31 mai 2018

Sur le vif

Pierre Vimont souligne la nécessité de respecter et d'utiliser les processus politiques de la construction européenne, même dans les techniques de compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

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Dans le cycle de conférences organisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) sur le thème de l' Europe de la Compliance, Pierre Vimont a réagi en "premier discutant" à la conférence que Xavier Musca, directeur général délégué du Groupe Crédit Agricole a prononcée sur la façon dont les entreprises européennes de dimension mondiale se situent dans une perspective européenne, la façon dont une entreprise européenne à dimension mondiale, dont l'activité est plus particulièrement bancaire, a intégré le phénomène nouveau de la Compliance.

S'appuyant entièrement sur la conférence qui venait de s'achever, Pierre Vimont a souligné comment l'Europe pouvait développer la perspective de compliance.

 

Lire la restitution des propos de Pierre Vimont ci-dessous.

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Devant un auditoire parfois, d'une façon générale, un peu déconcerté par ce mécanisme nouveau qu'est la Compliance, voire découragé par la puissance américaine que celle-ci exprime, Pierre Vimont a tout d'abord souligné qu'à leur manière les Européens font, et depuis longtemps, de la Compliance sans le savoir.  Il en est ainsi des mécanismes en place non seulement en matière bancaire mais encore en matière de sécurité alimentaire et d'information des consommateurs, ce qui a entraîné des changements institutionnels, tandis que de nombreuses notions nous sont déjà familières, comme le lanceur d'alerte ou la transparence, même s'il est vrai que l'idée selon laquelle la corruption doit être combattue pour le bien du marché lui-même est davantage une idée anglo-saxonne qu'une idée continentale qui rattache davantage cette lutte à une inflexion des principes marchands. 

Pierre Vimont en conclut que la construction d'une "Europe de la Compliance" ne buterait pas sur des obstacles de type institutionnel et qu'il convient de ne pas brusquer ces mécanismes-là.

Il faut simplement et comme toujours tenir compte des différences culturelles entre les pays du Nord et les pays du Sud, et il est possible qu'une telle ambition si elle devait s'exprimer fortement par une Europe de la Compliance supposerait qu'une volonté plus politique et forte soit portée par un nombre plus restreint d'États-membres.  Pierre Vimont a ainsi pris l'exemple du "parquet européen", dont la mise en place est lente et difficile, en raison des divergences culturelles entre les pays, certains voulant toujours se laisser "le temps de la réflexion".

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Pierre Vimont a ensuite rejoint les propos de Xavier Musca pour souligner l'effet sur l'Europe de la pression croissante des États-Unis en matière de Compliance, les lois européennes (par exemple les "lois de blocages") n'ayant pas beaucoup d'effet pour diminuer cette pression. Cette pression tient à la puissance de l'économie américaine, c'est-à-dire à un état de fait sur lequel le Droit n'a guère de prise. 

Le premier discutant a alors souligné que de la même façon que les américains se sont donnés les moyens d'une véritable "diplomatie juridique", conceptuellement et matériellement (Trésor, OFAC, etc.) pour défendre les intérêts américains, les Européens devraient et pourraient développer une "diplomatie juridique européenne".  Pour l'instant, l'Europe n'en dispose pas, alors qu'il n'est pas inconcevable qu'elle puisse en disposer d'une, c'est-à-dire en premier lieu d'une "doctrine" et des "instruments pour veiller au respect de cette doctrine".

Dans le prolongement des propos de Xavier Musca, Pierre Vimont a reconnu qu'il s'agit d'un travail de longue haleine et qui suppose une autonomie, notamment en matière de devise internationale (question sur laquelle le Droit n'a pas prise).

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Du coup et dans un troisième temps, respectant parfaitement son rôle de "Premier Discutant",comme Xavier Musca s'était demandé ce que les entreprises pouvaient attendre de l'Europe et faire pour qu'elle se bâtisse au regard d'une Compliance qui lui soit propre, Pierre Vimont a suivi ce même chemin de prospective, en estimant pour sa part qu'il ne convenait ni d'aller trop vite ni d'aller trop loin en la matière.

Il estime que c'est domaine par domaine qu'il faut rechercher une volonté de nature politique.

Puis si cette volonté n'existe pas, il convient de s'appuyer sur les États-membres qui sont prêts à avancer pour créer le mouvement nécessaire, le prix de celui-ci étant la création d'une Europe à deux vitesses. Sans jamais sortir du cadre institutionnel, il faudra alors obtenir des autres États-membres qu'ils rejoignent dans un second temps ce mouvement de Compliance pour qu'il y ait une "solidarité" en Europe en la matière. 

Pierre Vimont a achevé son intervention en se demandant sur quelles problématiques il convient de concentrer les efforts de l'Europe (ce qui a fait également écho à la conférence inaugurale du président de la Cour de justice de l'Union européenne). Il a estimé qu'il pouvait s'agir non seulement de la matière bancaire, mais encore de la sécurité alimentaire, ou encore de la protection des données personnelles et des idées fondamentales que recèle le Règlement communautaire (tel que la reddition des comptes), ou bien la protection des droits humains (charte européenne). 

Il nous faut certes inventer mais aussi reprendre et adapter ceux qui existent, par exemple ceux offerts par le Droit européen de la concurrence, ce qui rendra les choses politiquement plus aisées. 

 

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