5 août 2019

Sur le vif

L'autorégulation des jeux olympiques implique l'indépendance des comités olympiques : le comité italien pourrait être exclu pour partialité structurelle

Les jeux sont un secteur régulé : le désintéressement ("l'amour du sport" étant le principe) et la place de l'argent pourtant centrale le requiert. 

Le Droit de la Régulation qui tient en équilibre le principe de compétition basé sur le désir de s'enrichir, dont le montant d'argent acquis par les uns et les autres, et un autre principe, ici le désir d'être en compétition pour le seul plaisir de l'être, est particulièrement requis, puisque le sport est donc construit sur un oxymore ! 

S'y ajoute le mécanisme des paris qui constituent un marché, lui-même adossé à une activité sportive que l'on continue à présenter comme une activité non-commerciale. 

L'ouvrage sur Régulation et jeux d'argent et de hasard (2018) a montré les enjeux de régulation, notamment parce que les paris ont mondialisé les activités sportives, même locales.

Mais par nature et depuis toujours les Jeux Olympiques sont par essence mondiaux. Or, ils sont "autorégulés". 

Par une organisation concentrique, le Comité International Olympique qui siège à Lausanne organise l'ensemble des Jeux et notamment choisit parmi les Comités nationaux ceux qui, parmi les candidats, organiseront jeux olympiques d'hiver et jeux olympiques d'été. 

Comme tout mécanisme autorégulé, tel qu'on le trouve par exemple dans les grandes entreprises, le Comité International Olympique a édicté une Charte Olympique, qui exprime dans sa lettre "l'esprit" des jeux olympiques, leur caractère désintéressé, la solidarité, l'envie d'entrer en compétition prévalant sur l'envie de gagner. L'on mesure ici la distance avec les principes de la compétition concurrentielle, où la compétition n'est qu'un moyen pour gagner et non pas une fin en soi. 

Les Comités nationaux reprennent ses principes directeurs qui ont présidé à la création même des Jeux Olympiques. 

En tant que cette énorme machinerie constitue une sorte d'ordre juridique autonome, comportant notamment son propre système de règlement des litiges, le CIO estime que ces principes constitutifs sont premiers pour les Comités nationaux qui ne seraient que des sortes de démembrements du Comité International Olympique.

Mais en tant qu'un Comité national est par ailleurs et par un même effet de nature inséré dans un système juridique national, il relève de celui-ci.

Il en est ainsi du Comité Olympique italien qui relève ainsi, par un double effet de pyramide et de l'obligation de respect les lois italiennes et de l'obligation de respect la Charte du Comité olympique.

Or, un projet de loi a été déposé devant le Parlement italien permettant au Gouvernement de modifier par décret l'organisation du Comité Olympique National Italien (CONI)

Le Comité International Olympique a écrit au Comité Olympique Italien pour lui indiquer que son indépendance par rapport au Gouvernement est requise et qu'il ne doit relever pour son organisation que de lui-même et de sa seule soumission au Comité International. Le CIO demande donc au président du CONI d'obtenir les amendements pour que son indépendance ne soit pas ainsi affectée. 

Mais le 6 août 2019, le Parlement italien a adopté la loi sans modification. 

La situation est donc celle d'une contradiction entre deux pyramides normatives, d'un côté celle d'un ordre normatif classique, qui permet à un Législateur de conférer au pouvoir réglementaire d'exercer une emprise sur une structure qui lui est inférieure dans la hiérarchie des normes, et de l'autre côté celle d'un ordre normatif autorégulé, qui permet à l'organe international faîtier d'imposer des principes quasi-constitutionnels imposant l'indépendance de ce même organe par rapport aux organes étatiques nationaux. 

Sans doute une juridiction peut-elle trancher un tel cas, mais comme on le sait en matière de Droit de la Régulation c'est bien le Droit qui se dit "souple" qui est le plus violent.

En effet, immédiatement le CIO a indiqué qu'il allait tenir à Lausanne une "réunion" avec le CONI pour "régler la question".

C'est poser que la prévalence est donner au système autonome de l'autorégulation, puisque les organes étatiques ne semblent pas y être conviés. L'on peut penser que ceux-ci ne tiendront pas compte de ce qui s'y dira...

Mais ce serait ne pas tenir compte de l'article 27.9 de la Charte olympique qui permet au CIO de "prendre toute mesure appropriée pour la protection du Mouvement olympique dans le pays d'un Comité national olympique". Y figure "la suspension ou le retrait d'un tel CNO si la Constitution, la législation, ou d'autres réglementations en vigueur dans ce pays .... on pour effet d'entraver l'activité du CNO".

Or, le Comité national italien a été désigné pour l'organisation de jeux olympiques d'hiver en 2026. Et si ce Comité est suspendu ou exclu, le choix ne peut plus être maintenue. 

Ce qui affectera le pouvoir politique, qui a adopté la loi ...., et l'amener à modifier son texte. 

Dans ce Droit si "souple" qu'il ressemble à un partie de bras de fer, tranchant un litige en réalité entre le CIO et l'Etat italien, hors la présence de celui-ci et hors toute procédure, nous ferons qui en sortira gagnant;

En tout cas, l'autorégulation ne fonctionne correctement que s'il n'y a pas d'opposition ou de dysfonctionnement. Cela montre sa distance par rapport au Droit, mécanisme qui n'existe qu'en considération de possibles conflits, sa forme éveillée. 

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