6 septembre 2017

Sur le vif

La fiscalité est la forme archaïque de la Régulation, dont la construction de l'Europe numérique a besoin

par Marie-Anne Frison-Roche

La régulation du numérique, on s'accorde sur sa nécessité, on en parle beaucoup mais on peine à la faire.

Les enjeux sont multiples : gestion de l'innovation, protection des personnes, traitement des puissances, avenir de l'être humain, le Politique et le Juge étant comme une balle qui ricoche entre ces 4 sujets.

L'on redécouvre alors que les premiers "régulateurs" sont les Gouvernements et que la première modalité du Droit de la Régulation est la fiscalité.

Notamment en matière de numérique et plus encore face au GAFA.

 

En effet, les 4 entreprises américaines, Google, Apple, Facebook et Amazon, admettent la nécessité de règles mais proposent une autorégulation ou une co-régulation. Celles-ci porteraient non seulement sur leurs propres comportements, mais encore sur ceux des autres, notamment la lutte contre le terrorisme. Quand on est plus fort que les États, il conviendrait de se substituer à leur cœur de métier.

N'entendant sans doute être dépossédés du régalien, l'Europe demande aujourd'hui des "comptes" aux GAFA au sens littéral du terme. En effet, les gouvernements français et allemands vont déposer en septembre une proposition de taxation spécifique aux GAFA, dont le fruit reviendra aux pays où ils tirent leurs revenus.

Les entreprises intéressées répondent que dans le système fiscal réside le droit d'être habile et de s'organiser au mieux, tant qu'on ne tombe pas dans l'abus. Conformément au Droit, le Conseil d’État vient de le rappeler à leur profit.

Le ministre français de l'économie et des finances, Bruno Lemaire, a justifié en août 2017 la réitération de sa volonté, en élevant au niveau européen au nom de la "justice distributive", le Droit étant défini comme ce qui donne à chacun la part qui lui revient. C'est un argument fort, mais dangereux, car s'il est vrai que dans la fonction même de la fiscalité, corrélée aux finances publiques, la fonction redistributive est essentielle, l'optimisation fiscale devient chancelante.

D'une façon plus convaincante et propre à la Régulation, cette mesure d'équité est présentée comme corrélée à la construction du marché numérique européen. Dans la mesure où la fiscalité européenne est encore embryonnaire, son lien avec une telle construction permettrait de voir in vivo la force de l'outil fiscal dans un Droit de la Régulation, plus que jamais distant du Droit de la concurrence.

C'est en cela, et parce que le Marché européen numérique doit être construit au forceps, les GAFA devant en bénéficier mais aussi participer à sa construction, qu'un tel partage de l'investissement se justifie.

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