pèsent sur l'opérateur relèvent de l'obligation de moyens ou de l'obligation de résultat. Si elles relèvent de la catégorie de l'obligation de moyens,alors l'opérateur a raison. Mais les principes d'efficacité et d'effectivité, liés à la nature téléologique du Droit de la Régulation, conduisent plutôt à incliner vers la catégorie de l'obligation de résultat.

Par exemple, en France, la Commission Informatique et Libertés (CNIL), vient d'affirmer, par une décision Numericable du 1ier mars 2016!footnote-41 que l'obligation pour les opérateurs d'avoir des données exactes et complètes est une obligation de résultat et non pas une obligation de moyens.

La décision une affaire à suivre. Le jour du communiqué de presse, l'opérateur affirmait vouloir faire un recours hiérarchique, c'est-à-dire devant le Ministre.

Dès le lendemain, le Directeur général de l'Autorité de Régulation intervenait dans les médias pour souligner qu'en droit, le recours ne peut être que soit contentieux (devant une juridiction), soit gracieux, c'est-à-dire devant ... lui-même.

L'on mesure ici que les rapports entre le Droit de la Régulation et la Politique trouvent toujours de nouvelles illustrations.

 

 

 

 

 

4 juillet 2016

Sur le vif

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de Régulation des Communication Electroniques et des Postes (ARCEP), a donné un interview le 30 juin 2016 au magazine L'Usine digitale.

Le Président de l'Autorité de Régulateur s'adresse à la presse, c'est-à-dire à tous, notamment au Politique, aux institutions européennes, et aux autres Régulateurs qui comme lui, voudraient occuper l'espace numérique.

Il décrit : "Nous arrivons aujourd’hui, avec l'irruption du numérique, à un acte 2 de la régulation. Il y a 20 ans, on est passé du modèle PTT où l’Etat produisait le service public, au modèle d’État-régulateur qui a permis l’ouverture à la concurrence. Ce modèle vise à une bonne organisation du marché avec des outils de pilotage efficaces, mais parfois très intrusifs : les licences mobiles, qui sont des contrats assortis de sanctions administratives en cas de non-respect des obligations, ou le dégroupage, qui est une intervention sur la propriété privée… Aujourd’hui il nous faut franchir une étape nouvelle et nous projeter dans la suite, repenser nos outils pour permettre, en complément, une régulation plus focalisée, plus humble et plus agile".

Ce qui aurait été cet "acte 1" serait donc dépassé. Finie la rigidité du service public, oubliée même l'ouverture à la concurrence. Cette conception signait certes le caractère temporaire de la régulation, notamment ace à l'éternelle protection des données par la CNIL ...

Il faut passer à "l'acte 2" que Sébastien Soriano ouvre de cette façon, en posant qu'il va "réguler par la multitude :"Oui. La multitude, ce sont les utilisateurs, les observateurs, la société civile. Cela inclut les consommateurs, mais pas uniquement. Et la question centrale, c’est comment utiliser le pouvoir de l’information pour avoir un maximum d'effet de levier sur le marché et grâce à la multitude. La réponse, c’est la régulation par la data."

L'on voit que, comme tous les autres, le Régulateur des télécommunications, se présente comme une sorte de régulateur "naturel" du numérique et pour cela s'appuie sur la notion-clé constituée par l'information. Il  cherche des alliés tout aussi "naturels" que sont les consommateurs . Ceux-ci entrent dans le champs du Régulateur en tant qu'ils sont apporteurs de l'information indispensable à l'office de Régulation du secteur et de l'espace numérique.

La proposition est alors d'être non plus celui qui protège les premiers contre les secondes, mais celui qui fait le lien entre les deux, l'internaute n'étant plus celui que l'on protège d'un côté tandis que le Régulateur s'occupe de la structure du marché de l'autre : "On passe de la plainte à l’acte citoyen : "Il y a un problème. Je vous en alerte, et vous, régulateur qui avez les moyens de régler ces défaillances de marché, je vous laisse agir".

Ainsi, dans cette présentation, l'ARCEP devient non seulement le Régulateur "naturel" du numérique mais encore celui dont toute l'action a pour socle l'information, laquelle est apportée par l'internaute lequel est protégé et bénéficiaire (que l'on pourrait dire secondaire) de l'action du Régulateur).

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Deux observations :

  • Voilà un raisonnement très "agile" de la part du Régulateur qui fût constitué pour être le "Régulateur du contenant" pour devenir le Régulateur de tout (contenant et contenu), ce qui justifie bien un grand air d'un Acte II

 

  • On trouve ici la marque que les raisonnements de la Régulation bancaire et financier sont le modèle de la Régulation en général : lanceur d'alerte, information, obsolescence du "service public"

 

 

 

 

 

24 juin 2016

Sur le vif

L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) s'est dotée d'un Conseil scientifique.  Sa direction en est assurée par Gérard Rameix, président de l'AMF.

Le Conseil scientifique de l'AMF a choisi comme thème de son nouveau colloque annuel scientifique annuel, qui s'est tenu  le 20 juin 2016  L’éducation financière à l’ère du digital.

Construit en partenariat avec la Paris School of Economics, ce colloque a été ouvert par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Il a posé que l’éducation financière « doit permettre à chacun de faire des choix éclairés ». Il a estimé qu'elle constitue à ce titre un « facteur d’efficacité économique et d’équité sociale », ce qui justifie l’implication des pouvoirs publics et notamment de la Banque de France. Celle-ci, avec le concours de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et de l’AMF, doit alors être « un éducateur bienveillant, mais un régulateur attentif », car il est « impératif de faire avancer ensemble l’éducation financière et la régulation, pour permettre le développement de nouvelles technologies, comprises par tous et au bénéfice de tous ».

Trois tables rondes se sont ensuite succédées. La première portait sur l’évaluation du niveau d’éducation financière des ménages (et son impact sur leurs décisions financières). La deuxième avait pour objet les opportunités ouvertes à cet égard par les nouvelles technologies, servant de base au marché des services financiers proposés par les Fintech, principalement les plateformes de financement participatif agrégateurs de données et prestations de conseil automatisées. La troisième table ronde, composée de régulateurs français (AMF, Institut National de la Consommation –  INC) et européens (Commission Européenne), a tiré les conséquences des deux premières tables rondes en présentant les enjeux soulevés par une éducation financière « digitalisée » pour les autorités de régulation.

En raison de la richesse et de l'importance de ce colloque pour les questions de régulation, il est important de restituer ce qu'il a été dit au sein de la troisième table-ronde, consacrée au rôle des Régulateur en matière d'éducation financière (I), puis d'apprécier les propos développés au regard des travaux menés sur cette question essentielle (II). 

(lire ci-dessous)

22 juin 2016

Sur le vif

La ville de Chicago va prendre fin juin 2016e un arrêté pour soumettre les chauffeurs de VTC aux mêmes contraintes réglementaires que les autres : la même activité entraîne la même régulation sur les professionnels

On soutient parfois que la liberté concurrentielle va détruire le « vieux monde réglementé » , les plateformes étant l’exemple de ce vent frais, l’invention du mot « disruptif » étant ce qui pourrait signifier une « nouveauté » devant laquelle il ne convient que de s’incliner.

Il conviendrait ainsi de sourire, voire de se moquer, de ce qui serait un « combat d’arrière-garde », lorsque le Conseil constitutionnel français par une décision du 22 mai 2014 avait limité l'expansion d'Uber, protégeant ainsi corrélativement le monopole des taxis titulaires d'une licence municipale.

Mais aux États-Unis, des villes adoptent des règlementations. Ainsi au prochain conseil municipal de la ville de Chicago, sera proposé le vote d'un arrêté pour contraindre les chauffeurs de voiture de tourisme avec chauffeur.

On se souvient que le Conseil constitutionnel avait justifié sa décision en se référant à "l'ordre public du stationnement", dont la municipalité est maîtresse. La justification ici donnée est la protection de la personne transportée.

En effet, tous les chauffeurs devront justifier qu'ils se sont soumis à des contrôles de santé, spécialement en matière de drogue et justifié de l'absence de condamnation criminelle.

Cela est justifié, puisque la régulation d'une activité implique un contrôle de ceux qui exercent celle-ci et l'égalité des compétiteurs ne peut justifier que pour une même activité certains y soient soustraits, encore moins au regard de la protection de la personne transportée.

La troisième exigence nouvelle est d'une autre nature : le conducteur de VTC devra justifier qu'il n'est pas en dette à l'égard de la municipalité. Pourquoi pas, puisque les infrastructures de la ville leur permet d'exercer l'activité économique en cause. C'est une autre ratio legis, qui tient plutôt à l'idée d'un échange entre la ville et celui qui y transporte des personnes, le bénéficiaire des infrastructures ne devant pas être par ailleurs débiteur de celui dont il bénéficie ainsi des aménagements publics. 

Cette dernière disposition montre que le "contrat" est de plus en plus non plus entre le transporteur et le transporté - via la plateforme numérique-, mais entre l'espace public bien concret et celui qui y circule et qui doit rétribution pour cela.



 

21 juin 2016

Sur le vif

Le 17 juin 2016, l'avocat général devant la Cour d'appel de Versailles a présenté son réquisitoire devant les juges de la Cour d'appel de Versailles.

Sur le fond, le Ministère public a demandé la confirmation par la Cour d'appel de la condamnation du trader pour les infractions commises mais a demandé à ce que la banque, qui s'est portée partie civile, soit déboutée de l'ensemble de ses demandes formées contre l'auteur.

Pour le Ministère public, on peut bien reprocher au trader de nombreuses fautes pénales : abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données informatiques. En effet, Jérôme Kerviel avait détourné plusieurs milliards en jouant sur des écritures, manipulations masquées par des données falsifiées.

Son employeur, la Société Général, demandait donc réparation.

Le Ministère public l'exclut : il considère que la banque a elle-même commis une faute.

Non pas une faute pénale, mais une faute civile. Une faute civile constituée par un manquement objectif. Un manquement objectif pour n'avoir pas empêcher que le dommage lui advienne. Comme d'autres dommages. Comme la crise financière. Ou le chômage.

La faute civile imputée à la banque serait donc constituée par un "manquement".  L'avocat général s'est exprimé en ces termes : "Par ses manquements répétés ... et ses défaillances de contrôle ..., elle a  indéniablement rendu possible ou facilité la réalisation de la fraude et son développement ». Il ajoute que c'est la banque qui  "a entraîné les lourdes conséquences financières de cette fraude.".

Pour le Ministère public, la banque est donc elle-même à l'origine du dommage qu'elle a subi (fait générateur, causalité et dommage). Cela n'est concevable que parce qu'elle porte le poids du bien commun et des défaillances du système en son entier. L'avocat général affirme en effet que  " Les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles représentent l’un des instruments les plus importants de l’État pour la mise en œuvre des politiques économiques et monétaires. En conséquence, leurs décisions, leurs prises de risque doivent être en permanence appréciées, contrôlées et maîtrisées. Les crises financières, ravageuses pour l’économie, l’emploi, la société, ont souvent révélé des défaillances dans les procédures d’évaluation et de contrôle".

Plus encore, l'avocat général considère que le rejet de toute indemnisation par la banque qui se considérait pourtant comme la victime de celui dont personne ne nie les actes délictueux " pourrait être un message fort donné aux établissements bancaires pour éviter qu’à l’avenir de tels faits puissent se reproduire".

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Le temps de la compliance arrive ...

A écouter un tel réquisitoire, le mot technique a rarement été si bien choisi, l'on constate que :

  • les banques sont visées en tant que le magistrat les perçoit comme "toutes puissantes", tandis qu'il perçoit l’État lui-même comme impuissant
  • il en résulte un transfert de "responsabilité", dont la banque paie ici le prix. Est-il raisonnable ?
  • Il s'agit de "donner une leçon" : les autres banques "de premier plan" doivent comprendre. Il s'agit sans doute des banques systémiques. La puissance a donc pour conséquence une obligation très lourde de tenir le système sans défaillance. Est--ce raisonnable ?
  • Le "message", c'est-à-dire la leçon, du nouveau maître qu'est le procureur, est l'obligation d'un contrôle interne qui ne faillit pas. Car c'est le manquement qui fait la faute.
  • Le temps de la compliance est arrivé.

 

20 juin 2016

Sur le vif

On ne sait guère comment "réguler Internet" ...

Puisqu'il existe un continuum entre l''Ex Ante et l'Ex Post dans les Régulations, l'Ex Post étant de plus en plus entre les mains du Régulateur et lui permettant d'assurer l'effectivité des prescriptions qu'il a lui-même élaborés en Ex Ante!footnote-36, , les esquisses de solution se recherchent dans l'Ex Post.

Dans l'Ex Ante, on cherche à rendre les algorithmes "loyaux".

Tandis qu'on espère que les machines seront là où l'on doit placer sa "confiance" et là où l'on peut exiger de la "loyauté", l'on en revient à l'idée qu'il faudrait peut-être "prendre au sérieux la responsabilité".

Le père californien d'une victime du massacre du Bataclan du 13 novembre 2015 à Paris a assigné le 14 juin 2016 Google, Facebook et Twitter devant un tribunal américain en vue d'engager leur responsabilité..

La dispute juridique est claire et nette.

Le demandeur fonde sa prétention à imputer le dommage sur l'usage que le groupe terroriste fait de ses outils : "The suit claims the companies "knowingly permitted" the Islamic State group, referred to in the complaint as "ISIS," to recruit members, raise money and spread "extremist propaganda" via their social-media services".

Les défendeurs ont dès le lendemain répondu à l'unisson qu'ils ont au contraire des "politicies" très actives contre les activités terroristes et travaillent à rendre les lois en la matière plus efficaces.  L'autorégulation et l'éthique contre le droit commun de la responsabilité.

Et de rappeler aussi qu'ils ne sont pas éditeurs et qu'on ne peut leur imputer les messages diffusés. Mais ici, cela n'est pas le sujet. En effet, le grief porte sur l'usage du réseau non pas comme mode de transport et diffusion de messages mais comme mode de recrutement des assassins, de communication entre eux et de préparation de l'acte criminel, ce à propos de quoi quoi la loi exclut pas la responsabilité des entreprises.

Il conviendra donc de "prendre au sérieux" cette hypothèse, si l'on veut bien considérer que le cas n'est pas visé et que l'irresponsabilité de telles entreprises qui plaident pour leur "neutralité" ne doit être que l'exception et non le principe.

La question de principe est la suivante : le principe est-il l'irresponsabilité de ceux qui tiennent l'espace numérique ?

Dans ce cas, il faut étendre leur irresponsabilité à un cas non visé par la loi. Si cela n'est pas le cas, il faut en revenir au principe général de la responsabilité. En exigeant la suite de la démonstration, notamment la causalité, le dommage, etc.

 

15 juin 2016

Parutions : I. Articles Isolés

Lire la version française, qui a servi de base à l'article publié "Le Droit de la Compliance".

 

‘Compliance’ issues have been increasingly discussed in recent years. Articles, handbooks, soft law, decisions or definition have been written. But nothing really converges in order to define it, even to find a term. In French, the term conformité ("‘conformity")  is used in parallel, or even instead of the usual concept of compliance. There are as many definitions of what compliance is as there are authors writing on the matter. And yet it is used in manifold ways, from Competition law to International Finance law, from the hardest law (enforced with the help of the most stringent sanctions) to business ethics, according to which behaving should be enough to be compliant. At a time when compliance invades law, it should be first noted that we are too shortsighted to grasp the mechanism (I), whereas it is necessary to build a comprehensive Compliance law (II).

15 juin 2016

Thesaurus : Doctrine

Références complètes : Boeringer, Ch.-H., Trochon, J.-Y., Athlan, L., Baudesson, Th., Savouré, J.-Ch., Les conflits d'intérêts dans l'entreprise. Identifier, prévenir et gérer les conflits d'intérêts, Avant-propos de Danel Lebègue et Préface de Dominique Schmidt, coll. "Droit & Professionnels", LexisNexis, 2016, 459 p.

Lire le sommaire.

Dans sa préface, Dominique Schmidt souligne que "l'entreprise identifie le conflit sur un mode in abstracto puis détermine ensuite la réalité du conflit sur un mode in concreto au vue de la mission de l'intéressé, des risques auxquelles il se trouve exposé, de ses pouvoir d'influencer une prise de décision et de l'intérêt personnel qu'il peut retirer de la décision à prendre. Cette méthode de gestion des conflits nous apparaître répondre en tous points à l'objectif d'assurer "l'éthique des affaires". Elle prend sa place dans les programmes de conformité ("compliance") que les entreprises les plus importantes doivent élaborer ainsi que dans les missions du déontologue" (p.XVI).

6 juin 2016

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Vogel, L. Du droit commercial au droit économique - Commerçants, Justice commerciale, Fonds de commerce, Bail commercial, Propriété industrielle, Concurrence, Trait de droit des affaires, t.1, 20ième éd., LGDJ - Lextenso éditions, 2016, 1413 p.

30 mai 2016

Thesaurus : Textes

Référence complète : Tirole, J., Économie du bien commun, éd. PUF, 2016, 629 p.

 

Lire la quatrième de couverture.

Lire la table des matières.