4 septembre 2017

Sur le vif

Le 25 août 2017, Network Solutions désactive un site extrèmiste : est-ce aux hébergeurs de faire respecter l'ordre public ?

par Marie-Anne Frison-Roche

Internet a permis de créer un espace de liberté, voire un espace libertaire.

Le flot de propos qui s'y déverse est parfois haineux. Tant pis. Cela serait le prix de la liberté : cela correspond à la fois au projet de ceux qui ont conçu Internet, lieux d'expression et de création, même du pire, et à la culture politique et juridique des États-Unis, système dans lequel la liberté d'expression a valeur constitutionnelle.

Cela permet notamment que prospèrent des idées diffusant une pensée dite "néo-nazie", comme le fait depuis des années le site  Stormfront.

Le 25 août 2017,  la société privée, Network Solutions  qui héberge le site et lui fournit le nom de domaine a mis fin à l'hébergement et supprimé le nom de domaine.

L'hébergeur a également interdit au web master de reconstruire le site ou de le transférer d'une quelconque façon.

Cette affaire donne lieu à une débat sur la montée des extrémistes aux États-Unis d'une part et la limite de la liberté d'expression d'autre part.

Ce qui est ici à relever est le pouvoir d'un hébergeur en la matière.

A première vue, une entreprise privée n'a pas à faire la police, encore moins la morale, et à retirer l'usage d'un nom de domaine, c'est-à-dire à "tuer" un site. Mais il faut sans doute tenir compte du fait que trois ans s'étaient passés et que ce site, base de manifestations prochaines de KKK, prospérait.

Le manager qui prit la décision a trouvé nécessaire de s'en justifier, comme l'aurait fait une Autorité de Régulation, motivant une décision de sanction, et ce alors même qu'il peut se prévaloir des conditions générales d'usage qu'acceptent les entités qui créent et font fonctionner les sites.

Lire la suite ci-dessous :

Il le fit donc dans le Wall Street Journal., en ces termes :

"Firing a Nazi customer gets you glowing notes from around the world thanking you for standing up to hate. But a week later, I continue to worry about this power and the potential precedent being set."

"I’d like to fall back on the First Amendment. I’m the son of a journalist. I grew up with discussions around the dinner table on the importance of freedom of speech."

 "But the First Amendment doesn’t compel private companies to let anyone broadcast on their platforms."

On mesure donc que :

  • Le pouvoir d'un gestionnaire de plateforme ressemble à celui de "régulateur de second degré" davantage qu'à celui d'un cocontractant,
  • l'hébergeur ne serait pas "obligé" d'être neutre,
  • en tout cas, la liberté d'expression ne serait pas la source d'une telle neutralité des plateformes,
  • les hébergeurs et plateformes seraient donc les "Régulateurs de la haine" sur l'espace numérique,
  • s'ils sont les régulateurs, leurs décisions seraient de nature quasi-juridictionnelle : elles devraient donc être motivées et susceptibles d'être un recours
  • si les hébergeurs et les plateformes ne sont pas neutres, parce qu'ils combattent la hainee, ils doivent être responsables de la puissance légitime qu'ils exercent dans l'espace numérique qu'ils régulent.

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